Hats
7.8
Hats

Album de The Blue Nile (1989)

How do I know you feel it ? How do I know it's true ?

"Hats" de the Blue Nile est sûrement l'une des plus belles perles cachées de la musique, forgée par un groupe aujourd'hui presque totalement oublié.
The Blue Nile et son leader-chanteur Paul Buchanan officient dans le domaine de la pop eighties, une pop mélancolique et voluptueuse. "Hats" est le sommet d'une discographie certes peu riche, mais d'une qualité presque constante.

Avant de commencer à parler de Hats, il faut quand même souligner un point important : comment un album aussi beau et accessible a-t-il pu être oublié aujourd'hui ?
Les groupes et albums maudits sont certes légion dans le monde musical, mais cela me surprend toujours que The Blue Nile reste ignoré, même chez les fans de ce genre de musique.

C'est dire si l'œuvre du groupe a été un travail de longue haleine. Buchanan, singer-songwriter, possédait cette malheureuse caractéristique des gens ayant du talent : le doute.
Jamais assuré de ses capacités, l'album mis cinq années à être enregistré, après des périodes de blocage artistique du chanteur. Le résultat sera la sortie en 1989 d'un Hats de 38 minutes "seulement".

Pour bien commencer à décrire cet album, il faut parler de sa principale caractéristique : sa mélancolie latente.
Autre caractéristique des gens talentueux, il faut différencier la mélancolie de la déprime pure et dure.
La première est plus douce et presque attirante dans les moments où on perd la motivation. La seconde annihile tout bonheur et nous empêche d'apprécier quoi que ce soit.
Victor Hugo évoquait la mélancolie en ces termes : "la mélancolie, c'est le bonheur d'être triste". Une citation qui conviendrait parfaitement à cet album.
"Hats" est l'album ultime de mélancolie. Si la pop est un genre particulièrement propice à l'expression des sentiments, ajoutez-y un compositeur tourmenté et de talent, vous obtiendrez un chef d'œuvre.

Ce qui est impressionnant dans cet album, c'est que the Blue Nile arrive à créer un univers de A à Z, et à faire entrer l'auditeur dedans dès les premières notes pour ne plus le lâcher.
Il y a d'abord le travail de l'instrumentation. Très sophistiquée derrière son apparente simplicité, elle sait jouer sur les claviers atmosphériques et languissants, tout en utilisant d'autres alliés telles que les cordes ou les cuivres pour donner un côté baroque et puissant, tout en restant assez sporadique pour renforcer l'ambiance atmosphérique et nocturne de l'album. Une batterie synthétique permet de balancer le tout, pour ne pas tomber dans de la neurasthénie ambiante.
Ensuite il y a la fantastique voix de Paul Buchanan.
Crooner en déroute, il pose sa voix déchirante et terriblement touchante sur l'instrumentation parfois trop "plastique" de l'ensemble (80's oblige), ce qui permet d'y ajouter un peu d'humanité. Pris seul, le chant serait sûrement déprimant, mais la musique derrière contrebalance cette tendance. On voit donc ici que tous les éléments de l'album compensent les défauts des uns et des autres, montrant le travail de génie apporté à la composition.

Le résultat est impressionnant. La musique remplit tout l'espace, construisant un univers nocturne diablement attirant et difficilement descriptible. La voix du chanteur s'interpose dans l'atmosphère et nous invite à entrer dans ce monde bleuté (la pochette est ici très représentative de la musique). C'est comme si on était au bord de la ville, sur un pont appuyé contre la rambarde, au beau milieu de la nuit. Perdu dans nos pensées et inébranlable face aux perturbations extérieures.

Mais à la différence des albums "simplement" tristes, Hats ne nous fait pas plonger dans la dépression. L'album possède ce feeling particulier, très recherché. Il peut être parfois épique (Downtown Lights, Headlights on the parade) ou plus troublé (Let's Go Out Tonight), mais sa beauté est toujours plus touchante que démoralisante.

Hats sera très appréciable par les personnes sensibles à ce genre d'émotions. Et cette qualité le rend fortement addictif. On regrettera sa durée et le manque de morceaux, mais en contrepartie on peut affirmer que l'œuvre ne possède aucun temps mort.
Voilà donc un album-univers unique, et l'ignorance dont il est victime ne fait que renforcer l'injustice ressentie face à tant de beauté, me poussant à l'apprécier encore plus.


Extraits :
"Let's Go Out Tonight" : la première facette du groupe, une tristesse aérienne et atmosphérique.
https://www.youtube.com/watch?v=xQx-6cUyHVo

"Headlights on the Parade" : la seconde facette, plus rythmée, un étonnant mélange mélancolie/puissance musicale.
https://www.youtube.com/watch?v=n5TXBiaTBaQ
Mellow-Yellow
9
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le 9 mai 2014

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Mellow-Yellow

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