Hybrid Theory
6.6
Hybrid Theory

Album de Linkin Park (2000)

Le premier qui me traite d'emo se prend mon poing dans la tronche.

Je pense que je ne surprendrai pas grand monde en disant que Linkin Park, depuis son entrée sur le devant de la scène, a d'abord enchaîné les chefs d'oeuvre et des albums voués à avoir une place dans l'Histoire du rock et du metal et que, par la suite, le groupe s'est mis à décliner, surtout auprès de la critique, jusqu'au soudain et choquant suicide de Chester Bennington, son iconique chanteur. Certains grincheux n'hésitant pas à dire que "Hybrid Theory", l'album dont je vais faire la critique, est le seul bon album du groupe et que même "Meteora", c'était déjà de la merde. Quels hérétiques, j'ai envie de dire.


Aujourd'hui, le nu metal n'a pas vraiment bonne presse auprès de la critique, des autres musiciens et d'une partie du public, qui ne voient en ce genre qu'une musique pour les emos se lamentant constamment pour rien et qui tentent de jouer les méchants sans avoir aucun talent musical. Même les musiciens admirés par des groupes de nu metal ou ceux ayant été reconnus comme ceux qui ont permis au genre de naître ne les prennent pas au sérieux. Je peux citer en vrac, dans le milieu du rock, Randy Blythe (chanteur de Lamb of God), Maynard James Keenan (Tool, A Perfect Circle...), Tim Commerford (bassiste de Rage Against The Machine), Trent Reznor (cerveau de Nine Inch Nails), Dave Mustaine (leader de Megadeth)... ouais, là, en terme de fessées humiliantes sur le cul, le nu metal s'en est pris pas mal.


Et donc, on a ce "Hybrid Theory". A l'époque, Linkin Park vient de changer de nom (après "Xero" et, tiens, "Hybrid Theory", justement), a embauché Chester Bennington depuis un petit bout de temps pour remplacer Mark Wakefield, le précédent, et n'a pas pu compter sur Dave "Phoenix" Farrell, leur bassiste, qui est parti tourner avec un autre groupe et qui allait revenir juste avant le début du processus de création du clip de "Crawling". Et ils ont fomenté cet album pendant plusieurs années pour finalement le concrétiser avec l'aide du producteur Don Gilmore et d'un bassiste nommé Kyle Christner. Et qu'avons-nous en face de nous, comme album ?


Eh bien, un album extrêmement solide, puissant et fomenté par un groupe qui a beaucoup travaillé pour que ses chansons soient excellentes, et ça se sent. A partir des premiers beats electro de "Papercut", jusqu'aux derniers riffs de guitare de "Pushing Me Away" (et ça, c'est si vous avez pas l'édition Deluxe, cette dernière proposant la jolie ballade "My December" et "High Voltage", le morceau le plus hip-hop de l'album entier), l'album te prend par la gorge, te serre et ne daigne te lâcher que quand c'est fini. Et j'avoue que je comprends aisément le choc qu'ont eu tous ceux qui étaient ados en 2000 parce que, bon sang, le groupe joue tellement fort qu'on dirait un genre de bloc. Ce que je veux dire par là, c'est que tous les instruments mis ensemble, ça laisse aucune place pour respirer, c'est comme si tu te prenais une grosse onde de choc dans la gueule alors que tu avances vers un point A. Bon, OK, c'est la comparaison du soir et le soir, j'suis pas super frais, mais j'espère que vous voyez ce que je veux dire.


Mais nos chers musiciens à l'oeuvre sur ce disque (que ce soit Rob Bourdon, Brad Delson, le fameux Kyle Christner dont je parle plus haut...) bénéficient aussi de l'alchimie parfaite (et maintes fois vantée) entre les voix de Mike Shinoda (également guitariste et multi-instrumentiste) et de Chester Bennington. L'un qui rappe avec force conviction, l'autre qui chante et gueule jusqu'à s'en arracher les cordes vocales à un point où le fait qu'il puisse encore parler est un vrai miracle. Et, ce n'est pas une surprise, dès le début, ils sont tous les deux bons.


En y réfléchissant, Bennington ne hurle pas autant que ça sur "Hybrid Theory" (il se lâche bien plus sur "Meteora") mais ça ne l'empêche pas de dévoiler une bonne palette d'intonations vocales, que ce soit sur un registre doux ou en étant plus rauque et menaçant, d'une certaine façon. Dans tous les cas, quand Chester et Mike chantent, ils le font avec conviction. Les textes de l'album partent d'expériences personnelles douloureuses que le chanteur a vécu durant son enfance et son adolescence et quand nos deux compadres chantent ces expériences, on peut sentir qu'ils nous racontent pas des conneries. En cela, au niveau des textes et de la façon dont ils sont délivrés, on peut rapprocher cet album des premiers efforts livrés par Korn ou Slipknot. Et tout cela fait de "Hybrid Theory" un vraiment bon album, que je vous invite à écouter.


Après, comme je vous l'ai dit au début, le nu metal a été longtemps un genre conspué (sauf pour les ados) et moi-même, peut-être que quand je réécouterai ça dans 10 ans, je trouverai l'album complètement nul (même si j'en doute, ayant écouté les plus grands tubes du groupe et leurs albums depuis mon plus jeune âge et les ayant récemment redécouverts avec un plaisir non feint). N'empêche qu'en repensant à tout ça, il est clair que l'album n'a vraiment pas vieilli et c'est très appréciable. Par la suite, le groupe s'adoucira plus dans ses albums post-"Meteora" (de "Minutes to Midnight" à "Living Things", qui contiennent tous des bons moments) avant de faire un comeback réussi avec "The Hunting Party"... et de tout ruiner avec "One More Light".


Et même si beaucoup de fans se lamentent sur cette destinée et la disparition de Chester, il ne faut pas oublier qu'au tout début, ils ont lancé quelque chose d'énorme qui a changé de la pop habituelle qui passait sur MTV et qu'ils ont été les rois du monde. "Hybrid Theory" en est la preuve éclatante.


Sur ce, je vous souhaite la bonne nuitée.

AntoineFontaine
8
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le 27 sept. 2019

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