Cinq ans déjà… Pourtant, on a la drôle d’impression de les avoir quittés la veille. D’ailleurs, on les a reconnus au premier coup d’œil. À la première note, plutôt. Et non. Trois fois non : ce ne sont pas les diverses incartades du facétieux Erlend Øye, en solo ou dans la peau de The Whitest Boy Alive, qui sauraient à elles seules expliquer nos retrouvailles sans appréhension, ni gaucherie. En fait, il règne juste ce plaisir simple de s’apercevoir que rien, ni personne ne sauraient altérer cette amitié indéfectible que se portent des copains de longue date… On n’a fichtre aucune idée de comment occupe son temps plus que libre l’introverti Eirik Glambek Bøe, mais une chose est sûre : lorsque le prolixe Erlend n’est pas secondé son comparse historique (près de deux décennies que ces garçons se côtoient), le grand échalas aux lunettes XXL semble victime de cet étrange syndrome dit de Go-Betweens. En effet, avec son alter ego discret à ses côtés, il donne toujours le meilleur de lui-même, trouve de nouvelles (res)sources d’inspiration, sublime son écriture.
C’est vrai aussi : seul ou différemment accompagné, il arrive parfois à tutoyer l’excellence. Mais à de trop rares occasions. Exactement le même mal, donc, qui jadis a frappé Robert Forster et feu Grant McLennan, lorsqu’ils décidèrent au crépuscule des eighties d’emprunter des routes divergentes… Avant de se rendre à la raison. Une certitude : Kings Of Convenience, c’est avant tout une affaire de connivences et de complicité. Deux atouts auxquels viennent s’ajouter ce savoir-faire mélodique inné, cette facilité à inventer avec une agilité troublante des mélodies que l’on est persuadé d’avoir siffloté depuis notre plus jeune âge. Harmonies tombées du ciel, pincements de cordes aussi éblouissants qu’une pluie d’étoiles, timbres qui flattent le sens, compositions à l’apparente simplicité, qui dévoilent pourtant à chaque rendez-vous de nouveaux charmes – une rondeur en fin de refrain, un battement de cil sur un couplet, le galbe d’une cuisse sur une intro dénudée. Parfois, on cherche à jouer les durs, sûrs qu’on ne se laissera plus charmer par ces haïkus musicaux, qui se succèdent dans une apparente innocence, mais finissent toujours par provoquer émois et vertiges. Alors, on se rend une nouvelle fois à l’évidence : on finira bien sûr par succomber à ces chansons offertes à la mélancolie, qu’on finira par être incapable de dater, tant leur classicisme (le fond, la forme, le pouvoir de séduction) finit par les rendre atemporelles… Sur son troisième album (quatrième, si l’on compte le “fameux” disque éponyme sorti aux États-Unis en 1999 et majoritairement constitué des versions originelles des titres du fantasmabuleux Quiet Is The New Loud (2001), ainsi que de quelques merveilles laissées pour compte), Erlend et Eirik façonnent des compositions à la légèreté apparente que l’on se surprend à fredonner parfois avec un air de gravité. Dès les premiers accords de 24-25, on est surtout heureux de retrouver ses marques le temps d’une ritournelle embuée, chantonnée en duo avec une fragilité assumée. Au moment de croiser Mrs Cold, on plonge tête la première dans une bossa nova à l’écume délicate, réchauffée par les derniers rayons de soleil d’un été indien. Romantisme à fleur de peau, flâneries solitaires érigées en raison d’être, arrangements à discrétion, mots doux ou bleus : les deux garçons, cachés derrière leurs airs d’éternels adolescents dont le seul rêve serait de rencontrer enfin le grand amour, récitent leurs gammes avec une joie qui fait plaisir à entendre. De l’enjoué et goguenard Boat Behind au rythme chaloupé de Rule My World, de la légèreté radieuse de Peacetime Resistance à la dignité songeuse de Scars Of Land, Kings Of Convenience exposent les nouveaux joyaux de leur couronne fantasmée. Et dissimulé nonchalamment sous une pochette qui donne des envies de farniente éternel, Declaration Of Dependence est bien un disque dont on tombe désespérément accro. Sans jamais avoir à redouter le moindre risque d’overdose. (Magic)


Cette année musicale a très bien commencé, on en est déjà à faire nos petits bilans de fin d’année, sans compter qu’il nous reste encore trois mois avant de décerner les médailles. Voilà que ces petites manies de mélomanes férus de tops et palmarès en tous genres se trouvent malencontreusement mises à mal par le retour du duo norvégien, les Kings Of Convenience. Déjà auteurs des géniaux et indépassables « Quiet Is The New Loud » et « Riot On An Empty Street », voilà qu’ils reviennent. Aux abris ! Malgré leurs airs angéliques, ces deux là vont tout emporter à leur passage, les suffrages et nos cœurs d’artichaut.  Injustement fichés comme réplique nordique de Simon et Garfunkel, ils jouent une musique qui ne sonne jamais datée, et qui dans plusieurs décennies enchantera toujours nos têtes et notre âme. Rien que les deux voix, d’Erlend Øye et Eirik Glambek Bøe, qui se font écho, avec leurs guitares respectives, sur 24-25. C’est magique, il n’y a pas d’autres mots. Et puis, c’est tout un art de faire tinter les cordes de guitares comme une harpe. Sur Mrs. Cold, on retrouve ce flegme norvégien et cette coolitude particulière qui nous manquaient cruellement. Le rythme chaloupé donne envie de danser, ou du moins de siroter un mojito. Voilà la musique idéale pour les étés indiens, quand le soleil veut encore éloigner les premiers frimas de l’automne. Me In You aurait pu figurer sur l’album « The Bowery » des Firekites. On comprend ce qui lie ces