Pavés de l'Enfer couvert des ailes d'un archange

Connaissez-vous ce morceau souvent décrié a priori (sans que l'auditeur perclus de certitudes n'ose donner sa chance à cette perle secrète noyée dans les replis du marasme post-mai 68 qui, pour le dire poliment, propose à boire, à manger, entre autres plaisirs et mélanges plus ou moins avouables) de Malicorne, La Blanche Biche, un morceau hanté par un paganisme moyenâgeux dans toute sa splendeur ? Les contempteurs dudit titre resteront à la lisière en n'y voyant qu'une énième relecture babos d'un chant traditionnel en français daté. Et ils passeront à coté d'un hymne magicke que pourrait très bien avoir écouté avec délectation Jhonn Balance et son camarade Peter "Sleazy" Christopherson.

Le souvent très rude Foucault, dans la transcription d'une conférence étonnamment légère à lire, expliquait qu'il voudrait ne pas avoir à commencer un texte, à ouvrir une conférence, qu'il souhaitait s'immiscer en son sein, dans ses replis, alors que celui-ci était déjà en mouvement. Je ne suis toujours pas certain d'avoir compris ledit texte de Foucault (parce que Foucault me fait l'effet de la physique Quantique : "si tu crois que t'as compris, t'as rien compris"), mais pour parler de Dead Magic, je suis dans une position analogue : j'ai choisi de vous parler de Malicorne, au risque d'en rebuter certains, plutôt que de m'enfoncer dans les classiques, que ce soit l'évidence mystico-folk qui hante ce magnifique album, ou de parler de la mort des Swans (avant leur résurection en 2010 avec une Jarboe malheureusement trop ponctuelle) là où la force évocatrice de Sountracks for the Blind (1996) est à l'évidence dans les replis des références (que ceux qui en doutent mettent en parallèle le sublime Ugly and Vengeful de Anna Von Hausswolff probablement le point d'orgue de l'album, et le célèbre Helpless Child des Swans) (et à ceux qui refusent l'évidente connexion entre les Swans et Anna Von Hausswolf aillent jeter un oeil sur les musiciens impliqués sur Leaving Meaning (2019) des Swans), de parler de magicke et de sorcellerie alors que le titre est déjà une invitation à explorer ce pan du néo-folk, où certaines sonorité et beautés mélodiques sauront tirer des larmes Coilienne à qui les cherchera, là où d'autres y trouveront des émotions peut-être plus Smoggiennes, voire des traces de Joanna Newsom s'ils décident de les chercher, sans oublier de mentionner ces moments, qu'ils soient explosifs ou "Kashmirien" que ne renieraient pas les mages du rock Led Zeppelin, excusez du peu.

Mais voilà, parler d'un album aussi entier, aussi beau, aussi brutal, aussi émouvant que Dead Magic est une tâche ingrate, car nécessairement réductrice. Qu'on chante ses louanges à coups de références pourtant à propos, ou que l'on tente de décrire la musique qui s'y trouve à coup d'adjectifs emphatiques qui finissent eux aussi par sonner creux.

On ne peut que finir par inviter le lecteur à écouter cette perle, à se laisser emporter par elle, sans pudeur, s'immerger entièrement dans sa sensualité, danse sur le fil du rasoir entre la musique des Anges et le Sabbat des Sorcières.

Et l'on maudira cette nécessité de commencer un discours, de créer une pseudo-hiérarchie dans les exemples proposés, dans la chronologie du texte qui manque, de par sa nature même à rendre honneur à la beauté de l'oeuvre que l'on souhaiterait encenser.

Mais mieux veut ça que de ne pas en parler du tout. donc plions-nous à l'arbitraire du signe en espérant que votre curiosité naturelle vous aura poussé à écouter cet album entre Ciel et Enfer, sous une Lune pleine de promesses et de mystères.

toma_uberwenig
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le 26 avr. 2023

Modifiée

le 22 déc. 2022

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