Eat the elephant : Retour de A Perfect Circle

Ça y est, après 14 ans d’attente, le dernier album du groupe de metal/rock, alternatif/progressif (etc.) « A Perfect Circle » est en vente depuis le 20/04. Eat The Elephant se veut être un album engagé, puisque son écriture fut décidée à la suite de l’élection de Donald Trump à la tête du gouvernement des Etats-Unis. C’est en octobre 2017 que le premier single « The Doomed » est officiellement mis en ligne. Ce morceau nous donne l’image d’un album tenant ses promesses d’engagement politique à travers des paroles dénonçant une société déséquilibrée. APC installe une certaine ambiance envoutante chargée d’agressivité.
Le second single « Disilusioned » sorti en janvier 2018, est suivi de près par la sortie du troisième extrait « talk, talk ». De nouveau, APC nous présente un travail engagé et inventif. Le dernier single « So long, And thanks for all the ship » mis en ligne quelques jours avant la sortie de l’album, présente une musique plus enjouée que les précédentes compositions. Laissant alors présager un album plus complexe qu’attendu. Cet opus tient-il ses promesses ? A Perfect Circle revient-il au-devant de la scène musicale ou signe-t-il une tentative non réussie de comeback après 14 ans d’absence des studios ?


Eat the elephant :
L’album débute sur un titre éponyme. Eat The Elephant est une expression anglaise signifiant prendre les choses petit bout par petit bout.
Insérant des consonances jazz, APC déroule un panel de modification sonore et de traitement du son pouvant rappeler à certains moments le travail de Radiohead. L’arrivé du piano rajoute un côté lancinant à la musique. Cette ambiance est mise en valeur par la voix de Maynard venant envelopper l’auditeur d’une certaine mélancolie. Les paroles illustrent à merveille la sensation de lassitude à laquelle nous pouvons, parfois, faire face lorsque nous listons les problèmes auquel notre société est confrontée. Le dernier couplet de cette pièce est une invitation dirigée vers l’auditeur, « Where to begin eludes me / Without you to remind me / Just begin ». Ce morceau fait donc office d’intro à l’album, proposant une multitude de thématiques, que nous allons apprendre à digérer petit à petit.


Disilusioned :
La seconde piste de l’album fait partie de ces quelques morceaux que nous avions eu l’occasion d’écouter il y a quelques mois. De nouveaux APC met en place une diversité sonore évoluant tout au long de la composition. Grâce au traitement sonore de quelques instruments tels que la batterie, APC installe une atmosphère pesante et contemplative. La voix de Maynard, de nouveau lancinante, susurre à notre oreille un texte traitant de notre rapport aux écrans et de l’impact que cette addiction a sur nos liens sociaux. La force de ce morceau est à mes yeux l’aspect complémentaire des paroles et de la partie instrumentale permettant de délivrer un message émotionnellement fort. Coup de chapeau à la reverb apposée à la voix de Maynard lors de l’outro.


The Contrarian :
« A contrarian is a person that takes up a contrary position, especially a position that is opposed to that of the majority ». Comme nous pouvions nous y attendre « The Contrarian » sert de mise en garde contre le nouveau président des Etats-Unis, Donald J. Trump. Dans cette musique A Perfect Circle exprime sa méfiance à l’encontre du nouveau chef nationaliste. « Hello, he lied / Like velvet this magician's sleight of tongue and hand ». Le morceau s’ouvre avec une partition de piano aux aspects hypnotiques. Elle sera vite rejointe par une batterie battant lentement la mesure, à laquelle se rajoutera une ligne de basse grasse en fond et quelques accords de guitare étouffés, installant une ambiance lourde et oppressante. Les vocalises peuvent, au premier abord, paraitre déstabilisantes de par l’effet lui étant appliqué. Mais l’estompement de celui-ci dès le second couplet permet de relativiser l’utilisation de cet outil et de le considérer comme une décision artistique finement exécutée. Le mélange des voix de Maynard et de Billy Howerdel se fond dans une mélodie envoutante et distordue à l’occasion de certaines lignes. Cette composition nous offre de nouveau un panel varié de modifications sonores permettant de développer une atmosphère unique et oppressante.


