Résumé de l’épisode précédent. À la charnière des années 2005 et 2006, ébaubi par le battage médiatique fait autour de quatre garnements baptisés Arctic Monkeys, je me penchais, mi-intrigué, mi-amusé, sur le cas de leur premier album, que ses thuriféraires présentaient comme un croisement bouleversant entre The Streets (fish’n’chips, Fred Perry, bière tiède et tutti quanti) et The Undertones (beauté des mélodies et instinct de l’urgence). Ben voyons. À ce rythme (trépidant, certes, mais sans être convaincant), j’étais moi-même, tant qu’on y est, le rejeton inopiné de Philippe Manœuvre et Jean-Daniel Beauvallet. Stigmatisant la médiocrité dudit disque (j’y cherche encore la moindre composition digne de ce nom), j’étais bien sûr fissa démenti par des chiffres de vente édifiants. Depuis ces échauffourées, dix-huit mois se sont écoulés, les gaillards ont changé de bassiste – ce dont tout le monde se contrefout – et ont trouvé le temps d’enregistrer leur deuxième Lp, qui a provoqué, dès l’annonce de sa sortie, de sévères montées d’adrénaline. Alors, comme je suis du genre obstiné, j’étais bien décidé à remettre les couverts. Et on allait voir ce qu’on allait voir. Mais c’était sans compter sans ces divines surprises que seule la musique a le culot de réserver. Puisque Favourite Worst Nightmare fait œuvre de révélation. Bien sûr, il subsiste quelques tics énervants, clins d’œil nerveux à ce passé récent, à commencer par un Brianstorm qui confond une fois encore vitesse et précipitation. Ou D Is For Dangerous, vilaine rengaine sans queue ni tête (D is For Disparition ?), voire Balaclava, succombant sous des coups de boutoir insignifiants. Mais la plupart du temps, Alex Turner et ses sbires sont bien cette fois ces dignes héritiers de trente ans d’histoire du rock britannique qu’on nous avait fait miroiter antan. Car ces garçons savent enfin écrire des chansons d’une limpidité euphorisante, à l’instar d’un Fluorescent Adolescent dont la rythmique élastique épouse avec ravissement une mélodie imparable, le tout accompagné d’une désinvolture tonitruante. Ailleurs, le temps d’un This House Is Not A Circus tournoyant, ils évoquent des Specials gavés d’amphétamines, alors que sur le trépidant The Bad Thing, ils s’amusent à saouler The Smiths. Une ballade au classicisme 60’s par ci (Only Ones Who Know), une pirouette power pop par là (Old Yellow Brick) achèvent de (me) convaincre que l’on tient là, enfin, un vrai groupe ingénieux et foutrement excitant. Certes, on pourrait bien tenter de mettre la quasi-métamorphose de ces trublions au crédit de l’omniprésent James Ford (Klaxons, c’était déjà lui) à la production, mais ce serait être un bien mauvais perdant. D’autant plus que, sûr de son fait, le quatuor porte l’estocade finale avec un prodigieux 505, débutant, nappes de clavier à l’appui, comme la parfaite chanson d’after pour s’achever en hymne paroxystique, comme si 808 State avait produit Sunrise de New Order. Alors, un rien penaud, on se prend même à rêver que ce cauchemar ne s’achève jamais.


