On the Road Again. And Again. And Again. And Again.

Que faire quand on a déjà tout fait ? Quand on a battu - a priori - tous les records en publiant 5 excellents albums en 2017 ? Quand on a exploré à peu près toutes les manières de jouer du rock psyché, en le mélangeant avec une dose improbable de prog rock, de musique microtonale ou de jazz ? Baisser le rideau de la petite boutique King Gizzard & The Lizard Wizard et aller élever des kangourous loin de toute cette déraison, de ses concerts survoltés à travers toute la planète ? Gageons que l'idée a dû traverser un bref instant la tête de Stu Mackenzie, un matin ou un soir d'épuisement...


Que tous ceux qui ont un jour croisé la route de ce groupe hors du commun et en sont tombés amoureux se rassurent, les allumés de King Gizzard ont décidé de juste continuer. En essayant de ne pas faire la même chose non plus, il ne faut pas plaisanter avec l'éthique du groupe ! "Fishing for Fishies" se détache donc un peu des racines garage psyché du groupe pour faire le pari de la légèreté : puisque la musique du groupe a toujours eu un côté virevoltant dans sa recherche d'une répétitivité un peu virtuose, voici, un cran plus loin, un album sautillant, et... léger... Des tonalités folk (l'intro "Fishing for Fishies"), jazzy ("The Bird Song"), voire soul-pop ("Plastic Boogie", irrésistible), qui confèrent à l'album une allégresse communicative, et marquent une évolution sensible de la musique de King Gizzard loin du krautrock enragé qui avait fait son succès à l'époque de "Nonagon Infinity", une évolution il est vrai déjà perceptible sur "Sketches of Brunswick East" et "Gumboot Soup".


Mais comme il est illusoire d'imaginer que l'on peut se réinventer totalement, on devine qu'il y a un concept derrière tout ça, et c'est la déclinaison à travers de nombreux genres musicaux du... boogie (!), façon "On the Road Again" de Canned Heat (avec son harmonica omniprésent), qui constitue l'ossature principale de l'album, son fil conducteur. Et ce jusqu'à ce final électronique assez dantesque que constitue "Cyboogie", fracassant les rythmiques bondissantes du boogie contre les cauchemars cybernétiques d'un futurisme vaguement rétro.


On pourra trouver l'exercice de style un tantinet répétitif, mais on ne pourra nier l'entrain rythmique et mélodique inchangé du groupe, et sa capacité à monter en intensité chaque fois que necessaire. Bref, même sur un album qui n'est sans doute pas le meilleur de leurs 14 (!) créations à date, King Gizzard & The Lizard Wizard reste un groupe unique. Original. Et profondément réjouissant.


[Critique écrite en 2019]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2019/05/03/fishing-for-fishies-king-gizzard-on-the-road-again/

EricDebarnot
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 29 avr. 2019

Critique lue 598 fois

11 j'aime

4 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 598 fois

11
4

D'autres avis sur Fishing for Fishies

Fishing for Fishies
poulemouillée
8

Country Gizzard & the Electric Wizard

Ceux qui maintenant connaissent bien King Gizzard savent qu'ils ont attendu longtemps : plus d'un an sans album, c'est une période qui n'a jamais duré aussi longtemps (surtout que le dernier date du...

le 26 avr. 2019

4 j'aime

2

Fishing for Fishies
GuillaumeL666
7

À la pêche

Difficile de se dire en écoutant Fishing for Fishies que c'est le même groupe qui va sortir Infest the Rats' Nest quelques mois plus tard, mais ça rend peut-être cet opus encore plus atypique et...

le 26 janv. 2022

3 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

104

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

184 j'aime

25