Enfant lune
5.7
Enfant lune

Album de Gringe (2018)

Longtemps plongé dans l’ombre d’Orelsan, Gringe sort son premier album intitulé Enfant Lune. Pour la première fois véritablement seul, sans Orelsan ou Skread pour le compléter, Gringe sonne comme étant perdu dans cet album.


Note : vous pouvez consulter la chronique et nos autres chroniques rap ici : https://thesaurap.fr/albums/gringe-enfant-lune/



Une direction artistique problématique



Si l’album commence sur Mémo, un spoken-word touchant et empreint de nostalgie qui fait office de présentation, la suite est assez disparate. Il faut tout d’abord souligner la présence étouffante du chant chez Gringe. Il en agrège sur énormément de morceaux et le résultat est loin d’être convainquant. Gringe ne chante pas, il chantonne. Ce timbre nasillard et anti-mélodieux devient vite désagréable et gâche énormément l’album. Les notes ne varient pas, ce sont toujours les mêmes airs qui sont utilisés et c’est dommage car Gringe a parfois des choses intéressantes à dire. Les exemples les plus criants de cette tendance délétère étant Je la laisse faire, Jusqu’où elle m’aime et Retourne d’où tu viens.


Au niveau de l’écriture, c’est assez limité dans la qualité des punchlines. Gringe, en essayant d’allier punchlines, contenu et chant, s’éparpille et s’affaiblit dans ces 3 domaines. Du coup, cela donne des punch cramées et loin d’être efficaces, par exemple sur Paradis Noir : « on baisera comme des oiseaux, on va tout foutre en l’air », « Gringe tourne pas rond comme le ballon d’Olivier Atton ». Et plus généralement, il n’y a quasiment aucune quotable digne de ce nom. Si encore Gringe était drôle, cela pourrait éventuellement contrebalancer son inefficacité lyricale, mais ce n’est même pas le cas. Là encore, Orelsan lui vole la vedette sur Déchiré. Même Qui dit mieux, morceau regroupant Vald, Orelsan, Suikon et Gringe, s’avère assez convenu et banal.


Si au niveau des thèmes, la fin de l’album se révèlera plus satisfaisante, les premières tracks de l’album sont donc assez vides. Le morceau Konnichiwa sonnera d’ailleurs à ce titre comme étant une exception, le delivering est plus efficace et quelques lines sont bien senties. La prise de risque chopped and screwed est d’ailleurs appréciable, elle aide à faire oublier une production plus que médiocre. En général les productions sont appréciables, atmosphériques et planantes, comme pour mieux correspondre au thème lunaire. L’horrible On danse pas va d’ailleurs brutalement casser cette dynamique, mais on comprend vite que ce morceau est la caution zumba, qui semble malheureusement être devenu un indispensable dans le rap des années 2010.



Étonnamment introspectif sur la fin



L’album sonnait pour l’instant comme une V2 des Casseurs Flowters, avec une incapacité chronique à se renouveler, un peu comme Orelsan avec La fête est finie. Tant dans les thèmes que dans la façon d’aborder les choses (flemme aïgue, punchlines humoristiques, rapport inchangé aux femmes, la tromperie et à l’amour). Cependant, la dernière partie de l’album est très introspective, Gringe se confiant sur de nombreux sujets sensibles et dévoilant une nouvelle façade lui-même, loin de l’image qu’il peut renvoyer. Ce changement est entamé dès le morceau Pour la nuit, qui sonne plus qualitatif et sobre dans son refrain et sa production.


Dans Pièces détachées, morceau Freudien par excellence, Gringe se confie sur ses névroses et ses blessures intimes. Il faut à présent faire le lien entre son infidelité, qu’il exposait dans les premiers morceaux, et les raisons, qu’il explique dans ce morceau, entre père absent, peur de l’engagement et peur d’être comme son père. Scanner porte sur l’hospitalisation et la violente maladie dont a été victime le frère de Gringe, suite à un bad trip. Le propos est touchant et bien amené, il demeure toutefois gâché par l’interprétation de Léa Castel (qui est directrice artistique de l’album, tout s’explique).


Gringe a sans doute vu son album comme une pièce divisée en actes, le dernier acte étant celui de l’introspection et de la révélation. En faisant ça, il fournit à la fois le symptôme et le syndrome. Cette démarche est appréciable artistiquement, mais le niveau général est beaucoup trop léger et englué dans de la pop/variété bas-de-gamme pour être pleinement considéré.


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le 2 août 2019

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