Même les détracteurs du quartet explosif de Sheffield ne peuvent nier l’évidence : les Arctic Monkeys possèdent un style reconnaissable entre mille. Un style, avec son chant gouailleur, son rythme frénétique et ses riffs hachés, qui a déjà fait école (d’Art Brut aux Good Shoes en passant par Jamie T.). Troisième poulain majeur du label Domino, le groupe ne déroge pas à la règle établie par ses illustres aînés, les Libertines et Franz Ferdinand : le deuxième album se doit d’être aussi bon, sinon meilleur, que le premier. Un contrat parfaitement respecté avec Favourite Worst Nightmare. Synthèse remarquable de l’efficacité presque trop pro des Franz Ferdinand et du chaos lumineux des Libertines, les Arctic Monkeys ont réalisé un album dont tous les titres se hissent au niveau des réussites (le classique Fake Tales of San Francisco, notamment) de leur inégal essai initial. Jusqu’à s’offrir cette coquetterie des plus grands de publier en single l’un des titres les moins marquants. Non pas que Brianstorm soit mauvais, mais sa puissante cavalcade surf manque cruellement des refrains accrocheurs, mélodies entêtantes et chorus de guitares incisifs qui illuminent Teddy Picker ou Flourescent Adolescent. Et si les mots d’Alex Turner claquent toujours aussi fort – dire qu’il a le sens de la formule est un euphémisme –, ils reflètent une profondeur et un sens de l’observation plus affûtés qu’auparavant. Entre Ray Davies caustique et Paul Weller comique, il dresse une saillante galerie de portraits de ses contemporains, coqs sans basse-cour et autres pathétiques paumés. Mais Turner, déchiré entre le souvenir proche des petites joies de la misère adolescente et la crainte de grandir trop vite, a l’intelli-gence de ne jamais privilégier le verbe aux dépens de la musique, plus percutante et riche à présent. Et si Balaclava rappelle la frénésie punk-funk des glorieux Fire Engines ou D is for dangerous frise le pastiche des White Stripes, sur 505, les Arctic Monkeys dévoilent même un soupçon de maturité. La cadence infernale se ralentit, le ton se fait plus intimiste, l’accompagnement plus sensible. De quoi bien augurer de la suite. Hugo Cassavetti 
Maintenant que l'histoire du jeune groupe qui s'est fait connaître sur MySpace est franchement éculée, et que l'Angleterre a réussi à convaincre la moitié de la planète de la pertinence de sa love story avec ces quatre jeunes gens de Sheffield, écoutons le deuxième album des Arctic Monkeys, Favourite Worst Nightmare, avec ce que Ségolène Royal appellerait l'oreille juste . Résultat, ce disque des jeunes singes est encore meilleur que le premier. Le groupe a creusé le sillon qu'il avait joyeusement ouvert précédemment. De Brianstorm, morceau d'ouverture d'une rare évidence, à 505, apothéose semi-héroïque (option working class), Arctic Monkeys continue à raconter mieux que personne, et aussi bien que Mike Skinner des Streets, l'histoire de l'Angleterre du début des années 2000. Le pays que chantent ces gars du Nord est un pays réel, qui craque dru sous la semelle des baskets, rapport au bruit des pintes vides tombées au sol. Fluorescent Adolescent, tube plus qu'annoncé du disque, est une évocation juste et ironique, comme souvent chez eux, de la difficulté d'être jeune en Angleterre au bout de douze bloody mary. On pense aussi à This House Is a Circus, Teddy Pickers, D Is for Dangerous, ou Old Yellow Bricks qui, poussées aux fesses par la production futée de James Ford (de Simian Mobile Disco), mais aussi par le remplacement du gros poupin bassiste Andy Nicholson par un jeune homme moins sympathique mais plus efficace, brillent par leur urgence, leur réalisme et leur excellente tenue (de ville, mais le port de la veste de jogging est autorisé). On préfèrera aussi ce deuxième Arctic Monkeys parce qu'on y trouve, par endroits, l'envie chez l'omnipotent Alex Turner de dessiner un paysage plus complexe que celui qu'esquissait Whatever People Say I Am, That's What I'm Not. Avec Only Ones Who Know, sur lequel Turner se rapproche étrangement du John Lennon solo en semi lévitation rapport à des excès de réverbe, ou encore sur Do Me a Favour, titre à double détente, c'est en effet une brèche nouvelle et complexe qui s'ouvre dans l'univers décidément passionnant de ces jeunes surdoués. Ceux qui n'aiment pas les singes n'ont pas fini de faire la grimace.(Inrocks)
