Corpo-Mente
7.5
Corpo-Mente

Album de Corpo-Mente (2015)

Alice aux pays des ténèbres enchantées (une odyssée musicale et visuelle)

Pochette par Fortifem, diverses nuances de blanc, noir, gris, gris lumineux, gris bleuté, gris pale, gris soyeux, gris velours, gris satin... Une petite fille auréolée d'une lune lointaine, Alice perdue entre mélancolie et romantisme dans une forêt de ténèbres enchantées.


On ne ressort pas indemne de l’écoute immersive de cet album addictif. Je ne connaissais pas du tout, n’avais jamais entendu parler de ces deux génies de la musique s’inspirant de leurs nombreuses influences. Jamais entendu parler ni de Laure, ni d’Igorrr ni de corpo mente. La chanteuse, la diva devrais-je dire, livre ici une sacrée performance (chant baroque, chant hurlé à la limite de la rupture), Laure Le Prunenec qui chante également et joue de la basse dans ÖxxÖ XööX, est très forte, cette manière qu’elle a de bouger ses mains, ses bras, sa tête, tout son corps comme si elle voulait aller chercher au plus profond de son être et libérer sa voix, nous la jeter à nos oreilles comme un exorcisme car ici il est question de possession. Quelle diversité vocale, quelle aisance, quel naturel et quelle sensibilité à fleur de peau ! Elle est belle, pleine de vie, de vitalité. Cette voix, Seigneur quelle voix ! Sa voix et sa gestuelle hypnotique vous accrochent et ne vous lâchent plus. Me voilà pris au piège.
Une ligne de basse directrice, une rythmique incandescente, Gautier Serre (Igorrr-multi instrumentiste) en chef d’orchestre métronome des morceaux. La batterie démarre, frappe, s’arrête, elle est jonction entre le chant, les chœurs et les autres instruments. Tous les musiciens sont excellents, ils sont vraiment impliqués dans ce qu’ils font. Quelle simplicité dans la complexité de la trame musicale et lyrique, tout est extrême, sur le fil du rasoir, en équilibre instable, ils marchent sur le feu. Cet album est un choc ! Univers féerique dans les ténèbres qui parle à notre âme. Violons. Nils Cheville (guitare), Antony Miranda (Basse) et Vincent Beaufort (Batterie)
Il mélange le rock, le folk, le baroque, le trip-hop, acoustique et metal à la sonorité électronique, lugubre, lumineuse, mécanique et mélodique de « Corpo Mente ».
Délicate chevauchée symphonique fusionnelle, lancinante, métal opéra, catharsis musicale. L’album est beau, sombre, ténébreux, dans la lumière obscure des landes spectrales, on y parle le Rïcïnn (ne cherchez pas c’est une langue élaborée juste pour leurs albums) Les enchaînements sont superbes. Luminosité décadente, balade lyrique. Chœurs obsédants, envoûtés, envoûtants, ensorcelants. Le piano apporte une touche de légèreté et toujours cette voix possédée, très forte, coup de foudre pour Laure, ça y est je suis amoureux, j'étais persuadé que cela n'était plus possible. La voix de Laure porte cette œuvre atypique mais magistrale. Cet album est d’une beauté médiévale illuminée. Les ténèbres enchantées, la lune ronde, pleine, aveuglante éclaire le chemin d’Alice/Laure, mélancolique et poétesse.
Tout l’album est un long morceau, on ne peut pas dissocier une chanson d’une autre, elles forment un tout, un magma en fusion. Les hiboux carnassiers scrutent la nuit, ils regardent Alice avancer sur ce chemin de terre entre les arbres et les herbes folles. L’air est cinglé par les vents glacials. Et toujours ce chant, ces hurlements lyriques poussés à l’extrême.
1-Scylla : enfance douce, fabuleuse intro. Ambiance qui donne des frissons, la voix monte écorchée, zébrée d’éclairs 2-Arsalein : chœurs, rythmique de la basse d’Igorrr, timbre vocal de Laure écorché, son chant flirte avec l’opéra. Guitares saturées, le morceau finit en apothéose orgasmique. 3-Fia enfance, batterie mécanique, aérienne, flamenco, chœur associés à la voix, guitare acoustique toute en nostalgie et douceur 4-Velandi limite inquiétant, intro guitare acoustique, la batterie cogne, guitares et synthé saturés montent crescendo 5-Dorma : batterie, violons, volupté, élégance, chant cristallin, éthéré, la fin est pure magie 6-Dulcin + rock, chant opéra, paroles déclamées, chœurs évaporés inquiétants, la batterie rythme le mouvement, déraille revient à la douceur mélancolique des violons 7-Equus, calme, violons, musical, presque psychédélique 8-Ort très beau morceau au-delà du réel, élégant, ressac de la voix qui finit dans une puissance de sensibilité métallique, la voix prend de la hauteur et de la force. 9-Saelli morceau plus metal, plus rock, ça déchire et alterne avec des plages plus calmes, la voix d’opéra se brise sur les notes du piano 10-Encell plus folk dans son intro, guitare acoustique, voix enveloppante, synthé en fusion, mélancolique et inquiétant
Une expérience unique, un coup de foudre, l’album tourne en boucle, je ne peux me défaire de son emprise poétique et mélancolique. Cette voix, c’est LA voix, Laure est une grande voix, elle m’électrise, me transporte. C’est l’histoire d’une Alice en noir et blanc dans la forêt et la lande d’une contrée lointaine, dans une autre galaxie, Cet album est unique et ne ressemble à rien d’autre qu’à lui-même. Je pourrais l'écouter des milliers de fois et chaque fois sera la première.
Les paroles de l’album sont en Rïcïnn, langue dont seuls les membres de Corpo-Mente ont le secret. Chacun est donc libre de s’inventer sa propre histoire. A noter également qu’à sa sortie en 2015 il était téléchargeable en « pay what you want » sur le bandcamp du groupe. Aucune excuse pour faire l’impasse sur cet opus.

Daziel
10
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Créée

le 26 mai 2020

Critique lue 850 fois

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Daziel

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