The Doomed :
A mes yeux ce morceau est le meilleur de cet opus, mêlant agressivité et douceur chargées d’émotion. Les paroles engagées portent, selon les mots du chanteur Maynard, le message suivant : « In light of this current difficult and polarized social, spiritual and political climate, we artist types need to open our big mouths and share the light a little louder. ». Ce morceau est aussi un bijou de mastering et de composition. Je pourrais si vous le souhaitez vous lister dans un fichier ultérieur la liste des arguments pour une analyse complète de cette musique qui serait beaucoup trop longue à écrire dans cette version.


So long, and thanks for all the fish :
Le thème abordé dans ce dernier single est celui du nucléaire. Utilisant quelques clins d’œil à la culture populaire, APC nous délivre un texte bourré d’allégories poignantes sur une triste vérité. Le tout soutenu par une musique aux allures dramatiques, légère et poétique. Ce contraste installe une dissonance entre le caractère festif de la musique et la gravité de la situation dénoncée. Les différents effets insérés à la voix de Maynard et Billy Howerdel sont encore la preuve qu’APC propose à ses auditeurs une démarche artistique axée sur l’expérimentation et la prise de risque. Prise de risque qui se révèle gagnante dans le cas de « So long, and thanks for all the fish ».


Talk Talk :
Le sujet traité dans « Talk Talk » est celui du droit aux armes en Amérique. Dans leur texte, APC dénoncent l’inaction des autorités qui ne font que parler sans agir. Cette musique reste dans le ton lancinant qui jusqu’à présent entoure la plupart des compositions de « Eat The Elephant ». Il est à noter que la partie piano rajoute une dimension de flottement dans le couplet, et permet de mettre en valeur l’agressivité des guitares. Le travail sur les voix est de nouveau intéressant. Tantôt insidieuses et mystiques, comme sur les phrases « talking like jesus, try walking like jesus », tantôt agressives et violentes.


By and Down The River :
C’est un projet intéressant que nous propose ici APC. By and Down the river est la dernière version d’une musique sortie sur la compilation three sixty de 2013. Entre-temps le groupe nous avait donné l’occasion d’apprécier une version live présente sur l’album « stone and echoes » enregistrée lors de son passage sur la scène de Red Rocks. Chaque version de cette musique a son identité et permet de montrer les possibilités s’offrant à nous lors de l’enregistrement et de la composition de musiques. La première version est composée à l’aide de gammes majeures et comporte beaucoup plus de fréquences aiguës. La seconde version suit le même schéma de composition mais le son se retrouve sublimé par la prise de son live, rendant à merveille les échos des pierres constituant la scène. La troisième version, présente sur « Eat The Elephant » est quant à elle composée en gamme mineure. Cette transposition permet à la musique de s’inscrire au mieux dans la dynamique de l’album. Chaque version a sa particularité et il revient à chacun de choisir laquelle lui plait / lui parle le plus. Tout en proposant quelque chose d’innovant, cette réutilisation me questionne sur la nécessité d’introduire une musique déjà écrite et connue au sein d’un album, et cela, sans proposer de changement drastique dans la composition, ou sans développer un second volet comme l’avait auparavant fait le groupe avec « Pet » et « Counting Bodies Like Sheeps on the Rythm of a War Drum ». N’aurait-il pas été plus judicieux de proposer cette version soit en dehors de l’album soit en tant que secret track ?


Delicious :
Le texte de « Delicious » dénonce la vente d’armes par les pays occidentaux aux pays en guerre, faisant de l’armement un commerce juteux. Cette musique se compose d’une partie musicale entraînante et joyeuse et d’une partie à l’allure victorieuse menée par un riff de guitare imposant. Malheureusement la construction basique et le manque de transitions entre les parties font de ce morceau une composition convenue. Le texte quant à lui, même si il est redondant, nous offre de nouveau quelques expressions et tournures de phrases notables à l’image du phrasé « Not unlike you to heedlessly hoist away your smug grenade ».


