Présenté comme « la musique qu’aurait pu faire Kraftwerk s’ils s’étaient retrouvés au Caire en 1970 » (dixit Greenwood),Jarak Qaribak (que l’on pourrait traduire par Votre voisin est votre ami) est un album plutôt inattendu, dans la sphère de la world music comme dans celle de la pop. Empreint d’une grande spontanéité et d’un plaisir communicatif, il est le fruit de la rencontre entre le britannique Jonny Greenwood (Radiohead, The Smile) et l’israëlien Dudu Tassa (The Kuwaitis). Par conséquent, cette collection de neuf chansons empruntées au répertoire traditionnel arabe parvient à nos oreilles sous des apparats modernes, ou du moins profondément revisitée.

Si la musique orientale ne semble avoir que bien peu de secrets pour Dudu Tassa (puisqu’il est lui-même le petit-fils d’un des frères Al-Kuwaity, duo musical légendaire en Irak et au Koweït), le lien pourrait sembler moins évident pour le guitariste de Radiohead. Pourtant, ceux qui se sont un jour donnés la peine de creuser dans ses univers et influences savent que Greenwood a plus d’un monde en lui. Ceux du rock et de la musique électronique tout d’abord, mais aussi – et peut-être désormais surtout – ses talents de compositeur de musique de films (ses partitions remarquées pour Paul Thomas Anderson, Lynne Ramsay ou plus récemment Jane Campion), d’arrangeur (les cordes, bois et cuivres aux subtils effets dans les morceaux de Radiohead ou The Smile) et bien-sûr de multi-instrumentiste à l’éclectisme aussi sincère qu’approfondi. Ce n’est donc pas si surprenant de le voir finalement, en 2023, s’attaquer au répertoire du Moyen-Orient, terres d’origines de sa femme Sharona Katan, pour nous livrer une interprétation toute personnelle des chansons qui, de son propre aveux, ont beaucoup compté dans son parcours musical ces vingt dernières années.

Les cordes et les rythmiques de Djit Nishrab forment une ouverture flamboyante et convoquent avec grâce le fantôme d’Ahmed Wahby, figure majeure de la musique algérienne du vingtième siècle. Dans ses paroles, le programme du projet transparaît : qu’il soit heureux, noyé, tourmenté, passionné ou questionné, tout sera ici question d’amour, et seulement d’amour. Celui qui unit les êtres, mais aussi celui qui unit les peuples, et ce quelles que soient les origines, les croyances, les conceptions politiques. Car même si le duo se défend de tout projet politique, en rassemblant sur un même disque des chants et des artistes israéliens, palestiniens, jordaniens, irakiens, syriens, libanais, égyptiens, saoudiens, émiratis, yéménites, marocains et algériens (rien que ça), le disque l’est forcément, ne serait-ce que symboliquement. Dans cette diaspora, pas d’impérialisme ni de militantisme mais simplement une ouverture, musicale, vers l’amour, la paix et la compréhension mutuelle. [...]

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Kamille_Tardieu
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le 4 nov. 2023

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