"Celle que je suis, un brin sauvage" : Désobéissance selon B.A.M.

Comment une immense artiste peut-elle se renouveler après 10 albums au sommet dont le dernier, paru en 2015, avait su reconquérir la critique ? Mylène Farmer a quant à elle fait le choix de se rapprocher du DJ français Feder à qui elle a demandé de composer pour elle un son « dark et sexy » comme son tube « Goodbye » qui l’avait révélé en 2015. Ce n’est pas moi qui vais bouder ce choix car il se trouve que j’adore cette chanson ! Feder a donc pris part à la composition de l’album avec d’autres artistes mais pas Laurent Boutonnat. Après une longue attente depuis la sortie du premier single en janvier, l’album Désobéissance est enfin publié en septembre 2018.

La pochette du disque réalisée par Jean-Baptiste Mondino présente Mylène telle une commandante du début XIXe moderne et moulée, nonchalamment assise sur son siège, le pied sur une tête de mort (volonté d’afficher que le thème de la mort est ici tenu à l’écart). Oui, la belle rousse a dû mener des combats durant son parcours et tente de continuer sans négliger la satisfaction de son auditoire. Voyons donc si les chansons de l’album sont à ce point « désobéissantes »…

La première piste est le lead-single « Rolling stone », où l’on retrouve tout à fait le style électro dark et sexy qui avait plu à Mylène en écoutant « Goodbye ». Un premier single franglais qui donne envie et qui s’est très bien vendu, n’en déplaise à certains fans… S’ils préfèrent que leur idole joue la carte de la nostalgie, ils seront satisfaits avec « Sentimentale ». L'artiste s’y déclare bienveillante et émotive mais avec le sourire, et nous dévoile dans son clip des images personnelles avec ses chiens. Le titre suivant porte le nom de l’album et n’a pas été composé par Feder mais par le jeune et mystérieux Léon Deutschmann. « Désobéissance » est un single assez fédérateur je trouve. On comprend que Mylène est éprise de liberté après un chemin parcouru qui n’a pas été qu’une simple promenade de santé.

Le second single choisi pour l’album est un duo avec la chanteuse LP baptisé « N’oublie pas ». Un duo inattendu très relayé en radio et mêlant langues française et anglaise pour aborder le souvenir d’un être cher ayant disparu. Pour ma part j’adhère mieux à la piste suivante qui est la trop courte « Histoires de fesses ». Le texte décalé se charge d’épingler ce qui exaspère Mylène dans la société actuelle et notamment la presse à scandale, sur un fond musical signé Feder qui vous fait vous trémousser. Feder reste aux manettes pour « Get up girl » au titre inspiré des mots que la chanteuse répétait à elle-même pour se motiver suite à sa fracture quelques années auparavant, ce qu’elle évoque dans le premier couplet. Les cordes acoustiques laissent ensuite place à des percussions et de nouveaux sons électroniques sur « Prière » avec aussi des voix masculines assez mystérieuses. Au final un rendu original qui invite au voyage.

Hors-cadre, « Au lecteur » l’est aussi. Grande amatrice des textes de Charles Baudelaire, Mylène récite d’une voix grave un poème qui porte toute l’essence des Fleurs du Mal : « péchés », « le Diable », « les monstres », … réjouissant n’est-ce pas ! Si le pire monstre selon le texte est « l’ennui », il est toutefois difficile de ne pas s’ennuyer ici d’autant que la musique de Feder y est fade et discrète. Heureusement que la piste qui suit est « Des larmes », la chanson de l’album que je préfère, signée Mike Del Rio. Un single objectivement bon et scintillant tant par sa musique au groove sensuel que par son clip en noir et blanc. La dixième piste de l’album est « Parler d’avenir », mid-tempo tout à fait farmerien. Pour décrire l’ambiance musicale de la chanson, je dirais qu’il faut imaginer un spationaute guitare à la main !

Mais pas le temps d’embarquer pour l’espace car « On a besoin d’y croire » nous fait retourner sur terre avec son beat et son côté synth-pop. Personnellement j’aurais préféré que ces sonorités soient plus assumées afin de rendre la chanson plus dansante. Contraste puisque l’album se clôt par une ballade triste intitulée « Retenir l’eau » qui exprime notre impuissance face au temps qui passe. Ceux qui ont attendu le mois de novembre pour se procurer Désobéissance ont eu la chance d’avoir une piste supplémentaire nommée « Untitled » que j’aurais bien aimé trouver sur la version initiale de l’album car on y retrouve l’électro dansant de Feder tandis que l’interprétation et les paroles sont littéralement d’outre-tombe, une danse macabre en somme…

Je partage l’avis de la plupart des critiques musicaux qui voient en Désobéissance un album cohérent et moderne pour 2018 sans pour autant rentrer dans une « course au jeunisme ». Les sonorités électroniques proposées par Feder (et les autres) s’accordent bien avec l’univers de Mylène Farmer. Modernité certes mais avec des touches de nostalgie qui font référence à sa carrière comme « On a besoin d’y croire » qui fait penser au « On a besoin d’amour » du tube « XXL » ou la phrase « Pourvu qu’elles soient douces » qui clôt « Sentimentale ».

Après un Interstellaire répondant à un retour à l’ordre, Mylène sait surprendre à travers un Désobéissance dans l’air du temps mais qui lui sied tout aussi bien. Un bon album selon moi mais qui aurait peut-être mérité quelques mélodies plus accrocheuses. Il n’empêche que Désobéissance s’est vendu à au moins 300 mille exemplaires depuis sa sortie ( 5e album le plus vendu en physique en France sur l’année 2018! ) et que tous ses singles ont atteint la première marche des classements de ventes hebdomadaires. La série de concerts qui suivra en 2019 tiendra elle aussi toutes ses promesses. Artiste indétrônable, souhaitons pour elle que cela continue !