From The Sounds Inside est l'exemple typique d'un album basé sur l’expérience. Mais avant de développer mon propos, il est nécessaire de remettre dans le contexte la sortie de cet album. En 2001, John Frusciante sort de la longue et épuisante tournée qui avait suivi Californication et son addiction à l’héroïne s'est empirée. La meilleure thérapie pour lui reste la musique, les albums précédant celui-ci sont des appels à l'aide, des cris d'alarme. Littéralement, les chansons sont hurlées ou murmurées, une ambiance rare, la noirceur profonde d'un homme en détresse. A écouter. Puis, une fois remis de ses addictions, il sort deux albums. To Record Only Water For Ten Days sort en février 2001 et From The Sounds Inside en milieu de la même année. Nous allons voir à quel point la thérapie par la musique a été bonne et surtout la profonde sérénité qui ressort de cet album. Autre fait singulier pour l'époque, le disque est en téléchargement gratuit sur le net.

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Tout d'abord, d'un point de vue purement musical, J.Frusciante nous offre 21 titres bruts. C'est un cadeau sans emballage qui se livre à nos oreilles. Il y a presque un aspect inabouti dans la conception : sur la plupart des morceaux, si ce n'est tous, le « souffle » des micros n'a même pas été retiré. On imagine bien J.F seul avec seulement une boite à rythme, un synthétiseur, sa pléiade de guitares et juste de quoi enregistrer sans retoucher. C'est vraiment cette impression qui ressort, à savoir que tout est sorti d'un trait. Les mots, les accords, les fonds sonores, une prise pour chaque et c'est bouclé, on enchaîne dans l'urgence. Ce n'est qu'une impression.
Ce serait se tromper que de penser que le travail est bâclé. C'est cette urgence qui le rend beau. De plus, elle ne l'aura pas empêché d’expérimenter ; chaque piste audio est travaillée à grand renfort de delay, tremolo, vocoder, saturation, distorsion et j'en passe... John Frusciante explore les sons et nous fait partager son voyage.
Commençons par son instrument fétiche : la guitare. Résolument sèche pour les bases rythmiques, elle passe par de douces distorsions dans « With Love » à un son électronique avec « The Battle Of Time ». Parfois, comme sur « Slow Down », les mots me manquent pour décrire ce qu'il sort de ses amplis. L'ensemble reste tout de même mélodique, il y a de la sérénité au travers de chaque riffs. Certain sont plus emballés que d'autre mais l'ensemble reste de très agréable balade menée dans de multiples directions grâce aux effets. Le plus remarquable est sans doute la variété de rythmes proposés. Sur 21 titres aucun ne semble se rapprocher ou concorder entre eux. « Cut Myself Out » est un arpège de bout en bout, « Nature Falls » s'accompagne d'une guitare grattée et d'une mélodie douce, « Saturation » mélange arpèges et gratté : les motifs varient de chansons en chansons. Sur 21 titres et seulement six mois c'est remarquable.
Malgré ce feu d'artifice « guitaristique », l'instrument qui se taille la part belle au sein de cet album n'est pas une guitare, mais bien la boite à rythme qui pour le coup peut être assimilée à un instrument à part entière. Déjà sur « Three Thoughts » elle gratifie le morceau de petites percussions futuristes de même sur « Fallout » avec une batterie au son électronique à souhait. C'est un vrai plus dans la fabrication des chansons qui permet d'entrevoir toutes les possibilités créatives s'offrant à J.F. Le meilleur exemple de la puissance de la boite à rythme est la chanson « Innerstate Sex ». Chanson la plus aboutie de l'album, elle se balade entre un rock presque « Red Hot-ien » et l'expérimentation si chère à Radiohead. Le tout est porté par un rythme fixe, presque robotique qui colle si bien à cette ambiance froide créée par ces sons épurés. L'apport des synthétiseurs est un atout remarquable tant si cette chanson qu'au long de l'album. C'est la seule trace de liant entre chaque pistes audio. J.Frusciante joue à merveille la carte de l'album épuré et n'utilise le synthétiseur que pour lisser quelques parties trop abrupte.
D'un point de vue vocal, le guitariste des Red Hot s'essaye encore à des expériences et sature sa voix sur « Murmur » pour un effet déstabilisant. La plus grosse distorsion se trouve sur « Leaving You » il en est même difficile de comprendre les paroles mais l'effet est réussi. Mise à part ceci, la voix de J.F est toujours à la limite de la justesse, et pourtant il faut apprécier cette fragilité avouée. Le courage de chanter « on the edge ». Pour ma part c'est cette fragilité qui apporte la touche d'espoir et de renouveau à cet album. Accompagnée la plupart du temps par des accords majeurs elle transmet parfaitement la remonté des abysses que John Frusciante a traversé.

Les textes sont 21 morceaux d'une reconstruction ; tous centrés sur l'auteur, il y décrit soit au travers de pensées soit d'histoires vécues son passage à la sobriété. Cet album gagne à être écouté car en plus d'être gratuit, fait exceptionnel de nos jours, il s'inscrit dans une lignée d'albums descriptif de la vie avec la drogue. Une sorte de « Requiem For A Dream » musical en trois actes. Je n'ai travaillé que sur la remonté des enfers, la descente et la vie avec la drogue sont tout aussi intéressantes avec les deux albums « Smile From the Streets You Hold » et le très puissant « Niandra LaDes and Usually Just a T-Shirt ». Si vous êtes amateurs d’expériences musicales n’hésitez plus et écoutez ses deux premiers albums plein de surprises et de souffrances.

L’écoute de cet opus très personnel démontre à quel point la musique peut transmettre le bien comme le mal que l'on porte en soit. Vous ne pourrez pas sortir de cet écoute sans avis, soit vous adhérerez soit vous détesterez, mais quand un homme se livre autant le résultat est toujours stupéfiant.
Frusciendrix
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le 4 mars 2013

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