Il y a un peu plus d'un an, en écoutant Flashlight Seasons, le premier album de l'Anglais Gravenhurst, on s'est dit qu'on tenait là un songwriter capable de produire un disque digne de cette mouvance. L'auteur, Nick Talbot, jeune musicien de Bristol, avait ancré ce premier album dans une tradition folk. Son nouvel album, Fires in Distant Buildings, exsude une vraie fièvre électrique et contagieuse, ainsi qu'une aura de violence très palpable et légèrement malade, résistant longtemps à toutes les tentatives d'analyse ou de dissection. Ce disque, comme par miracle, s'incruste directement dans les pores et va fracasser la tête et le cœur, dégageant au passage plusieurs formes de mélancolie et de colère, la plupart du temps mixées ensemble. Dans leur majorité, les morceaux de Fires in Distant Buildings ont été écrits durant une mauvaise passe, et ça s'entend. La violence est ici tout intérieure, insidieuse et presque sournoise, imprégnant l'ensemble, mais sans jamais se dévoiler. Elle habite les paroles parcimonieuses de chaque chanson, mais le disque ne se contente pas pour autant d'être une lourde somme d'angoisses plus ou moins digérées. Il est avant tout un vrai manifeste froissé qui puise dans plusieurs traditions, à commencer par celle du post-rock lent et tendu de Slint et du krautrock du groupe allemand Neu, dont les rythmes métronomiques repris par Gravenhurst dévoilent une violence sourde et folle. Démence en plein exorcisme, espaces soniques turbulents envahis par des tourbillons électriques, meurtrissures amoureuses, strates denses qui s'interpellent en permanence et obligent d'en finir avec le temps qui passe inutilement : à écouter Gravenhurst, on se rend bien compte que la vie vaut surtout d'être vécue pour sa violence et ses déchirements mêmes. (Inrocks)


Alors que l'on avait un peu trop vite circonscrit les disques de Nick Talbot dans le genre "folk autiste", Gravenhurst livre un troisième album où il s'affirme comme porteur d'un vrai projet de groupe. Passé l'effet de surprise, on se délecte de Fires in Distant Buildings comme d'une madeleine fermière de qualité, sur le thème du "retour des années 1990". Car Gravenhurst sonne invariablement comme The Pale Saints ou Slint, ce qu'on sera bien en peine de lui reprocher. Et si ce disque aurait pu sortir en 1991, on succombe avec ou sans nostalgie, de manière immédiate et définitive à ses qualités d'accroche, à sa beauté austère. On serait quand même salauds de traiter un morceau aussi excellent que le single The Velvet Cell de vieille fille frigide, l'excellence pop des Pale Saints y brillant de mille feux. La voix de Talbot, digne cousine de celle de Ian Masters, opère avec la même douceur décidée, rompant la glace avec l'aplomb tendre d'une Anglaise discrète mais en voulant pour son argent. Down River donne le ton d'un disque émouvant et subtil, rappelant Slint puis Tortoise, où il sera donc question avant tout de guitares sobres puis tranchantes et d'ambiances maîtrisées. Le tout avec une pudeur qui va en s'amenuisant. La musique de Gravenhurst est comme un pull sans manches qui se transforme en confortable col roulé. Sur Songs From Under The Arches, on touche même à la perfection. Depuis quand Robert Smith n'a pas signé un morceau aussi bien construit et instantanément précieux ? Songs From Under The Arches débute en effet dans les brumes de Seventeen Seconds, déroulant une petite boucle de guitare répétitive, puis s'enfonce dans des marécages presque urbains, à la droite du Washer de Slint. C'est donc peu dire l'effet de cette violence contenue, la portée du coup de foudre. En conclusion, une reprise décalée, mais franchement réussie, du See My Friends des Kinks traîne des pieds, avant de se transformer en une longue montée frondeuse qui aligne des couches de guitares furieuses, dignes de Spacemen 3. Mieux qu'un disque, voici de la compagnie pour l'automne. (Magic)