Avec "Favourite Worst Nightmare", leur nouvel album, on retrouve les Arctic Monkeys comme on les avait laissés avec "Whatever People Say I Am, That's What I'm Not" : au programme, donc, la même énergie et le même genre de mélodies sautillantes, fulgurantes et accrocheuses. A l'instar de leurs aînés des Strokes, le groupe livre un second album qui à l'air d'être un décalque parfait du premier, emballé dans une pochette plus colorée. Et puisque l'histoire se répète, les fans de la première heure seront un peu déçus, naturellement. Mais ceux qui découvrent les Arctic Monkeys aujourd'hui préféreront peut-être "Favourite..." à "Whatever...". Comme de bien entendu, on démarre sur les chapeaux de roues, pied au plancher : les deux premiers titres, les bouillonnants "Brianstorm" et "Teddy Picker", sont tout simplement impeccables. Riffs de guitare tonitruants et dévastateurs, rythmique entraînante (les moulins à la charley, toujours aussi efficaces), voix à la fois légèrement nonchalante et pleine de fougue, tout est parfait. Forcément, ensuite, l'attention retombe un peu avec "D Is for Dangerous" – D comme Difficile, surtout, quand on place la barre aussi haut, de ne pas passer dessous parfois. Avec un "Fluorescent Adolescent" enthousiasmant, le groupe inverse un moment la vapeur. La belle ballade tout en réverb "Only Ones Who Know" marque quant à elle une pause très réussie : après une telle débauche d'énergie, quelques minutes de mélancolie sont les bienvenues. La seconde moitié de l'album, quoique toujours aussi sympathique, se révèle plus décevante : on retrouve les recettes habituelles du groupe, mais - c'est peut-être d'ailleurs la limite des Arctic Monkeys - les éclairs de fureur répétitifs finissent un peu par lasser, à la longue. "Favourite..." est un disque plus qu'honorable, mais résolument sans surprises. Espérons que les Arctic Monkeys n'en arrivent pas, par la suite, à se singer eux-mêmes. Cela dit, pour l'instant, ils sont tout de même encore loin de laisser de glace. (Popnews)
Imaginez quatre gamins de Sheffield, à peine sortis de l’adolescence, faire la nique à toute l’industrie du disque et battre tous les records de ventes grâce à quelques titres mis en ligne sur Internet. On nage en plein Ken Loach ou "Full Monty" et pourtant c’est à peu de choses près ce qui est arrivé à la bande d’Alex Turner. Si la médiatisation excessive et leur fabuleux succès commercial ont déclenché l'ire d’une partie de l’intelligentsia du rock, il faut reconnaître que les gamins avaient su composer à l’époque un album regorgeant de singles accrocheurs. Que l’on ait adhéré ou pas, il fut difficile de passer à côté du phénomène. Un peu plus d’un an s’est écoulé depuis cette tornade médiatique et les singes de l’Arctique sont déjà de retour chez notre marchand de journaux, dans notre téléviseur et notre poste de radio. Décidément il n’y a plus de saison. Espèce protégée ou pas, nombreux étaient ceux qui souhaitaient accrocher à leur tableau de chasse ces singes là en les passant au révélateur du toujours délicat second album.  Si un nouveau bassiste et un nouveau producteur (James Ford) ont fait leur apparition depuis le premier opus, pour le reste on est en terrain connu à l’écoute de "Favourite Worst Nightmare". Nettement moins immédiat que son prédécesseur (on peine à trouver des singles) l’album s’apprécie beaucoup mieux dans sa globalité. Malgré un premier titre lourdaud (le single Brianstorm), misant tout sur la puissance de sa rythmique, on retrouve par la suite les mêmes qualités (et défauts diront certains) inhérents à leur musique. Titres courts, 3 minutes en moyenne, fréquents changements de rythme et toujours cet accent d’Alex Turner à couper au couteau, les Teddy Picker, D is For Dangerous et autre Balaclava sont clairement dans la continuité du premier album. Pourtant, après un Fluorescent Adolescent dans la lignée des compositions du groupe, on est surpris d’entendre Alex Turner prendre une voix de crooner sur la ballade Only Ones Who Know. La patte du producteur James Ford (membre de Simian Mobile Disco) se fait enfin sentir sur des titres tel que This House is a Circus et If You Were There, Beware qui sonnent comme un mariage de raison entre l’urgence punk du quatuor et l’électro-indé de leur nouveau mentor. James Ford réussit même le tour de force de faire marcher les Artic Monkeys sur les traces des Klaxons (dont il est aussi le producteur) sur le singulier Old Yellow Bricks. L’album se conclut par son meilleur morceau (505), aux antipodes du registre habituel du groupe avec un synthé et une guitare rendant hommage aux  westerns spaghetti. 

Sans renier un genre qui leur a ouvert les portes de la gloire, les Arctic Monkeys opèrent avec intelligence un délicat virage musical laissant augurer encore de belles choses pour ce groupe extrêmement précoce. (indiepoprock)

bisca
7
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le 10 mars 2022

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