deux groupes, une vision noble de la ritournelle, celle qui fait mouche, qui s’accroche solidement dans nos cœurs pour ne plus en redescendre. Boat Behind est typiquement dans la veine des rois de l’aisance. Les cordes du violon font le mur et gambadent l’air guilleret à travers champs. Puis sur Rule My World, on se demande comment les Norvégiens font pour installer un rythme sans aucune batterie ni percussion. On a rarement autant voulu se déhancher, et cela sans aucun effort. La ballade My Ship Isn’t Pretty est si belle, et la douce voix d’ d’Erlend Øye nous fait frissonner. Tout n’est que délicatesse, dans cet éloge de la lenteur. Les cordes, toutes confondues, sont célestes, émouvantes, et nous étreignent le cœur. Elles arborent un sourire plus confiant sur Renegade, et on est touché par le désarroi amoureux de la fleur bleue qu’est Erlend. D’autant plus qu’on s’y retrouve dans ses maladresses : Peacetime Resistance est une sucrerie jamais écœurante, dont on ne se lasse pas. Le violon semble rire de bon cœur, et joue à saute-mouton avec les guitares. La batterie invisible instaure un rythme entraînant, qui donne furieusement envie de tout envoyer balader, soucis et contraintes, pour s’ébrouer sur une plage norvégienne. Après avoir fait quelques brasses, on s’étend sur le sable et on écoute paisiblement Riot On An Empty Street, titre trompeur car les Norvégiens ne sont pas du genre à appeler à l’émeute. Ils finissent en beauté leur album avec Scars On Land, morceau languissant à souhait, à écouter quand le soleil glisse sur l’horizon, quand les vacanciers remballent leurs affaires, et quand il faut quitter la plage.  « Declaration Of Dependence » (titre très bien trouvé, au combien addictif), est un album d’une teneur impressionnante, malgré sa supposée légèreté. Certes les Norvégiens font une musique tranquille. Elle est belle, sensible, intelligente, distinguée, elle honore le pays du duo, et cette lumière nordique jamais tape-à-l’œil. A deux, ils font bien mieux que bien d’autres groupes, et cette alchimie parfaite laisse sans voix. Très loin des hypes insignifiantes, et des groupes à la durée de vie incertaine, les Kings Of Convenience sont tout simplement indispensables, des amis pour la vie. Leur nouvel album sera numéro 1, et plus rien ne pourra empêcher cette consécration. (indiepoprock)
Pour un peu, on les embrasserait, Eirik Boe et Erlend Oye. Pour avoir réalisé un album aussi délicat que beau, déjà. Mais, surtout, pour l'avoir ainsi nommé (« Déclaration de dépendance »), dans un temps où l'individualisme est roi et où chaque semaine voit paraître un inégal album solo d'un membre de groupe à peine éclos. Nos duettistes norvégiens, auteurs il y a quelques années d'une paire d'albums lumineux qui prouvaient que le moule précieux de Simon & Garfunkel n'était pas définitivement cassé, faisaient depuis trop longtemps disque à part. Après un exil volontaire à Berlin, Erlend est revenu à Bergen retrouver son vieux complice, fort d'un constat : aussi difficile que soit le travail à deux, le résultat est toujours meilleur, plus exigeant, plus abouti que celui réalisé seul. Qu'une telle limpidité et qu'une telle harmonie soient le fruit d'une collaboration parfois difficile, conflictuelle, n'en est que plus miraculeux. Ici, la querelle d'ego a été domptée au service d'un désir commun de profiter du meilleur de l'autre pour tisser ensemble le recueil parfait de leur délicate « bossa-nova cérébrale ». Tout coule comme de l'eau de source, pure, fraîche, cristalline, et les chansons, autant de ballades en apesanteur, toutes superbes, font l'effet d'une longue promenade apaisante et vivifiante, entre fjords et montagnes, au coeur d'une Norvège rêvée. (télérama)
C’est, semble-t-il, la formule magique à laquelle on doit, depuis dix ans, le moindre morceau signé Erlend Øye et Eirik Glambek Bøe : “La première moitié de la composition est toujours très rapide, un jour au maximum. La seconde partie, en revanche, peut prendre des années. On ajoute des éléments, des arrangements, puis on attend quelques mois. On réécoute, et la plupart du temps on enlève tout ce qu’on avait ajouté. On ne conserve les éléments que s’ils nous paraissent intéressants six mois plus tard, et non sous le coup de la nouveauté. Si les chansons sont au final plutôt dépouillées sur l’album, elles ont en revanche porté plusieurs tenues avant d’en arriver là.” L’idée de Declaration of Dependence, le troisième album des Kings Of Convenience, a ainsi émergé il y a bientôt trois ans à Mexico, lors d’une soirée organisée par un ami commun. Jusqu’alors, les deux jeunes hommes ne se voyaient plus beaucoup : des projets parallèles (Kommode pour Glambek, The Whitest Boy Alive pour Erlend Øye) et des kilomètres (Erlend Øye ayant passé plus de cinq ans à Berlin) avaient contribué à éloigner les deux anciens compères. “Nous nous sommes retrouvés au Mexique. Nous nous sommes présenté des chansons et avons commencé à évoquer l’idée du nouvel album, explique Erlend Øye. De mon côté, j’ai eu envie de réhabiliter le concept de dépendance. Le principe d’indépendance est très à la mode depuis trente ou quarante ans, un peu comme le féminisme. Moi je pense que la solitude découle de l’indépendance et de la liberté, et qu’il est beau, au contraire, de dépendre de quelqu’un. Au départ, Eric était le bon chanteur dans le groupe, et ma voix ne fonctionnait pas seule. Aujourd’hui, c’est différent mais je trouve belle l’idée que nous avons dépendu l’un de l’autre.”

