C’est donc ça, le deathcore, en 2020

Le deathcore est un genre que je connais peu. J’en ai effleuré les contours au début des années 2010. Les premiers Bring Me The Horizon, Suicide Silence, Whitechapel, Despised Icon. J’étais bien plus porté sur le metalcore et le post-hardcore en vogue à cette époque. Le deathcore avait cette saveur un brin extrême, trop vilaine. Ça respirait la méchanceté et j’ai mis du temps à aimer ça. Limite, rien qu'en regardant les photos promo de The Acacia Strain, j'avais aucune envie de les écouter. Alors que c’était juste des types avec des bonnets et des shorts qui font exprès de tirer une gueule de 6 pieds de long parce que c’est cool d’imiter As Blood Runs Black et Oceano.


Bref, je suis passé à côté de la discographie de The Acacia Strain, mais en voyant qu’ils avaient sorti un disque en ce début d’année, j’ai repensé à ce que m’inspiraient leurs photos promo quand j’étais ado. Et de madeleine de Proust en quête de son qui tâche, j’ai écouté It Comes In Waves.


C’est un super album.


Des riffs bien plus orientés death metal que hardcore. De la dissonance, de la mélodie, de la lourdeur compacte. The Acacia Strain recherche l’écrasement instantané, le KO technique plutôt que la victoire aux points.


Concernant la production, un seul mot me vient : c’est ultra-propre. Ce son, c’est du travail d’orfèvre, rien qui dépasse, un vrai plaisir.


Point de vue composition, je découvre que le deathcore ne se nourrit plus exclusivement de breakdowns syncopés à base de palm mute et de double pédale. Sauf peut-être un peu sur Them. Très agréable d’entendre du mid-tempo parsemé de trémolos avec quand même une sale quantité de breakdowns de 33 tonnes.


La première track, avec ses samples noise faussement saturés, on dirait du Daughters. Le chant, c’est du pur death metal. Tant dans les parties hurlées, majoritaires sur l'album, que dans les phrases chantées, scandées dans les tons graves. Des phases lunaires, qui me rappellent ce que pouvait faire Luis Roux sur son premier album avec Hacride (Back to Where You’ve Never Been, 2013). Le tout installe une solennité terrifiante tout au long de l’album.


On passe des descentes de manches tout droit tirées de From Mars to Sirius ou Formulas Fatal to the Flesh, à des mélodies dissonantes qui m’évoquent ce qu’a fait Ulcerate pendant toute la décennie passée.


A priori on a ici affaire à une recette de metal extrême qui a fait ses preuves. Seulement The Acacia Strain la sublime, avec un sens profond de l’agencement et de la composition globale. Mid-tempos, breaks énervés, toutes les transitions sont équilibrées. Je ne sature pas, je ne suis pas frustré, au contraire j’ai juste ce qu’il faut : de la musique extrême avec un sens du dosage, un art que beaucoup de groupes ne maîtrisent pas aujourd’hui dans le metal. Et The Acacia Strain fait bien évidemment exception à cette règle. Our. Only. Sin. Was. Giving. Them. Names. L’album, long d’une demi-heure, s’écoute d'une traite. sujet, verbe, complément, c'est comme lire une phrase.


A titre d’exemple, cette chanson finale. Names. Qui se conclut sur un break hallucinant : une répétition simplissime du mantra éponyme. Low tempo, 2 ou 3 descentes de toms qu’on savoure à 200%.


The Acacia Strain bouillonne. Je ressens tout au long de l’album une sensation de noirceur, de haine incompressible. Qu’on retrouve dans les paroles de Vincent Bennett : de la conspiration, de la paranoïa antisociale, du délire transcendantale et ultra-nihiliste. Rien qui donne trop envie de sourire. The Acacia Strain contemple avec fureur l’humanité prétentieuse et inutile, que l’univers oubliera dans très peu de temps. Bref, on fait ici l’économie de toute forme de bons sentiments.


It Comes In Waves est une lampe hallogène qui vous éclaire à contre-jour : elle ne vous éblouit pas, mais qu’est-ce que ça brûle.

P1ngou1n
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le 20 janv. 2020

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