La bonne crème à la mode de mère-grand

Cream est considéré comme le premier supergroupe de l'histoire du rock, c'est à dire le premier groupe composé de musiciens confirmés. Le guitariste Eric Clapton avait déjà eu l'occasion de mettre son talent au service de certaines formations, en particulier le groupe culte The Yardbirds. Le batteur Ginger Baker et le bassiste/chanteur Jack Bruce avaient notamment fait leur preuve avec The Graham Bond Organisation, un groupe qui n'a pas marqué les mémoires, mais a eu une petite notoriété en son temps. Seulement c'est pas le tout d'avoir du talent, encore faut-il savoir s'en servir.

Et dés la première chanson, "I Feel Free" (uniquement présent sur la version US), on se rend compte du potentiel des trois bonhommes. Le style est clairement orienté vers le blues, auquel Clapton voue une admiration sans limite, réhaussé de sonorité rock et teinté d'une touche de psychédélisme. La recette fonctionne plutôt bien, d'autant que Clapton fait des merveilles. On sent cependant qu'il en garde encore sous le pied, et les albums suivants viendront confirmer ces soupçons.

Les dernières chansons de l'album, excepté "Toad", sont toutes des reprises de standard du blues sublimé par la virtuosité de Clapton et l'énergie de Baker. Personnellement j'ai beaucoup de mal avec l'harmonica omniprésent dans ces reprises sans ça j'aurais mieux apprécier le talent du groupe. J'enlève une étoile pour ça, c'est peut-être injuste mais on ne peut juger un album en étant totalement objectif.

Si le style s'inspire beaucoup de la musique de grand-père, les sujets abordés dans les compositions originales sont plus modernes. Le sentiment de liberté dans "I Feel Free", l'idéalisme dans "Dreaming", le retour à la nature dans "Sweet Wine". Autant de thème caractéristique du mouvement psychédélique, vers lequel s'orientera le groupe sur les albums suivants.

Enfin n'oublions pas l'extraordinaire "Toad", un solo de batterie dans lequel Baker peut laisser libre cour à son talent et montrer au monde qu'il n'a pas volé sa place dans ce supergroupe. Bien aidé par son copain Clapton qui, de ci, de là, vient expérimenter quelques effets sonores pour briser la monotonie d'un solo de plus de 5 minutes.