Petit matin, heure d'été.
- Ca lagge, non ? il a demandé.
- Quoi ?
Je pensais qu'il parlait du soleil qui se lève sans arrêt, sans faire attention au temps qui passe.
- La musique.
- Peut-être, j'ai répondu en reposant des trucs dans le cendar. Ouais c'est possible. Ca va bien avec le jour qui se lève. C'est de la musique de nuit blanche. C'est éblouissant et bizarre. Comme des cordes de guitares dans un micro-onde. Et ça va bien avec le jour qui se lève.
Tout tourne un peu en rond, j'ai le reflux des vagues dans les yeux. Des algues bourdonnantes s'immiscent dans mes tympans.
- Tu l'as déjà dit.
- C'est parce que je l'ai pensé plusieurs fois, à force de l'écouter, et de voir le matin, la nuit, le soir, la nuit, le matin, j'ai perdu la notion du temps. Ca fait bien deux semaines que j'écoute cet album.
- Et pourtant, t'as pas l'air d'aimer, a demandé Bulle en en laissant filer une.
- J'avais mis six, et j'hésitais à mettre moins, mais à force, cet espèce d'été froid, lourd et sale, je me sens dans un espèce d'aquarium électrique qui grésillerait terriblement ; c'est tellement calme, c'est comme la pêche, mais en descente.
Forcément, ça n'a pas plu à mon poisson, comme comparaison. Moi j'ai bien aimé. Alors j'ai continué à écouter l'album, ça faisait bien sept ou huit fois, je suis pas en avance dans mes critiques, et ça m'a donné envie de monter la note un peu.
- Ça te fait pas un peu peur ?
- Des fois, si. Mais là, ça va. Avant, j'avais l'impression que c'était des tronçonneuses et de fraises de dentistes qui me pourchassaient, maintenant je sais que ce ne sont que les petites abeilles robots, elles butinent les fleurs de fumées autour, mais elles ne lacèrent pas tant que ça.