Quelques notes de vibraphone perlent le morceau d’ouverture, Anything for Boo. Ce son sibyllin est un peu, depuis Novocaine for the Soul en 1996, le générique du monde musical de Mark Oliver Everett, alias E, pratiquement Eels à lui seul jusqu’au moment où ses trois vieux complices (The Chet, guitare, Koool G Murder, basse, et P-Boo, batterie) viennent l’épauler en studio. Chaque album est construit autour des humeurs, expériences et ruminations de son auteur. Certains épisodes sont plus riches et marquants que d’autres. Dernier chef-d’œuvre en date, The Cautionary Tales of Mark Oliver Everett (2014) célébrait d’une façon à la fois bouleversante et maîtrisée sa crise de la cinquantaine. La dramaturgie d’Earth to Dora semble avoir pour cœur, sinon pour point de départ, le doute affreux qui peut saisir un homme sensible et jaloux : est-ce que tu baises avec ton ex ? Are You Fucking Your Ex ?, situé au beau milieu de l’album, est aussi un de ses meilleurs moments. Et son écho, plus plaintif que virulent, se répercute sur le reste du programme. Où il est question de « lettres non envoyées », de « bonnes âmes », d’appels désespérés, de blessure bien réelle (I Got Hurt). Finalement, l’impératif est de se réveiller de ce mauvais rêve pour continuer d’avancer. Comme toujours, la voix enrouée d’Everett est le fil rouge de ce bon cru. Si peu changée depuis ses débuts, elle souligne une continuité dans sa production qui rassure le fan au nom d’une amitié ancienne, et réclame au musicien de rester créatif.(T)