Donda (x58)

Enfin, le dixième album de Kanye West est sorti. Autant connu pour ses frasques que pour sa musique qui semble être de plus en plus avant-gardiste et expérimentale au fil des ans, le rappeur a été généreux pour ce nouvel opus là où le disque précédent, Jesus Is King, était assez court. On se retrouve donc cette fois avec 27 pistes pour 1h48 de musique, et énormément de collaborations. C'est un disque qui s'annonçait important à travers le cirque médiatique qu'a été le mois qui a précédé sa sortie, mais aussi tout simplement parce que c'est un album qui porte le nom de la mère de l'artiste.

Pour les collaborations, ça n'a rien d'inhabituel avec Kanye West. On loue d'ailleurs souvent ses talents de producteur, à raison selon moi, mais il ne faut pas oublier que même à la production il n'est jamais seul et c'est ce qui fait sa force aussi. Il parvient à souvent à réunir énormément de gens d'horizons différents sur un même disque pour en faire une œuvre cohérente de bout en bout avec beaucoup de variété musicale.

Depuis quelques disques, West a délaissé peu à peu les samples à l'ancienne pour proposer des sonorités futuristes et des arrangements originaux, déconcertants même parfois. Donda est donc sur cette lignée d'albums aux arrangements parfois brutaux avec des choix de productions radicaux mais toujours beaucoup de travail en amont, ce qui donne lieu à des morceaux innovants et réussis.

Le disque contient des morceaux qui ont droit a une partie 2 en fin d'album (il y en a 4) et il s'agit plus ou moins des titres les plus importants du disque. Là où pour une partie 2 d'un titre certains vont juste reprendre le refrain et l'insérer dans une composition assez différente tout en changeant les couplets, ici c'est littéralement la suite de la partie 1 à chaque fois. C'est comme si le morceau avait pu durer quelques minutes de plus, avec des couplets supplémentaires. Et ce rappel de fin d'album fonctionne très bien car on a les titres dans la tête (je pense à Jail, Ok Ok ou évidemment Jesus Lord) et ça s'arrête avant que ça ne devienne lassant.

Au niveau des collaborations, on ne va pas se mentir, il y a beaucoup de rappeurs que je ne connais pas dans ce disque, ce qui me permet d'ailleurs de découvrir beaucoup de flows différents, de voix différentes, et même des façons assez inattendues de pitcher les voix. Cependant j'ai remarqué que du côté des chanteurs, Kanye triture leurs voix pour obtenir quelque chose de très propre et inhabituel à la fois. Compression, reverb, léger delay, prises multiples superposées, vocoder ou même parfois une légère distorsion, cela donne parfois des titres où l'on peine à reconnaître les artistes (Marilyn Manson par exemple) tant ça fait corps avec les parties instrumentales. Chris Brown semble aussi utilisé à contre-emploi, c'est un peu étrange comme choix mais pourquoi pas.

Du côté des ambiances retranscrites par les morceaux, c'est rarement dansant comme sur Believe What I Say, mais souvent très mélancolique et sombre.

On sent aussi qu'une bonne moitié de l'album parle de spiritualité d'une façon ou d'une autre, pas uniquement par les titres ou les paroles des morceaux mais aussi par l'ambiance. On retrouve par exemple la Sunday Service Choir introduite dans l'album précédent sur le titre Lord I Need You qui est très beau, Come to Life a aussi une belle ambiance Gospel qui explose avec la partie piano à la fin du titre. Il y a aussi le titre éponyme que je trouve très beau, c'est ça aussi la force de l'album : quelques morceaux courts qui sont de purs instants de grâce au milieu de titres de Hip-Hop à la Kanye certes mais du Hip-Hop quand même.

En bref, pour moi c'est un album plus riche que Jesus Is King tout en étant dans la même lignée, et même si on est pas au niveau de Graduation, The Life of Pablo ou My Beautiful Dark Twisted Fantasy pour ce qui est de l'intensité des coups de cœur de mon côté, ça reste très bon. En espérant que cela se bonifie avec le temps.

Autre édition :

Donda - Deluxe Edition (2021)

Kanye West sort rapidement une version modifiée de l'album avec des titres en plus et surtout une tracklist totalement revisitée. Les nouveaux morceaux n'apportent pas grand chose même si c'est toujours ça de pris puisque l'album était déjà très dense. J'ai du mal avec cette nouvelle tracklist car j'aimais beaucoup le fait de commencer l'album par Jail juste après Donda Chant. Là en ayant directement Hurricane, ça ne transmet pas la même ambiance et on a pas le côté introductif qu'avait Jail avec sa boucle lente et qui fait monter la sauce.