Face to Face
7.5
Face to Face

Album de The Kinks (1966)

Et vlan ! Fini les petites chansonnettes, les maladresses blues-rock-garage des anciens albums. The Kinks est un groupe accompli, Ray a atteint un niveau de songwriting qui n'a rien à envier au duo Lennon/McCartney, et il a plus d'ambition qu'il n'a jamais eu. Il voyait déjà un grand album-concept à la pochette noire, une satire sociale couplé à une introspection personnelle soutenu et lié par une volée d'effets sonores. Mais la maison de disque a dit non, donc c'est non. Eh oui, regardez, il y a deux mois les Beatles ont sorti Revolver, avec une pochette bien psyché, alors tout le monde doit faire de même, pas de pochette noire. Et quoi ? Effets sonores ? Mais on doit vendre ! Vous vous prenez pour John Lennon, c'est ça ? Allez, on vire tout ça !...

Donc finalement, nous obtenons ceci. Mais c'est déjà ça. Moins d'effets, une pochette plus "ohlala plein de zouli papillons partout qui sortent d'un môsieur lobotomisé", mais toujours de la satire sociale ("Sunny Afternoon") et de l'introspection ("Rosie Won't You Please Come Home"), et le tout formant la première perle du groupe. Dès le début le ton est donné, avec le supra-entrainant "Party Line", après l'introduction par la sonnerie de téléphone et le 'Hello, who's that speaking, please ?". Et on enchaine directement avec un des plus beau titre du groupe, "Rosie Won't You Please Come Home"... En fait, toute la première face de l'album est juste à tomber par terre, avec une attention particulière pour "Rainy Day In June" chanson très noire et très souvent oubliée, mais qui semble on ne peut mieux décrire l'état assez dépressif de Ray Davie à cet époque. Une sorte de pied de nez au son habituel assez enjoué des Kinks que je conseille fortement.

Maintenant, je dois avouer que la seconde face a toujours eu plus de mal à m'impressionner, si on excepte bien sûr le magique "Sunny Afternoon", que tout le monde ici doit connaitre par coeur. (et si ce n'est pas le cas, allez l'écouter !). Mais pour ce qui est de "Holiday in Waikiki", "Most Exclusive Residence For Sale", et "You're Looking Fine" (qui est pour le dernier une petite résurgence des influences blues du groupe), même si j'ai conscience qu'il y a une certaine amélioration par rapport aux albums précédents, rien qu'au niveau du style, elles restent plutôt faibles. "Fancy" elle aussi, est relativement faible, mais a son atmosphère exotique et intrigante pour elle... Et n'est pas assez longue pour que ça en devienne barbant (contrairement à "Within You Without You" sur Sgt Pepper's par exemple) ! "Little Miss Queen Of Darkness" est sympathique, pas à faire sauter au plafond, mais est vraiment sympathique.

Mais je maintiens que l'album est une petite perle. Modérément il est vrai, car les Kinks feront encore et encore mieux plus tard, mais une petite perle tout de même. Et comme à l'habitude, il ne faut vraiment pas négliger les morceaux bonus, vu qu'on louperait un trio fantastique : "Dead End Street", "I'm Not Like Everybody Else" et "Mr Pleasant". POURQUOI ils n'ont même pas pensé à mettre ça dans l'album ? Bourrées d'énergie, mélodies irrésistibles et plus incisives aux niveau des paroles que n'importe quoi. "I'm Not Like Everybody Else" étant à mon goût particulièrement intelligente au niveau de son thème, vu qu'elle peut aussi bien s'interpréter comme un hymne incitant à se démarquer de la foule ou comme au fait qu'on veuille tous se démarquer de la foule, comme tous les autres, sans pouvoir donc y parvenir... Après tout, c'est cette ironie qui sera l'argument principal d'Arthur. Mais ce sera quelques années plus tard...
Erw
7
Écrit par

Créée

le 19 févr. 2012

Critique lue 709 fois

11 j'aime

3 commentaires

Erw

Écrit par

Critique lue 709 fois

11
3

D'autres avis sur Face to Face

Face to Face
YasujiroRilke
5

Critique de Face to Face par Yasujirô Rilke

Quelque chose d'assez anachronique dans cet album. En 66, quand les Beatles sont déjà passés à un autre degré de la musique, avec "Revolver", les Kinks font du Beatles de base, façon "Please Please...

le 18 janv. 2019

2 j'aime

1

Face to Face
Cellophane
8

Ah ! Tiens... Ok...

Je ne suis pas un spécialiste des Kinks ; je sais juste que j'avais bien aimé leur côté rock, péchu... Et que là, je tombe sur un truc plus pop, très sixties, pas désagréable du tout, bien fichu,...

le 17 mars 2016

1 j'aime

Face to Face
Ours_Brun_
10

Un avis comme un autre.

Cet album est celui de la consécration pour les Kinks, après la période très rock qu'ils ont forgés sur leurs premiers albums , voici que les frères Davies débarque avec des compostions bien menées...

le 19 mars 2015

1 j'aime

Du même critique

Master of Puppets
Erw
5

Critique de Master of Puppets par Erw

Pendant longtemps je crois, j'ai essayé de cacher ma véritable nature. Je ne voulais pas vraiment admettre quelque chose qui semblait contre-nature, vous savez. Je me suis fui, sûrement à cause de...

Par

le 9 août 2013

38 j'aime

36

F♯ A♯ ∞
Erw
7

Habiles charmeurs

Ce fut mon premier contact avec le groupe. Godspeed You! Black Emperor est devenu en quelque sorte les Pink Floyd des hipsters. Voilà les messies, les artistes contemplatifs au sublime son qu'il est...

Par

le 31 mars 2013

32 j'aime

8

The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators
Erw
8

Critique de The Psychedelic Sounds of the 13th Floor Elevators par Erw

1966, le psychédélisme s'assume pleinement. Les Beatles sortent Tomorrow Never Knows, les Byrds enregistrent Eigh Miles High et au milieu de tout cela, une petite bande de drogués prenant très au...

Par

le 8 mai 2012

29 j'aime

1