Ce n’est pas la première fois qu’on entend le yin et le yang s’accorder en musique, mais Angus & Julia Stone sont certainement des duos qui collent le plus fidèlement à la définition de la dualité complémentaire. Ok, on a croisé d’innombrables couples sur la scène musicale ces dernières années, qu’ils soient rock, ou folk comme nos bien gentils Cocoon auxquels on ne peut s’empêcher de penser ici lorsque ces frère et soeur plongent tête la première dans un océan de mélodies cotonneuses et dépouillées (”Santa Monica Dream”, “The Devil’s Tears”). Pourtant, c’est bien en n’allant pas forcément dans le même sens, en rassemblant chacun leurs influences, que les deux Australiens parviennent à fortement marquer les esprits ici. En effet, en treize titres et plus d’une heure de temps, Angus et Julia alignent le plus souvent des ballades aux mélodies imparables, aux arrangements soignés, sans jamais que leur perfectionnisme - évident tant il est omni présent - ne les prive de leur belle âme. C’est donc le plus simplement du monde, avec une pointe de timidité enfantine dans les voix, un charme fou, et avec toujours beaucoup de classe et de goût, que les deux nous invitent à partager leur intimité, toujours sur des airs pop et folk qu’ils se partagent ou sur lesquels ils se relaient. Alors, quand leurs deux personnalités s’imbriquent parfaitement, cela donne inévitablement naissance à de véritables perles. Parmi elles, “Big Jet Plane” et “Black Crow” ou cordes et chant s’associent à la grâce, “And The Boys” aux cuivres et piano aussi discrets qu’essentiels. Mais il serait trop réducteur de ne retenir que ceux là tant Angus & Julia Stone transforment clairement l’essai “A Book Like This” (2006) avec un “Down The Way” enrichi de deux ans d’expériences intenses, devenant de ce fait un terrain assez fertile pour y exprimer toutes leurs envies, toute leur diversité. Ainsi, ce deuxième album n’est donc pas l’oeuvre entièrement soporifique et stéréotypée que beaucoup pouvaient craindre, mais celle d’un duo qui ne se refuse rien tant qu’il paye le prix de la cohérence. A maintes reprises en effet, les deux laissent le rythme s’emballer (”Walk It Off”), accentuent l’intensité sans jamais outre passer la juste mesure (”Hold On”), et se permettent même quelques écarts électriques (”For You”, “Yellow Brick Road”) toujours bienvenus pour forcer le contraste d’un album et contredire les aprioris. Osmose définitivement trouvée, sensibilité exacerbée, émotion à fleur de peau, mélodies frissonnantes, ampleur décuplée… Autant d’atouts et de ficelles que tirent Angus et Julia Stone sur un “Down The Way” qui - en rappelant ici ou là Joanna Newsom, Cocorosie, Coldplay, I Am Kloot et Cocoon - sonne au fil des écoutes comme l’affirmation de deux talents prêts à se lancer dans une aventure sans fin, protégée des aléas superficiels de la vie par des liens du sang qui les accordent jusque dans leur musique. Le petit courant d’air printanier qui manquait. (mowno)


Angus et Julia Stone sont frère et soeur. Ils ont grandi au bord de l'océan Pacifique, dans une petite ville des environs de Sydney. Guère surprenant que le soft rock distillé par ces « beach boy and girl » respire le calme, le grand air, l'espace. Mais pas l'indolence, ce qui fait toute la différence. Car on est loin ici, dieu merci, du rock lénifiant et aseptisé popularisé par le surfeur chanteur Jack Johnson et ses nombreux suiveurs. Les chansons d'Angus et Julia ont beau être très épurées et plutôt laid back, elles ne sont pas sans aspérités. Elles sont même chaudement incarnées, habitées et, surtout, salutairement variées. Il faut dire qu'avant de faire équipe - Down the way est leur second album - le tandem menait des carrières solo séparées, chacun se forgeant des styles bien distincts, presque opposés. A Julia la troublante voix de femme-enfant évoquant tantôt une Björk sobre, tantôt Alison Shaw des Cranes, et les poignantes ballades folk minérales ; à Angus le timbre douloureux d'un Mike Scott des antipodes (sur l'épique Draw your swords, on jurerait entendre les grands Waterboys d'antan) et un vibrant roots rock né d'une écoute obsessionnelle de Harvest. En misant sur l'alternance, en jouant sur leur différence et leur complémentarité, Angus et Julia Stone évitent toute monotonie, enchaînant en douceur les changements d'ambiance. Un peu comme Lindsay Buckingham et Stevie Nicks du temps de leur brillante reprise en main de Fleetwood Mac dans les seventies. For you, Big Jet Plane, Yellow Brick Road, And the boys sont d'ailleurs autant de tubes soyeux en puissance. Et si Down the way était le Rumours d'aujourd'hui ? (télérama)
