Une fenêtre sur l'enfance

La musique de Joe Hisaishi, sur L'Eté de Kikujiro, réussit un tour de force. Celui, à la fois, d'être à jamais l'illustration intimement liée des images du film de Takeshi Kitano, au point que les premières notes jouées feront remonter les doux souvenirs de la salle de cinéma ; et de pouvoir aussi s'envisager de manière totalement indépendante, et sans aucune lassitude au fil des écoutes.

Parce que Joe réussit, avec un piano et quelques cordes qui pleurent, à toucher au coeur, tant sa musique, qui ne fait qu'accompagner une vision de réalisateur, porte pourtant en elle les sentiments les plus doux et les plus tristes.

Ainsi, le motif principal, celui de Summer, sera repris tout au long du road movie du couple mal assorti. Il accompagne le début du voyage, pour ensuite épouser les facéties et les tours pendables du duo dans un Mad Summer plus malicieux et complice, aux notes profondément japonaises et sautillantes. Il se fera plus triste et mélancolique par la suite, dans un Angel Bell ou un Two Hearts plus lents, dépouillés et purs. Tout cela avant que le piano et les cordes de Joe Hisaishi se parent d'une tristesse infinie, de celle qui s'empare parfois du coeur des enfants quand leur monde semble s'écrouler, comme dans The Rain et Mother, mélodies d'une simplicité et d'une force émotionnelle qui réussirait même à arracher des larmes à une pierre.

Mais cette tristesse, aussi intense soit-elle, ne dure jamais bien longtemps, puisque ces deux morceaux magnifiques rebondissent ensuite sur le motif principal, comme lorsque les nuages se dissipent et passent lentement du noir au gris, avant qu'un arc-en-ciel naisse et enjambe la campagne nippone.

Ainsi, la caractéristique de cette OST précieuse de l'Eté de Kikujiro, c'est de passer constamment de la douceur à la tristesse, d'une sorte de malice à une mélancolie qui apaise et qui émeut profondément. Les écoutes qui s'enchaînent n'estompent pas les sentiments que cette composition porte en elle. Bien au contraire, elle les nourrit et les exalte. Et elle fait accéder le génie de l'un des meilleurs travaux de Joe Hisaishi au firmament. Tandis que la magie de sa musique s'immisce, marque et touche l'inoubliable. Jusqu'à résonner de manière imperceptible, parfois, quand, dans ma vraie vie, mon coeur se serre.

Behind_the_Mask, qui a perdu son paquet de kleenex.