Empath
7.2
Empath

Album de Devin Townsend (2019)

La lumière fut, la lune fut, les étoiles furent, Devin Townsend fut.

Après avoir dissolu son Project, j'étais on ne peut plus impatient de découvrir la suite de la carrière de l’imprévisible Devin Townsend.
Les nouvelles qu'on recevait étaient encourageantes mais la débauche de moyens et d'invités pouvait faire craindre que le tout ne soit qu'une baudruche bouffie qui s'effondre sous son propre poids (3 batteurs, un choeur complet, Anneke Van Griesbergen, Ché Aimé Dorval, Steve Vai, Chad Kroeger ???)


Et d'un coup est sorti Genesis.
Soit probablement la meilleure chose sortie par le bonhomme depuis bien longtemps.
Follement inventive, très complexe et en même temps très abordable et catchy, c'est une claque auditive comme on aime en prendre mais qu'on ne prend que rarement. Et cette qualité de son !! On est habitué à avoir une bonne qualité de production avec le bonhomme mais là, il s'est clairement surpassé. Si on peut appeler cela un refrain, les seules lignes se répétant dans la chanson sont d'un simplicité folle et arrivent à toucher. Les miaulements de chatons et le meuglement de vache qui déboulent se fondent parfaitement dans la musique sans sembler forcés ou trop soulignés. Leur positionnement entre deux passages très métal ne fait que renforcer les contrastes dont ce morceau fait son socle. Toujours mouvant, toujours surprenant, la découverte de l'album commence par un premier voyage dans tout ce dont est capable Devin Townsend. 8 minutes et déjà un morceau ultra majeur.


Les deux autres singles ont leurs qualités mais ont un ressenti plus "classique" malgré la réelle profondeur insoupçonnée d'Evermore et la folle positivité de Spirit Will Collide qui est une bombe de bonne humeur comme Devin Townsend aime à en distribuer de temps en temps.


L'écoute de l'album commence sur ces trois morceaux qui s'enchaine parfaitement (l'intro entendue dans Genesis étant le morceau d'intro, Castaway) avant de faire ce genre d'exploit que seul un immense song writer est capable produire : en apparence un bordel infini qui part dans tous les sens mais dans les faits, un tout d'une cohérence totale.
En témoignent les trois chansons au centre de l'album : la comptine Sprite qui prend un tour très sombre sur son final s'enchaîne sur l'apocalyptique Hear Me qui rappellera à tous ceux qui font semblant de l'avoir oublié que le mec a créé et mené Strapping Young Lad, avant de glisser dans cette espèce de chanson Disney ultra guillerette qu'est Why (enfin, une chanson Disney qui aurait intégré une ligne en death growl...).
L'occasion de profiter des immenses capacités vocales du bonhomme et de son talent musical.


A la suite de cela, la longue et très sympathique Boderlands permet de profiter à nouveau de la voix de Ché Aimé Dorval et d'un délire électro qui déborde à nouveau de positivité.


Le voyage au pays de Devin Townsend semble toucher alors à sa fin et ce voyage aura été formidable dans sa diversité et sa complexité.
Une sorte de quintessence du métal progressif : complexe sans jamais sombre dans la démonstration vide, qui ne sacrifie jamais une chanson pour y placer un solo certes virtuose mais dépourvu d'émotions.


mais l'album n'est pas fini. Il reste un titre. Découpé en 6 parties sur l'album (certains services de streaming la proposant en un seul bloc) mais pour moi inconcevable autrement que comme un tout.
Singularity.
25 minutes, six mouvements différents, six styles. Si Genesis semblait être un voyage qui ne faisait qu’introduire le périple qu'est Empath dans son ensemble, Singularity est le voyage dans le voyage qui le conclus.
Si Empath est un petit bijou dans sa construction, Singularity en est à la fois le joyau, la consécration et le résumé. La deuxième pépite absolue après l'immense Genesis.
Une histoire racontée sur 6 chapitres, commençant doucement avec un arpège d'une grande délicatesse et les magnifiques voix du Woman Electrical Choir (écouter leurs "No turning back and I'm on the right track" sans une levée de poils relève de l'exploit. Ou de la surdité). On bascule presque sans comprendre où s'est fait cette bascule dans une 2e partie (I am I) bien plus violente mais avec un son ample et puissant qui porte l'auditeur.... avant de tout faire basculer dans ce que Devin Townsend aura produit de plus death (Monster), signifiant la chute et le moment où tous les mauvais coté prennent le dessus. Avec maestria a nouveau (et cette voix bon sang...)
Et soudain, cela devient un passage expérimental, tordu, torturé qui s'achève là où débarque une voix déformée lançant une 5e partie empruntant à l'indus le plus noir (Silicon Scientist), probablement la plus dérangeante de toute, même si cette voix menaçante et oppressante n'amène que des messages de soutien. Le dernier mouvement ramène vers ce qui est probablement le morceau ultime du Devin Townsend Project, enregistré sans le Devin Townsend Project : Here Comes the Sun ! (notez le retour du "!").
la folle batterie héritée du mouvement précédent semble désynchronisée, mais guide un morceau qui ne fait qu'aller de l'avant. Les paroles sont de nouveau pleinement positives, libérées, le chant de contrepoint est laissé à la voix angélique d'Anneke Van Griesbergen, et les pires moments de l'histoire contée jusque là s'efface devant la montée inexorable du morceau.
A l'occasion du dernier "Through the storm, will you become a rainbow", la batterie se "resynchronise" pour laisser éclater un dernier refrain (c'est le seul moment de tout l'album où on peut pleinement parler de refrain) tellement fort et puissant (uplifting diraient les anglophones) qu'il ne peut que conclure l'album.
Ce qu'il fait.


*Empath est un disque époustouflant, ce qui se rapproche le plus du chef d’œuvre d'un artiste qui a produit plus d'un concurrent à ce titre. Devin le synésthésiste peint avecc et album un tableau coloré et magnifique dont la complexité se joue aussi bien sur le plan musical qu'émotionnel.
Album-somme de plus de 20 ans de carrière, à la fois complexe, motivant, joyeux, sombre, expérimental, fou, calme, il est la preuve que l'on peut durer aussi longtemps dans ce milieu et encore et toujours se réinventer.


je me demandais dans ma critique de Biomech si Devin Townsend pourrait un jour faire mieux que ce premier album, j’ai désormais la preuve que non seulement il le pouvait mais qu’en plus il l'a fait.


Un petit mot sur le disque bonus de cette édition deluxe qui contient un artwork sublime : forcément moins fascinant que le disque principal, il contient son lot d'excellents passages. King et Gulag à eux seuls justifient son écoute.

Planet_Smasher
10
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Créée

le 7 juin 2019

Critique lue 392 fois

4 j'aime

Planet_Smasher

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4

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