Different Selves
7.6
Different Selves

Album de Shapednoise (2015)

Quand on ne sait rien des méthodes de composition d’un projet techno, il est de bon ton d’évoquer des kicks cataclysmiques, des snares qui attaquent les chairs et autres grands poncifs pour masquer le fait qu’il s’agit d’un énième album enchaînant les formats 4/4, qui ne se démarque en rien d’une scène au stade critique avant explosion. Pourtant, même si nous n’avons aucune idée du matériel employé par l’italien Shapednoise, nous pouvons déjà assurer qu’il s’agit de l’un des meilleurs projets entendus ces derniers mois.


Peut-être est-ce dû au fait qu’il s’attaque au genre en venant du milieu de la noise, qu’il communique avec des profils aussi variés que Dominick Fernow ou Mumdance et Logos, qu’il ait invité la légende Justin K. Broadrick (Godflesh et Jesu, pour ne citer que deux des multiples projets de l’Anglais), ou encore que le label Type sur lequel est signé ce Different Selves ait plus à voir avec les musiques expérimentales qu’avec la techno stricto senso. On est ici dans une tout autre dimension que ce que l’on a l’habitude d’écouter. Certes, le kick est toujours très marqué, mais il ne sert qu’à créer et à relâcher la tension au gré de l’avalanche de noise déclenchée par l’italien, qui met à profit tout ce qu’il avait appris en matière de composition avec son duo Violetshaped.


Au-delà de la technoise, on retrouve dans la première partie du disque certaines postures du dark ambient, ou du moins les habitudes d’un de ses représentants actuels, The Haxan Cloak, dans la manière de créer l’angoisse puis de lâcher d’un kick l’épouvante accumulée, comme des jump scares de film d’horreur. Quant à la partie plus techno / rythmic noise de l’album, elle nous rappelle qu’Emptyset n’a pas le monopole du sound design parfait, avec un enchaînement "What is it Like ?/Heart-Energy-Shape" surpuissant et un "The Man from Another Place" au grain monstrueux, nous rappellant au passage que l'on peut toujours se réclamer de Pan Sonic en 2015, ce qui n’est pas forcément pour nous déplaire.


Qualifier ce Different Selves d’essentiel serait peut-être un brin exagéré, l’album étant objectivement trop long et un poil trop linéaire. Toutefois, Shapednoise demeure au-dessus de la mêlée. Quand le glas de l’indus techno aura finalement sonné et que ses producteurs seront relégués au cimetière des éléphants, l’Italien sera toujours là.


Critique originellement publiée sur Goûte Mes Disques

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le 22 févr. 2016

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