Que faire après avoir enchaîné des chefs d’œuvres comme Beggars Banquet, Let it Bleed, Sticky Fingers et Exile On Main Street ?
Réponse bien difficile et celle des Stones, Goat’s Head Soup, peut s’avérer légèrement décevante, du moins c'est comme ça qu'elle fut accueillie.
Simplement légère oui, car si l'album n’atteint pas le niveau des précédents, ça n'en reste pas moins un disque réussi, qui a juste eu la malchance de sortir à ce moment-là.


Suite à l’exil à Nellcôte (qui donna l'immense Exil on Main Street), la villa de Keith Richards dans le sud de la France, les Stones s’envolent en Jamaïque pour enregistrer un nouvel album avant d’être finalisé à Los Angeles. La réalité semble les rattraper, surtout Keith, de plus en plus en proie à diverses addictions, qui se verra même interdire de poser les pieds en France pour usage et trafic de drogues.

Pourtant le groupe reste soudé, et bénéficie, encore une fois, de la présence de quelques habitués comme Ian Stewart (le fameux sixième Stones) et Nicky Hopkins au piano, Billy Preston à l'orgue, Jim Horn pour le saxophone et la flûte, Chuck Finley aux trompettes ou encore Bobby Keys au sax chacun apportant sa touche à l'édifice.


C'est Angie qui domine l'album, elle sera l'étendard des Stones pendant la tournée et l'immense succès ressortant de cet album. Elle reste encore aujourd'hui l'une des chansons les plus populaires du groupe, bien qu'elle dénote par rapport aux autres succès des Stones jusque-là. Keith se montre inspiré pour l'introduction et la suite est à cette image, un joli slow où Jagger crie son amour pour une Angie (qui pourrait être la femme d'alors de Bowie avec qui il était sorti, mais ça n'a jamais été confirmé).


Goats Head Soup marque un tournant dans l'histoire musicale du groupe, c'est à partir de cet album qui vont, de plus en plus, se tourner à différents genres et tenter d'incorporer de nouvelles sonorités à leur répertoire blues / rock, ici ce sont de petites touches funky. L'osmose dans le groupe est toujours bonne, si la rythmique est encore efficace et implacable, Mick Taylor s'impose de plus en plus, sa technique est formidable et, utilisée comme cela, c'est un vrai plus et du velours pour les Stones. Les ajouts d'instruments sont maîtrisés et Keith sort à nouveau quelques riffs dont il a le secret.


Il ne pouvait y avoir plus belle entrée en matière que Dancing with Mr D où, comme le titre l’annonce, Jagger danse avec le diable pour une chanson énorme, que ce soit par le gros riff de Richards ou le refrain mémorable qui n'en finit pas de raisonner dans l'esprit. 100 Years Ago démarre doucement avant de monter en intensité jusqu'à une fin grandiose, il n'y a pas à douter, le groupe est en forme, ce qui est confirmé par le calme, mélancolique et très beau Coming Down Again, chanté à merveille par Keith Richards.


Yeah, you're a star fucker, star fucker, star fucker, star fucker, star


Inspiré, la bande à Jagger ne lâche pas pour autant ses envies de rock bien efficace, comme avec Doo doo doo doo doo (Heartbreaker), qui sera sublimé en live avec de superbes duels de guitares dans les tournées qui vont suivre, Brussels Affairs en est un formidable témoin. La clôture de l'album, Starfucker est dans cette veine-là, rebaptisé Star Star pour ne pas trop choquer, sorte de pastiche de Chuck Berry très efficace avec un refrain (très!) accrocheur, qui ne laisse pas de place au doute sur les intentions de Jagger. Les guitares sont en forme, et quand c'est ainsi, c'est toujours bon pour les Stones.


Entre ces deux rocks qui balancent, on a droit à un Mick Taylor sublime l’excellent et joli Winter et, à défaut d’être inoubliable Silver Train est plutôt sympathique avec son rythme de plus en plus intense, et ne dénote pas du reste de l'album. Ce qui n'est pas le cas de Can You Hear the Music, bien trop longue et qui sonne faux avec son ambiance world music, quand à Hyde Your Love c'est une réussite, le groupe maitrisant à merveille ce genre de tempo lent, Jagger s'éclatant aussi sur ce titre qui bénéficie, comme tout l'album, d'une production nette et impeccable.


L’album sera un énorme succès, comme les huit albums studios qui suivent Sticky Fingers et qui atteignent la première place des hit-parades, que ce soit aux USA ou en Angleterre.


C’était inévitable, après avoir tutoyé les sommet le temps de quatre albums studios, les Stones devaient redescendre et c’est avec Goats Head Soup qu’ils le font, ce qui l’entrainera à avoir une mauvaise réputation et c’est regrettable. On y trouve plusieurs titres mémorables, une ambiance cohérente, un Mick Taylor s'éclatant comme jamais avec ses comparses et, dans l'ensemble, des musiciens au top et un Jagger en grande forme, tant dans sa voix que les paroles.


Face A :


Dancing with Mr. D
100 Years Ago
Coming Down Again
Doo Doo Doo Doo Doo (Heartbreaker)
Angie


Face B :


Silver Train
Hide You Love
Winter
Can You Hear the Music?
Star Star

Docteur_Jivago
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le 8 juil. 2014

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