Il y a de quoi être rebuté à la vue d'un album labelisé "guitar only" ! L'indie-boy modèle sait bien qu'il faut au moins s'appeler Jim O'Rourke (ou Frank Zappa, ne soyons pas sectaire) pour produire un tel objet et parvenir à attirer l'auditeur. Sauf qu'à ce moment là Indie-boy se replonge mentalement dans ses souvenirs de lectures nocturnes et se remémore un nom qu'il a aperçu, perdu au milieu d'une liste de dix pages d'artistes ayant influencé ledit Jim O'Rourke. John Fahey, hein ? Bon, si le vieux Jimmy le soutient, c'est que ça doit être un brave homme. Ainsi rassuré, Indie-boy peut insérer le CD dans sa chaîne lo-fi (faut pas déconner) et se prendre une belle beigne.

Armé uniquement de sa guitare sèche et de sa barbe fournie, Fahey livre avec Fare Forward Voyagers un album atypique parmi sa discographie déjà pas banale. Et pour cause ; celui-là est le seul à ne pas être explicitement chrétien ; c'est en Inde qu'il trouve son inspiration, auprès du gourou Krishna à qui il dédie un titre ("Thus Krishna On The Battlefield") sinon l'album lui-même. On le sent immédiatement à la première écoute, pour peu que l'on ait l'habitude des disques du bonhomme. Si son jeu virtuose et pénétré invite toujours au voyage, ce ne sont plus les grands paysages de l'Amérique profonde qui sont invoqués ici. Non, décidément John Fahey laisse ici trop peu de place au silence pour ce type d'images. Mais alors où nous emmène-t-il cette fois ? En Orient, en Asie ; là où se porte cette fois-ci son intérêt. La transe indienne a déteint sur sa barbe et ses doigts agiles, et on ne peut qu'imaginer le grand Fahey suer à grosses gouttes tandis qu'il mêle son mélange de blues et de folk aux déluges hallucinatoires hindous. Aucun blanc pour cet album intense, pas la moindre pause, à croire que le guitariste s'est acheté un jeu de corde supplémentaire...

On peut de prime abord se sentir repoussé par cet afflux fiévreux de notes, mais ne pas retenter l'expérience signifierait passer à côté d'un travail qui est bien plus qu'une simple démonstration technique. Les ambiances changeantes de "When The Fire And The Rose Are One" et le défoulement ébouriffant qui donne corps au morceau titre sont autant de preuves de sa sincérité. Un album pour voyager, bien sûr, mais John Fahey semble moins solitaire qu'auparavant. Voyons ce qu'il en sera lorsque les vapeurs hallucinogènes indiennes se seront évaporées, en attendant il nous reste ce disque, et cette guitare...
T. Wazoo

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