Ressortant la recette miracle découverte avec Quiet Is the New Loud en 2001, le duo continue de faire baigner ses folk-songs dans le grand bassin de la bossa-nova, et d’ériger un pont entre les ballades intimistes de l’Angleterre de Nick Drake et le Brésil de João Gilberto, osant même par instants quelques sonorités mandingues (24-25). Parvenant à concilier la chaleur des musiques latines avec l’élégance froide de la pop scandinave (Me in You), ce Declaration of Dependence semble avoir été pensé et conçu avec pour unique objectif de réchauffer les coeurs et les maisons. “Au départ, je pensais que la bossa-nova n’était rien d’autre que du easylistening, puis j’ai appris à voir combien cette musique avait une âme, un coeur.” Eux qui accordent tant d’importance à la nature et à l’environnement seront bien embêtés : avec ce troisième album, les Kings Of Convenience participent grandement au réchauffement de la planète. (inrocks)


Il aura fallu prendre son mal en patience durant cinq longues années pour que les deux Norvégiens de Kings Of Convenience se décident enfin à donner un successeur à "Riot on an Empty Street". C'est à se demander si Erlend Øye, l'un des fondateurs du groupe, trop occupé par The Whitest Boy Alive, son projet musical parallèle un peu fade, en aurait oublié l'existence et surtout l'engouement musical qu'il a suscité, et ce, à juste titre. Pour ce nouvel opus, la recette reste inchangée : une pop-folk aérienne et légère bardée de guitares acoustiques sur lesquelles viennent s'enrouler les voix des 2 membres du groupe, le tout dominé par une fraicheur musicale et un cruel sens de la mélodie. Si Kings Of Convenience s'incrit dans cette descendance pop des années 2000 initiée par Belle & Sebastian, le duo poursuit une mutation commencée dès le premier album, s'est incontestablement et, on l'espère, définitivement affranchi de ses pères, à l'inverse, par exemple, d'un Cocoon ou d'un The DØ, auxquels on peut reprocher d'être encore trop ancrés dans leur décennie musicale.Passée la petite impression de déjà-vu propre au genre, on découvre un album aux couleurs bien plus diverses qu'auparavant. Là où "Riot On..." abattait la carte du mélancolisme à grands coups de riffs mélodiques répétitifs, "Declaration of Dependence" se veut clairement plus chaleureux, mêlant rythmiques hispaniques ("My Ship Isn't Pretty"), influences africaines (structure en binaire de "Scars on Land" ), bossa nova ("Me In You") et autres tendances musicales sud-américaines ("Peacetime Resistance"), dans une approche clairement propre aux KOC. Le disque, notamment avec ces voix atmosphériques presque éthérées, évoque une sorte de tour du monde au soleil sans que la formation ne quitte un seul moment leur apaisante Scandinavie. Cette réappropriation va jusqu'à se ressentir dans les influences du groupe, d'un "Rule My World" à la rythmique façon John Butler Trio ou encore d'un "Second To Numb" qui n'est pas sans rappeler certains morceaux de Yo La Tengo - "Andalucia" notamment – et cette étonnante sérénité. Seulement, KOC ne trahit pas son monde et reste fidèle à leur idée de départ, celle d'un album "ballade", où la musique se met en marche le temps d'un tour sur elle-même pour finalement revenir sur ses pas. "Riot On An Empty Street", titre en fin de parcours et écho direct au second album, suggérerait presque un KOC au point mort, une sorte de retour aux sources où tout serait pourtant à définir, comme si le groupe désormais émancipé n'avait de somme à régler qu'à lui seul, ironisant donc sur le qualificatif de leur nouvelle "déclaration". Nous leur en rendons grâce. (popnews)
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le 21 févr. 2022

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