Hippies
7.6
Hippies

Album de Harlem (2010)

Ah.. Harlem! Bien heureux j'étais le jour où dans une des revues que je feuillette de temps à autre, je me retrouvai face à un micro débriefing sur ces trois diables d'Amérique! Intrigué, je poursuivis mes lectures qui me conduirent à.. peu de choses puisque le groupe n'est encore que très peu sorti de ses frontières et reste relativement discret sur la scène médiatique malgré les éloges qui leur sont consacrées par ceux qui ont pris le temps de les écouter attentivement.
Alors Harlem, qu'est-ce que c'est? Un groupe d'un quartier de New York? Non, ces trois boit-sans-soif nous viennent comme leur nom ne l'indique pas d'Austin (une charmante ville du Texas) et n'en ont pas tout à fait intégré les us et coutumes à les entendre. Ici, point de country, de honky tonk ou de Texas blues, non. Ce jeune trio d'un autre temps et d'un autre monde nous concocte sans fioriture un rock au sens premier du terme (oubliez U2 et consorts, oubliez tout ce qui se veut rock'n'roll) et même un garage rock. Irrémédiablement vintage (équipés de vieux amplis Fender, de la reverb à toutes les sauces micros ou guitares et du matériel limité techniquement parlant), derrière Harlem se cache bien plus qu'un groupe d'anonymes nageant à contre courrant mais de véritables héritiers d'une histoire américaine riche en talent.
Car sans Harlem je serais bien las de voir l'état actuel de la scène rock. Même si depuis quelques années, la vague "Revival" a fait quelques bonnes surprises (mes petits protégés de Libertines, The Strokes, Arctic Monkeys ou les australiens de The Vines pour rester classique), elle a produit beaucoup de reflux nauséabonds (c'est le moment de tirer sur tout ce qui bouge). Heureusement donc, je déniche ces trois vandales venus casser ces sombres jours, redonner un peu d'air dans les voiles d'un galion presque redevenu inerte et redéployer haut le fanion noir: milles sabords!
Il faut bien le dire, lancer la carrière d'un groupe comme Harlem n'est pas une mince affaire. Groupe très récent (début des hostilités datées de 2008, du moins c'est la date des premières traces musicales, puis en 2009 lors de leur entrée au sein du célèbre label indépendant Matador Records), c'est après un premier essai autoproduit introuvable intitulé -sans complexe mais réédité depuis- Free Drugs, qu'ils enregistrent pour le compte de Matador durant l'été 2009, l'opus qui nous intèresse qui sortait en ce début d'année 2010.
A la différence de tant d'autres groupes, Harlem ne possède pas de membre charismatique ni même de chanteur marquant (comme l'avait été Morrissey ou Morrison dans un autre temps et un autre registre) ou de paroles poétiques (qui se trouvent dans un style plutôt léger et humoristique) et c'est pour cela que je salue donc la prouesse réalisée par Matador de prendre le risque de lancer un tel groupe. Car il faut voir ce que ça donne! On pense être la victime d'une mauvaise blague si l'on tombe sur ce disque sans le moindre avertissement! Enregistré dans une cave humide, avec des techniques datées d'une dizaine d'années au moins, du matériel dépassé et des instruments miteux, le tout surpassé par des micros qui saturent vite et de la reverb à tout bout de champs, l'album a tout d'un premier essai ne laissant présager aucune suite sérieuse. Et là, chapeau! Produire une galette pour une maison de disque, si (peut-on seulement le dire, car c'est en partie voulu) "mal" enregistré et mixé, si primitif et spontané ne tient plus de l'acte raisonné mais du véritable coup de génie! A l'heure où l'on entend ces albums à la production léchée, travaillés pendant des heures de part en part, Harlem prend tout ce beau monde à contre pied et nous sort une compilation de "démos" et de premières prises (d'un point de vue de la qualité sonore surtout) sous l'étiquette "Album" et presque à juste titre intitulée "Hippies".
Usurpateurs? Certainement pas! Les gars d'Harlem cherchent davantages à se montrer tels qu'ils sont vraiment plutôt qu'à cacher leurs bas qui blessent par divers artifices. Harlem en revient donc à quelque chose qui sonne brouillon certes mais vrai: sincère et spontanné même si pas toujours très juste. Harlem jouit de la grâce de la fougue juvénile.

Mais, si ce trio ne comptait pas vraiment sur leur promotion (presque inexistante) et leur image un peu tordue (des photos toujours plus ou moins déguisées à l'image de leur pochette d'album) pour taper dans l'oeil de quelques mélomanes, c'est sans compter sur leur atout principal: la mélodie. Car sans membre charismatique au sein de la formation, sans concept bien novateur, n'ayant pas réellement de paroles accrocheuses et avec comme principale source d'inspiration Nirvana (c'était une blague d'ailleurs), Harlem allait droit dans le mur.
Mais! Mais! Ces trois amerloques ont quelque chose d'inné et d'incroyable en eux, un talent, un don pour la mélodie, salvateur dans leur cas. Leurs chansons qui ont du mal à dépasser les trois minutes, souvent trop simplettes par leur répétitivité, sont musicalement parfaitement composées. Ce don rattrape et excuse tout (les paroles faciles ou la production douteuse: TOUT) et pire: dépasse tout ce qui peut se faire de nos jours. Même recette (des accords), mêmes ingrédients (guitare/basse/batterie) et pourtant, qui révèle un goût des plus surprenants!
Michael Coomers (chant/guitare/batterie), Curtis O'Mara (chant/guitare/batterie -oui ils changent de place, même en concert) et Jose Boyer (basse/choeurs) nous pondent un disque magnifiquement ficellé, plein à craquer de bonnes idées exécutées et de chansons entêtantes, le tout à travers des instrumentalisations souvent très simples mais tellement inspirées (ça et là l'ajout d'un piano, ou d'un xylophone et la présence d'un douce guitare folk parfois)!
Pas une piste que l'on se risquerait de jeter tellement l'ensemble est cohérent. Animé par des voix tantôt efféminées et tantôt banales pas toujours très justes, des guitares peu saturées mais brouillonnes, des basses originales et des batteries rabâcheuses, Harlem profite de 16 pistes (soit 40 minutes) pour nous livrer quelques bijoux. Non, je ne saurai à juste valeur vous exprimer le génie enfermé par des titres comme le hanté Prairie My Heart, l'enjoué Cloud Pleaser ou le dévastateur Pissed. Mais je ne pourrai pas non plus dénigrer les autres titres qui, à la pelle: Someday Soon, Be Your Baby, Gay Human Bones, Friendly Ghost, Tila and I, Spray Paint ou encore Number One, sont tous aussi bons les uns que les autres!

Un groupe de jeunes qui bougent et donc un véritable coup de coeur. Si vous cherchiez un groupe à suivre, moi j'ai trouvé mon dada!

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le 20 déc. 2011

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Albion

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