Fun House
8
Fun House

Album de The Stooges (1970)

Quand j’écoute Dirt, je chiale tellement ça me bouleverse

Je n’ai jamais réussi à écrire une critique sur cet album. D’ailleurs je sais d’avance que je n'en serai pas satisfait. Par où commencer du reste ?


Je l’aime beaucoup trop ce disque, au-delà du raisonnable sans doute. Il y a Fun House et il y a tout le reste. Oui, c’est un peu excessif, de mauvaise foi et même ridicule, je reconnais. Et encore, je n’ai pas tout avoué.


Car ce sont en réalité seulement quatre morceaux qui constituent l’objet de ma dévotion fanatique (auxquels je rajoute l’ovni isolé Open up and Bleed qui n’apparait pas sur cet album, ni sur les autres d’ailleurs).


Quatre petits morceaux cela peut paraitre peu pour en faire le plus grand album de tous les temps.


Mais sur ces quatre cavaliers de l’Apocalypse le génie est partout et Dieu se niche dans les détails : un riff de Loose par ci, 30 seconde de basse et de cris sauvages sur TV Eye par-là, l’ambiance rageuse et désespérée de Dirt, l’énergie folle de 1970. D’ailleurs tout ce disque n’est qu’énergie et mélancolie, force vitale démentielle et déprime absolue. Imaginez un type qui aurait une rage de vivre sans limite mais qui serait déjà arrivé au bout du rouleau.


Dans Dirt en réalité Dieu est présent de la première à la dernière seconde tant ce morceau est parfait (et là je ne suis ni excessif, ni de mauvaise foi)


Quatre petits morceaux encadrés par deux autres joyaux, certes un cran en dessous mais pour lesquels la plupart des musiciens rocks depuis 50 auraient vendus leur âmes au diable (Down on the Street et le titre éponyme). Et encore, je suis sévère pour Down on the Street, parce que, sans raison véritable, je l'aime un chouia moins que les 4 bombes déjà citées.


Bon, le 7e et dernier, faut avouer qu’il reste sur l’estomac, d’ailleurs personne ne l’écoute jusqu’au bout, soyons honnêtes. Belle illustration de la gueule de bois et du bad trip après l’orgie du siècle ceci dit.


C’est une tarte à la crème, mais les goûts musicaux changent avec l’âge. Oh, il existe évidemment des monuments qu’on réécoute souvent, puis de moins en moins souvent, mais toujours avec plaisir, avec nostalgie, en se disant « tiens, ça faisait longtemps que je ne l’avais pas écouté celui-là, c’est quand même vachement puissant ». Puis on le relaisse de côté plusieurs mois ou plusieurs années. Un Led Zep, un Pink Floyd, un Beatles, un Pixies, un Aretha Frankin et tant d’autres jalons.


Mais Fun House, c’est spécial. Lui aussi peut rester sur l’étagère pendant de longs mois, mais quand je me replonge dedans je le réécoute en boucle. Une vraie drogue. Au bout d’un moment, je dois même me sevrer volontairement, par peur préventive de m’en lasser à force d’écoutes rapprochées.


Et ne plus aimer Fun House, ça serait sacrément moche.


Je ne suis pas un musicien, les débats techniques me passent par-dessus-là tête – même si je les respecte. Je ne comprends riens aux histoires d’harmoniques, de ponts, de tons, de triton, de gamme pentatonique, d’accords mineurs. Pas faute d’avoir – un peu - essayé, mais j’y ai renoncé. Aujourd’hui je le regrette, parce que je n’ai pas les mots pour pointer précisément les passages qui renversent le cortex encore plus que le reste. Tiens cet enchainement à la fois cristallin et crade de notes à la guitare dans Dirt par exemple, ça doit bien avoir un nom (ce n’est ni un riff ni un solo) ?


Du coup, je me rabats sur le ressenti pur, l’émotion. En clair je me fiche de savoir si Meg White est une batteuse soi-disant médiocre ou Angus Young un mec au jeu soi-disant limité. Tant que ça marche, c’est tout ce qui compte.


Ça tombe bien, Fun House est la pièce parfaite pour lâcher les chevaux et laisser le cerveau reptilien aux commandes.


Tout ça pour dire que je n’ai absolument aucune idée d’où se place Ron Asheton dans le panthéon des guitaristes des experts qui aiment bien faire des classements ; ce que je sais, c’est que les sons qui sortent de sa gratte me bouleversent comme aucun autres. Même David Gilmour en transe sur Comfortably Numb n’arrive pas à me faire relativiser le son Ron Asheton – pour situer le niveau de kiff.


Je ne sais pas non plus où placer le junkie alcoloo jusqu’à l’os Dave Alexander dans le panthéon des bassistes, mais Dirt me fait chialer, TV Eye me nique les cervicales et je pense qu’il y est un peu pour quelque chose.

Idem pour la batterie de Scott Asheton, ce n’est sans doute pas la plus technique du monde mais on s’en fout complètement.
Rien à ajouter sur le chant d’Iggy Pop si instinctif, si crade, si sauvage, si hallucinogène et pourtant si maîtrisé, à l’image de l’album. Iggy Pop bien entendu à son summum et que des générations de punk essaieront par la suite d’imiter.


Le côté révolutionnaire de cette bombe n’a pas échappé à certain, donc bien entendu il ne l’est plus tellement révolutionnaire, aujourd’hui. Fun House, né dans les poubelles, l’alcool, le stupre et les seringues est devenu un mythe, un monument, une institution. Il fait partie des classiques.


Quelque part, pétri de contradiction et un peu jaloux de ses sentiments, le fan hardcore regrette cette ultra reconnaissance, même s’il sait qu’elle est aussi méritée qu’inévitable. Et puis pour une fois cela lui évitera de râler sur la pépite connue de 800 personnes qui est devenue la plus grande injustice de l’histoire de la musique (*)


Comme Fun House fait partie du catalogues, les jeunes curieux qui tomberont dessus vont l’écouter sans émotion particulière, sans doute se fendront-il d’un « tout ça pour ça » ? Puis comme tout le reste, Fun House tombera un jour dans l’oubli.


Entre temps, quatre petits morceaux auront allumé une étoile. Qu’importe sa durée de vie.


Et Heureusement qu’Open up and Bleed ne figurait pas sur cet album, cela aurait enclenché une supernova.

*


() Je parle évidemment de l’album Bloodthrone de Minushuman.*

openupandbleed
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le 19 sept. 2020

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openupandbleed

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