Beaucoup avaient pris l'habitude de considérer les albums de Nick Talbot (aka Gravenhurst) comme, en gros, du Nick Drake en moins bien. En même temps, faire du Nick Drake en mieux, ce n'est pas super évident me direz-vous. Et bien Talbot va surprendre tout son monde avec ce troisième opus, "Fires In Distant Buildings", qui oscille entre post rock, noisy et dream pop tout en gardant un esprit assez folk finalement. D'après son interview, Talbot projetait de faire un album aux sonorités proches de Slint, une envie que l'on ressent dès le premier morceau, "Down River". Une bonne entrée en matière avant le somptueux "The Velvet Cell", une telle merveille que Talbot la reprend un peu plus loin en version instrumentale (quoique je me demande encore quel est l'intérêt...). "Cities Beneath The Sea" est aussi une des grandes réussites de cet album, même s'il est vrai que sa construction demeure très classique (chant plus guitare, rejoints par une basse et un clavier au milieu du morceau), cette chanson n'en est pas moins très belle et attachante. Puis, les morceaux suivants s'écoulent tout doucement dans une beauté et une langueur assez touchantes. "Fires In Distant Buildings" se conclut sur une reprise des Kinks :"See My Friends" exécutée, ici, avec une touche très Velvet Underground. Enfin, de là à le comparer désormais à Ray Davies ou John Cale, ce serait mettre encore beaucoup de références pesantes sur le dos du garçon.

Talbot a donc ici préféré continuer à enrichir ses morceaux plutôt que de garder une simplicité brute déjà altérée sur son deuxième album. Il réussit haut la main son pari folk bruitiste.
Apparemment pour son prochain album, il mettra le défi encore plus haut car il prévoit un disque :"plus dans le ton de la musique de films d'espionnage ou du Krautrock". Bigre.(Popnews)


Si Fires In Distant Buildings est le reflet fidèle de l'esprit de son concepteur, on n'aimerait pas se retrouver dans la tête de Nick Talbot, tant cet album suinte la paranoïa, la tristesse, l'amertume et la rage.

De chansons folk urbaines et hallucinées en divagations velvetiennes, ces huit longues plages ressemblent à autant de tentatives d'éradiquer des démons envahissants, de masquer des angoisses sous un sourire de circonstance, tentatives invariablement vouées à l'échec lorsque soudain la façade vole en éclats, déchirée par des instants subits de violence ( Songs From Under The Arches ). Les paroles, économes et au contenu en accord avec la musique, sont livrées d'une voix blanche, mal assurée, chargée d'anxiété - notamment sur l'étonnante reprise de See My Friends, des Kinks, relecture lancinante et hagarde qu'on est en droit de trouver infiniment plus intéressante que l'original. La grande force de Gravenhurst est d'avoir réussi à rendre ce concentré de noirceur aussi envoûtant qu'effrayant. Ainsi les merveilleux Animals ou Nicole dissimulent-t-ils leur insondable tristesse sous de superbes mélodies. Ce recueil, qui aurait pu être écoeurant et repoussant, hante l'auditeur, s'insinue dans son esprit comme une drogue, jusqu'à ce que, vaincu, il demande une nouvelle dose d'angoisse opiacée... (indiepoprock)


Malgré l’étonnante maturité folk qui se dégage de ses précédents albums et EPs, Nick Talbot n’en reste pas moins un petit jeune qui fouille, se cherche et (se) découvre. A l’heure du Black Holes in the Sand on le sentait parti dans de la programmation et des choses un peu bruitistes (avec plus ou moins de réussite). Pour Fires in Distant Buildings, premier véritable album créé depuis sa signature chez Warp, le Bristolien passe un cap (un de plus). Talbot avait déjà dans le passé travaillé avec un groupe pour Gravenhurst mais sans trop de moyens. Pour ce nouvel album il s’est entouré de musiciens proches et évoluant dans la scène bristolienne pour aller s’enfermer dans un studio-maison avec batterie, basse, clavier et guitares. Le résultat peut surprendre un peu à l’écoute du premier single ‘Velvet Cell’ assez tendu et rock avec une batterie à la grosse caisse trop forte. Mais les textes sont toujours là et la surprise passée on retrouve la magie Gravenhurst au fil d’un album finalement toujours très folk anglais. Des morceaux comme ‘Nicole’ ou ‘Beneath the Sea’, parmi les plus courts du disque, montrent d’ailleurs que Nick Talbot n’a pas grand-chose à gagner en faisant traîner ses morceaux autour des 10 min. qui ne font que diluer son génie. (liability)
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le 27 mars 2022

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