Vous ne connaissez sans doute pas encore Angus & Julia Stone. Mais vous connaissez leurs chansons par coeur. Même si vous ne les avez pas encore entendues. Etonnant effet de connivence, de familiarité, de complicité même, qu’imposent, dès la première écoute, des titres comme Big Jet Plane ou And the Boys. On appelle ça des tubes. Dans le cas d’Angus Stone, personnage particulièrement largué, le tube est cet endroit merveilleux où l’on glisse, en apesanteur, sur sa planche de surf. Lui et sa soeur, d’ailleurs, avouent tout ignorer des us et coutumes de l’industrie du spectacle, n’ont jamais lu un article sur eux-mêmes, jamais parlé à une maison de disques, laissant ces tâches “étranges” à une courageuse manageuse qui sert de tampon, voire de sas, entre ces deux clochards célestes et le monde extérieur. Car même quand ils vous parlent, Julia et Angus Stone ne sont pas vraiment là, souriant avec béatitude, la tête emplie d’idées. “Ne vous formalisez pas, prévient Julia, mais 80% de mon temps, je le passe à rêvasser.” D’ailleurs, en pleine interview, Angus se lève, s’allonge sur le sol et, sans dire un mot, se lance dans de périlleux exercices de yoga. Entre eux deux, c’est troublant, on se parle sans un mot, par un regard, un sourire. C’est nouveau, visiblement, car dans la famille Stone, c’est comme dans une chanson de Jeanne Moreau : “On s’est connus, on s’est reconnus/On s’est perdus de vue, on s’est r’perdus d’vue/On s’est retrouvés, on s’est réchauffés…” Séparés de force par le divorce de leurs parents, le frère et la soeur se sont ainsi longtemps perdus de vue, prenant des voies diamétralement opposées : Julia devient déléguée de classe, élève modèle qui joue de la trompette classique ou chante dans des big bands, pendant qu’Angus fait les quatre cents coups, fabrique des explosifs, fugue dans le bush où il construit des cabanes sophistiquées, et se fracasse sur Rage Against The Machine. Devenus inconnus l’un pour l’autre, ils se retrouvent il y a quelques années en Amérique du Sud, où Julia a rejoint son boyfriend chilien. Entre Julia et Angus, le courant repasse, grâce à la musique. Julia : “Il avait 17 ans, j’en avais 19, il était devenu adulte, avait des opinions, une personnalité – je n’en revenais pas… Il était tellement plus cool que moi… Il a fallu nous réajuster l’un à l’autre, apprendre à communiquer. Il m’a enseigné la guitare et là, nous tenions enfin un truc en commun. J’ai alors découvert qu’en dehors de ses groupes de rock il composait ces chansons magnifiques.” Ces chansons magnifiques alimentent aujourd’hui Down the Way, second album minimal mais luxuriant. Soit du folk effrontément informé par la pop-music, dont chaque refrain fuit l’austérité en un joyeux carillon ; des sons acoustiques mais jamais arides, toujours sophistiqués, raffinés (“produire, c’est pour moi aussi exaltant et important qu’écrire”, précise Julia) ; d’étincelants entrelacs de voix ; des tubes à la pelle portés haut par un couple magnifique, à affoler les coeurs encore en chantier de l’adolescence. Il y a beaucoup de Cocoon chez Angus & Julia Stone, dont le destin semble gravé dans le même bois tendre, de l’underground à la pleine lumière. S’ils ne se lassent pas avant de leur don : parce qu’ils s’ennuyaient un peu, Angus & Julia Stone ont ainsi disparu, ne prévenant personne, en plein milieu de leur dernière tournée américaine. Ainsi va leur conscience, pas du tout professionnelle. Mais que faire ? Angus avait alors senti l’appel du large et, pendant des mois, il vivra dans le bush, escaladant des montagnes, nageant dans des rivières et surfant seul dans des vagues isolées. Barricadé derrière une broussaille de poils et de cheveux, Angus Stone est d’une beauté sauvageonne, d’une douceur surannée. Il semble échappé d’un cliché sépia d’Henry Diltz, qui a si brutalement photographié la Californie seventies des Neil Young ou des Eagles… Cherchait-il dans ce road-trip mystique à rejouer Into the Wild de Sean Penn ? Emu aux larmes, il répond : “Je ne possède rien et je n’ai pas peur de la solitude, du moment que j’ai mes carnets pour écrire et pour dessiner, dit-il. Je préférerais finir comme dans le film, tué par la nature plutôt qu’écrasé par une voiture ou empoisonné par la pollution. Je peux prendre la route à tout instant, je ne suis que de passage.” Ce goût du nomadisme, hérité d’un arbre généalogique qui remonte à des aventuriers vénitiens et à des bagnards britanniques, le duo l’a appliqué à l’enregistrement très relax, sans pression ni but, d’un album qui a pris forme en deux ans entre une scierie et une caverne de Cornouailles, un château d’eau d’Australie et un appartement de Brooklyn. Comme le résume Angus : “Nous n’avons jamais de plan de vol – avoir une direction, c’est le meilleur moyen de se perdre.” (inrocks)
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le 26 févr. 2022

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