Huit ans qu'on l'attend. Huit ans qu'on attend une suite au superbe The Age of the Understatement. La rumeur grondait depuis quelques temps. Un premier single (Bad Habits) est lâché sur les ondes le 10 janvier, un second (bien meilleur: Aviation) le 16 Mars, l'Arlésienne musicale de ces dernières années n'en n'était pas une: The Last Shadow Puppets est bien de retour.
C'est peu dire que j'attendais ce second opus avec impatience et fébrilité. The Age of the Understatement m'avait littéralement scotché à mes écouteurs. Une galette flamboyante et classieuse, quarante ans de Pop parfaitement digérée et recrachée avec insolence par deux mômes de vint piges.
C'est un voyage dans la Pop Anglaise des sixties, une balade sucrée entre Beatles et Kinks, entre les violons de John Barry et les élans épiques et cuivrés de Morricone.
Une réussite indéniable de deux grands espoirs du Rock British.


Alors ? Huit ans après ?
Huit ans après les espoirs se sont concrétisés pour Alex Turner et ses singes de l'Arctique. Leader incontesté du renouveau Pop-Rock made in Albion et épaulé depuis quelques temps par Josh Homme (Queens of the Stone Age, Eagles of Death Metal et Them Crooked Vultures) à la production, l'Arctic Monkey durcit son Rock, balance dans sa Pop humide de Sheffield une grosse poignée de sable brûlant de ce "Desert Rock" made in Joshua Tree-California. Les singes traversent l'Atlantique -avec réussite- et viennent cartonner chez l'Oncle Sam avec le plaisant AM et ses relents "Stoner".
Miles Kane quant à lui quitte ses Rascals en 2009 après Rascalize (Seul album des Rascals) pour s'occuper de ses projets solo. Le premier TLSP et ses deux premiers albums solo - Colour Of The Trap (2011), Don’t Forget Who You Are (2013) - occupent les journées du petit gars de Birkenhead. Malgré deux albums prometteurs mais inégaux, Miles ne concrétise pas totalement les espoirs que le petit monde du Rock avait placé en lui. C'est alors tête baissée et toutes canines dehors que Kane se jette dans le nouveau TLSP (Sûrement un peu plus que son ami Turner) pour (se) prouver qu'il compte encore dans le paysage Rock de RosbifLand.


Comme pour le premier album, Everything You've Come to Expect commence dans un grincement de cordes, une stridence de violon. Le violon. Les cordes comme fil conducteur, comme un pont musical entre les deux albums.
Les cordes seront en effet bien présentes sur ce nouvel opus. Mais là où les violons de "The Age ..." se font flamboyants, prégnants, presque outranciers, ceux de " Everything..." se raisonnent, se font plus discrets pour s'intégrer plus naturellement à l'équilibre des morceaux.
Les deux comparses ont grandi. Ils ont vieilli. C'est leur point fort et leur point faible.
Là où l'expérimentation, le foisonnement, le grand melting-pot de genres et d'ambiances du premier emportait l'album dans un élan épique, "Leonien", parfaitement maîtrisé mais qui pouvait parfois sembler poseur ou grandiloquent, le second évite l'écueil dangereux de la redite pompeuse ou outranciere.
Everything You've Come to Expect profite de l'expérience des deux comparses. Le disque se fait plus doux, plus suave, plus sensuel; les mélodies s'érotisent notablement.
Les deux puceaux qui reniflaient leur première petite culotte il y a huit ans, connaissent désormais l'odeur obsédante des dessous féminins. Le son s'est sexualisé. Les gamins ont pris du bagage, se sont virilisés, leur musique ne tâtonne plus (enfin moins..) au hasard comme ces doigts de novices dans le décolleté d'une jolie donzelle, ils savent dégrafer un soutif' d'une main comme ils savent ciseler, peaufiner un morceau sans le brusquer, avec douceur et confiance en soi.
La jeunesse a laissé place à l'expérience. La fougue et la créativité à la maîtrise et à la linéarité.
C'est peut-être de ces toutes nouvelles qualités que souffrent le plus le second opus. L'album semble trop adulte, trop calibré. Les envolées lyriques, les balades en décapotable sur la French Riviera ou les trompettes poussiéreuses du Western ont laissé place au bords de piscine Californiennes, aux bars sur-éclairés de Vegas, les jeunes et jolies nymphettes évanescentes aux escort girls de luxe à la poitrine démesurée.
La maturité si impressionnante de maîtrise sur un album ( "The Age ...") de mômes de vingt piges devient accomplie, presque normale, banale sur des hommes de trente.
Il reste néanmoins un album léché, d'une cohérence indéniable malgré l'absence de tubes en puissance.
Les voix s'accordent - une nouvelle fois- à merveille, cette complémentarité vocale "MacCartneyLennonienne" ainsi que les cordes d' Owen Pallett viennent signer l'album en bas de page.
Le sens de la mélodie des deux hommes et la plume racée de Turner viennent clore les débats au sujet de la qualité de l'album. C'est un très bon album ( Aviation, Dracula Teeth, Sweet Dreams,TN ou la très Arctic She Does The Wood...) malgré quelques temps morts ( Bad Habits, The Bourne Identity...)
Ce genre de disque qui mettent un peu de temps à s'apprivoiser mais qui reste dans l'oreille ( et dans la chaîne) plus que de raison.


Les gamins ont grandi. Ils ont abandonné les murs gris et le pavé humide du nord de l'Angleterre, les rêves de gosses et le noir et blanc de ces sixties fantasmées.
Les bières tièdes éclusées dans un parking souterrain maintenant remplacés par deux Daïquiri bien frappés sur un bar de plage Californien.
Le Noir et blanc de la pochette du premier album remplacé par le jaune or du second. La vieille Europe supplanter par le Rêve Américain. Le songe par la réalité. La jeunesse par la maturité.


The Monkey and the Rascal par The Last Shadow Puppets.


Aviation


ou


Everything You've Come To Expect

Ze_Big_Nowhere
8
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le 5 avr. 2016

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Ze Big Nowhere

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