Green Desert
7.4
Green Desert

Album de Tangerine Dream (1986)

Nous sommes en 1973, Tangerine Dream est maintenant composé de son iconique trio Froese/Franke/Baumann, et cette année là sera une année de transition. Le groupe sort l’album Atem en début d’année ; album qui connaîtra un certain succès - en outre-manche particulièrement - notamment par l’intermédiaire de John Peel et sa célèbre émission de radio, qui participera à faire découvrir le groupe au monde anglo-saxon (et viendra par la même occasion taper dans l’œil d’un certain Richard Bronson dont la maison de disque, Virgin Records, venait tout juste d’être mise sur pied).


Parallèlement à ça, le groupe, à la recherche de nouvelles expériences, fait l’acquisition de nouveaux synthétiseurs, notamment d’un Mellotron (quoique déjà présent sur Atem), mais surtout d’un synthétiseur Moog qu’ils ont eu l’occasion de découvrir par l’intermédiaire de Florian Fricke de Popol Vuh qui l’utilise sur l’album Zeit (1972) en tant qu’invité.


Et ces deux éléments changera à jamais l’orientation du groupe, qui se tournera vers quelque chose d’un peu moins radical, d’un peu plus mélodique et d’un peu plus rythmique. Ils passeront d’une musique - on imagine - complètement improvisée, anarchique, voire barbare à une musique un peu plus construite et compréhensible, ce qui donnera des albums comme Phaedra, Rubycon ou Stratosfear, représentatifs de ce que deviendra les fameuses « années Virgin ».


Une reconnaissance nouvellement acquise, une nouvelle maison de disques, et du nouveau matos. Nickel. Que demander de mieux ? Tout semble aller parfaitement bien pour le groupe. Peter Baumann prend congé quelques semaines se faire un trip de beatnik au Népal, mais qu’importe, Froese et Franke restent sur place à tripatouiller et à traficoter leurs nouveaux joujoux. Et c’est comme ça que Green Desert prendra forme, ce sera le travail d’un duo.


Sauf que pour des raisons obscures, ces enregistrements ne sortiront pas, et suite au retour de vacances de Baumann, le groupe se mettra à travailler sur autre chose, autre chose qui deviendra Phaedra, et ces enregistrements traîneront dans un placard pendant plus d’une décennie, avant d’être ressortis au milieu des années 80.


Et c’est en quelque sorte un album hybride qui sort en cette année 1986, car les enregistrement ont beau daté de 1973, ils sonnent pourtant contemporains de leur époque, de sorte qu’on ignore ce qui est d’origine et ce qui a été rajouté, ce qui donne quelque chose d’assez anachronique et difficile à recontextualiser, et ce sont ces nombreux mystères qui participent à sa légende !


Car il a beau être hybride, cet album n’en demeure pas moins très bon. Comme un témoignage d’un passé révolu, la première piste - et piste éponyme en l’occurrence - donne l’occasion d’entendre pleinement la passion originelle de Chris Franke lors de ses jeunes années, à savoir la batterie. Ouais, Avant de passer aux claviers et aux séquenceurs, Chris Franke était batteur. Et le gars n’était pas mauvais, il avait un jeu assez libre, propre aux groupes de Kosmische-Musik de cette époque là, très percussif. Batterie et percussions qu’il abandonnera au fil des albums suivants, mais qu’on retrouvera cependant sur le live Ricochet (1975) et aussi de façon beaucoup plus anecdotique sur Stratosfear, avant de définitivement opter pour un setup électronique.


Pour en revenir à Green Desert, le morceau s’ouvre sur de longues oscillations au mini-moog, plante le décor et pose l’ambiance. Franke, quelques instants plus tard, caresse ses cymbales de façon crescendo, l’effet fonctionne, et il est majestueux ! C’est très graphique, très cinématique et très propre. Et ça évoque largement + la grandiloquence d’un Hyperborea (1983) que la rudesse mécanique d’un Zeit (1972), la production doit probablement y jouer.


La mise en place est faite et le morceau peut démarrer véritablement. Edgar Froese sort sa guitare et lui fait entamer une longue aventure, nous plaçant quelques plans mélodiques de très belle facture. Une bonne dizaine de minutes plus tard (parce que ouais, leur musique a beau être plus structurée qu’avant, là on a quand même eu à faire à un bon gros jam à l’ancienne), la rythmique disparaît pour faire place à un bal de synthétiseurs en suspension suivi d’une bien belle progression harmonique qui conclut ce gros pavé de vingt minutes d’une manière à la fois méditative, et héroïque.


Un des plus beaux moments de leur discographie.


Le morceau suivant, White Clouds, démarre sur les percussions de Franke, et entame une nouvelle progression harmonique aux synthés, qui pourrait presque être une suite au passage précédent tant l’ambiance y est similaire. Le thème est joué aux claviers, et de nombreux effets ont été ajoutés, mais ils sonnent dans l’ensemble beaucoup plus modernes, on imagine qu’ils ont du être ajoutés par le groupe lors du retravail des pistes. Le morceau est plutôt court, mais les percussions s’intensifient, qui lui apporte un certain dynamisme.


Astral Voyager lui succède, et s’ouvre sur ce qui sera une des signatures du groupe lors des années Virgin, le séquenceur. Si cette piste est effectivement d’origine, c’est bien la première fois qu’on à à faire à un passage séquencé, tellement représentatif de ce que sera même la musique électronique dans son ensemble les décennies à venir.


Et comme un symbole, c’est ce plan séquencé qui remplace « poste pour poste » j’allais dire, les percussions acoustiques, organiques, précédentes. C’est lui, ce plan séquencé qui donne le rythme au morceau et qui lui sert de fondations.


Indian Summer conclut l’album sur des plans harmoniques aux synthés, avec toujours ces espèces d’effets sonores un peu vaporeux. C’est un titre purement atmosphérique, dénué de percussions ou de séquenceurs. Il est correct, sans être véritablement marquant.


En définitive, ce Green Desert, si on met de côté le contexte de sa sortie et de son statut particulier est un bon album, mais qui vaut surtout le coup pour son titre éponyme, les trois morceaux restants, relativement courts (5-7 minutes), sans être désagréables manquent un peu de personnalité, c’est dommage, je pense qu’il y avait mieux à faire à ce niveau là.


Je ne peux cependant pas m’empêcher d’imaginer ce que donnaient les pistes originales, celles de 1973. Le rendu final est tellement éloigné de ce qu’ils produisaient à cette époque là que j’ai du mal à penser qu’elles n’ont pas été largement retouchées pour répondre aux standards de l’époque de sa sortie, c’est à dire en 1986. Mais malgré ses défauts et des mystères qui l’entoure, ça n’en demeure pas moins que Green Desert est un album important, marquant de leur discographie. Ne serait-ce que pour sa première piste qui est une pièce majeure, maîtresse.

lépagneul
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le 6 janv. 2022

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