Don Juan's Reckless Daughter est un album des plus intimidants en raison de sa complexité, et ce, même chez les fans de Joni Mitchell. En fait c'est probablement ce disque là qui continue de diviser beaucoup de monde, dont moi, justement.


Pour l'anecdote, il s'agit du dernier disque de la chanteuse sur son label d'alors, Reprise (où l'on trouve également un certain Neil Young) avant d'entamer des années 80 chez Geffen. Joni se dit alors qu'elle va tenter le tout pour le tout. Et quel tout ! Double album à l'époque avec un Paprika Plains de 16mn occupant alors toute la seconde face du premier vinyle. Un titre complexe mais fascinant, voire magique où régulièrement la canadienne alterne entre voix et piano et orchestre symphonique quand un saxophone furtif ne vient pas réunir tout ce beau monde. Et comme souvent, les paroles ne sont pas en reste, le titre se focalise sur les indiens d'Amérique, d'hier et d'aujourd'hui dans leurs réserves, dépossédés de tout.


C'est aussi l'occasion de tenter des ouvertures franches du côté de la salsa --l'instrumental The tenth world-- ainsi que la musique africaine --Dreamland-- tout en nous livrant comme à son habitude de magnifiques perles (l'ouverture, Otis & Marlena, Talk to me). En fait tout le disque est très beau.


Sauf que de mon côté ça coince toujours un peu.


Parce qu'après des disques homogènes et remarquablement bien construits passés et à venir (The hissing of summer lawns mais surtout Hejira et Mingus qui "encadrent" ce Don Juan), on a l'impression que tout part à chaque fois dans une direction. Et ce qui s'envole souvent remarquablement sur un titre se retrouve régulièrement coupé dès le titre qui vient. Il n'y a clairement pas d'unité et ça fait cruellement défaut.


Pire, par moments, on sent comme une impression de redite. C'est Jericho, un "inédit" pourtant joué quelques années avant en live (sur Miles of aisles) qui n'apporte pas grand chose si ce n'est des arrangements différents. Ce sont des sonorités, jeux et notes qu'on jureraient échappées des sessions d'Hejira (et pas parce qu'on y retrouve Jaco Pastorius. D'ailleurs il a pas trop de choses à jouer là dessus après son omniprésence sur Hejira, c'est triste). Quand aux "musiques du monde", un Jungle line sur The hissing... me semble bien plus pertinent et renversant (percussions tribales sur ligne de clavier moog et sample de voix, tu m'étonnes de l'ovni aussi).


Il y a pourtant un travail sur le son à plusieurs moments qui annonce l'abstraction sublime de Mingus, son grand écart entre jazz, ambiant, folk-rock, hommage musical en biopic (les petits interludes "rap" où Mingus himself avait été enregistré dans ses moments de repos avec sa famille). Et comme je le dis, les chansons sont toutes belles dans l'ensemble. Mais à force de trop vouloir faire de choses, tout ça manque d'unité et retombe souvent dans un soufflé.


En tout cas pour moi.
Ou alors il faudrait que je continue à apprivoiser ce disque mais après tout ce temps, toujours pas de déclic.
C'est un peu rageant.

Nio_Lynes
6
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le 23 août 2017

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