DLB :
DLB est un interlude musical. Elle se compose d’une partition de piano jouée en boucle. Malgré une mélodie envoutante, cet interlude ne surprend ni par sa composition ni par des enjeux musicaux flagrants.


Hourglass :
Hourglass est à mes yeux la composition la plus difficile à appréhender. Les effets électroniques se font très présents. Nous pouvons noter quelques ressemblances avec l’univers de Marilyn Manson lors des paroles « A little tickle tickle tickle, all your neck hairs prickle ». Le refrain quant à lui introduit une voix électronique. Malgré un texte travaillé, la répétition mécanique des 2 couplets et du refrain a tendance à lasser. Cependant APC nous délivre une outro au rythme militaire et violant collant à merveille avec l’idée générale que notre fin approche plus vite que ce que nous croyons. Cette musique, malgré des défauts, pourrait apparaître intéressante et rafraîchissante lors d’une prochaine présentation live.


Feathers :
« Feathers » est l’une des compositions les plus douces de cet opus. Elle aborde le thème de la peur de l’étranger. Le texte présente la haine envers l’autre comme un fardeau inhérent à la nature humaine. Cette composition, malgré un côté lancinant de la voix, parfois à l’excès, nous offre l’occasion de profiter d’un texte profond et brillant de vérité. Le tout appuyé par une musique calme, mais non dénuée de subtilité.

Get the lead out :
Nous savons depuis longtemps que Maynard aime composer de la musique à consonance électronique. Il nous a montré, à plusieurs reprises, sa capacité à composer des musiques électroniques audacieuses à l’ambiance unique, à l'image du travail effectué au sein de son projet "puscifer". Cependant, « Get the lead out » parait, même après quelques écoutes, très répétitive, ce qui rend rapidement son écoute ennuyeuse. Cette musique de clôture se termine dans un long fondu nous rappelant le coté immuable et répétitif des problèmes sociaux, politiques, environnementaux abordés tout au long de cet opus.


Conclusion :
« Eat The Elephant » est un album souffrant d’un déséquilibre dans sa composition. La première partie nous propose des compositions osées, aux mélodies parfois entraînantes, parfois mélancoliques, parfois violentes, installant l’auditeur dans une atmosphère particulière. Il se prend au jeu, et commence à accepter la proposition de Maynard, manger l’éléphant lentement, mais surement. C’est après six musiques que cette dynamique s’essouffle pour laisser place à une seconde partie plus hésitante. Les compositions se font quelquefois convenues, d’autres fois trop expérimentales, si bien que nous n’arrivons pas à trouver un équilibre entre tous ces éléments. Toutefois quelques compositions telles que « The Doomed », « Disillusioned », « Eat The Elephant » et « Talk, Talk » nous démontre de nouveau la capacité qu’a APC d’écrire et de composer des musiques complexes, remplies d’émotion, et ce après une pause studio de 14 ans. De plus l'univers mélancolique et âpres développé au cours de cet opus permet de sublimer un texte engagé et complexe dénonçant une société en déroute, rendant l'oeuvre émotionnellement et sentimentalement forte. J'ai éprouvé quelques difficultés pour noter cet album. Non pas que je n'arrive pas à me forger un avis personnel, par le fait que je m’inscrit dans une démarche refusant d’apposer une note sur un travail effectué par des artistes proposant une vision sincère et réfléchie de la musique. la note apposée à l'article est donc à négliger. Je vous propose de faire votre propre avis en écoutant « Eat The Elephant » et de partager à votre tour votre perception de l’album. N’hésitez pas à débattre car c’est avec réflexion que nous ferons avancer la critique. Merci de m’avoir lu !


So long, and thanks for all the song !

R_noPogo
7
Écrit par

Créée

le 22 avr. 2018

Critique lue 986 fois

9 j'aime

R'no Pogo

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