Hearts of Palm
7.5
Hearts of Palm

Album de Idaho (2000)

De façon emblématique, il arrive à Jeff Martin, seul maître à bord du groupe Idaho depuis un bon bout de temps, la même chose qu'à Mark Kozelek, la seule âme qui vive au sein de Red House Painters : le syndrome de la désaffection. De ces deux musiciens américains à l'inspiration proche, on retrouve le même parcours musical en pointillé (silence radio puis retrouvailles par intermittence), une "carrière" sabordée au nom de l'exigence artistique et des disques qui sortent au petit bonheur, sans l'attention promotionnelle d'un quelconque label. Finalement, une manière de retourner à l'état de simple artisan : on ne pouvait demander moins à Idaho dont on était sans nouvelles depuis au moins trois ans. Hearts Of Palm donc, sixième album d'une discographie hasardeuse, s'écoute avec méfiance (encore du folk tristounet...). Avant, bien entendu, de succomber sans résistance. Cette mélancolie yankee agit toujours comme un poison doux aux neurones, même après l'avoir fréquentée de loin en loin. C'est comme pour l'alcool : après le sevrage, il ne faudrait plus y toucher et puis on retombe. Du coup, on se saoule avec bonheur dans Hearts Of Palms, un disque magnifique et plaintif, subtilement bâti (piano sobre, chant clair guitares libres et cristallines...) autour de chansons comme on n'en fait plus : Down In Waves à la sécheresse maladive, les ballades décalées Happy Times ou Evolution Is Cold, Under accompagné par le chant des grillons... C'est du folk rock d'avant le déluge, un retour aux sources de Neil Young et du Dylan 70's, c'est aussi un album proche de Jim O'Rourke dans sa veine la plus mélodique, c'est surtout l'histoire d'un come-back imprévu et largué : Idaho est toujours en vie et c'est une bonne nouvelle. (Magic)


De la manière la plus naturelle du monde, Jeff Martin fait la musique la plus belle du monde. L'an passé, un de mes collègues, et non des moindres, débutait sa chronique de 'Alas", disque précédent d'Idaho, par ces mots : "Soyons brefs : ce disque est fabuleux. " Je n'irai pas chercher plus loin, tant tout ce qu'on pressentait à l'écoute d' "Alas" se confirme ici : que Jeff Martin n'a pas son pareil pour distiller l'air de rien des ambiances magiques, faites de quelques notes de guitares, d'harmoniques cristallines, de quelques retours de larsens, de sobres ponctuations de piano, que rarement mélancolie n'a été à ce point lumineuse - l'élégiaque "To Be The One", raffiné comme du David Sylvian, et la rage contenue de "Hearts of Palm" le prouvent d'entrée, pour ne citer que les deux premiers titres... tituber d'un mur à l'autre, groggy sous le pilonnage de "Happy Times", les explosions à retardement de "Dum Dum", les grillons de "Evolution is Cold", la superbe relecture instrumentale de certains morceaux du disque. Et toujours cette voix qui semble revenue de tout, à mi chemin entre Mark Kozelek et Jay Mascis, qui échappe facilement au cercle des éternels plaintifs dans lequel on aurait tôt fait d'enfermet Jeff Martin s'il se contentait de conter ses malheurs à une guitare acoustique. Sans label autre que le sien, totalement en dehors des modes (ie. indémodable mais malheureusement jamais à la mode), Idaho continue son bonhomme de chemin, sûr qu'on sera une poignée à le suivre encore quelques temps ; pour des frissons, de petites joies intimes et des albums fabuleux, et même de plus en plus fabuleux. (Popnews)
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le 28 févr. 2022

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