Produit par le légendaire T-Bone Burnett (Los Lobos, The Counting Crows), ce nouvel album de l'Américain Joseph Arthur est un disque rare, à chérir comme le plus beau des trésors. C'est pourquoi il est fortement conseillé de s'enfermer dans la salle des coffres d'une banque pour entrer égoïstement en contact avec les douze somptueux morceaux de Come To Where I'm From. Incontrôlable, l'épiderme réagit en cadence aux suaves mélodies du beau brun. Les stigmates pathologiques prennent le dessus sur les organes vitaux. La gorge se noue, les yeux sécrètent des larmes de joie et le coeur bat la chamade dès que résonnent les fins arpèges du titre d'ouverture In The Sun. En dérobant pour la bonne cause, un harmonica dans les collections personnelles de Bob Dylan et de Neil Young, notre homme réduit en cendre les prétendants au trône de la grande tradition folk avec un magnifique Ashes Everywhere. Majestueux et parfaitement à l'aise avec ses contemporains, le natif d'Akron (Ohio) est prêt à en découdre avec Beck, Elliott Smith et autres Lou Barlow sur l'énergique Chemical. L'histoire de la pop réserve d'ores et déjà une place de choix pour l'intransigeant History. Rassuré par l'excellent accueil de Big City's Secrets, son précédent album, le cousin transatlantique de Richard Ashcroft (même coupe de cheveux) donne de l'espace à sa voix et à de subtils arrangements. Confident du pays des merveilles, Joseph Arthur se fait le défenseur de la nuance et de la sobriété. Le roi Arthur entre par la grande porte dans la légende. (magic)
Jusqu'ici, seule la France avait répondu à l'appel chancelant du premier album de Joseph Arthur, Big city secrets, disque sorti il y à trois ans à peine trouvable aux Amériques. Une farce que se chargera de corriger l'impressionnant Come to where I'm from. On se souvient d'un Joseph Arthur se décrivant comme un chanteur par défaut, parce qu'il fallait bien une voix pour porter ses textes. On a aujourd'hui envie de le condamner à écouter son magnifique Tattoo, qui révèle une voix insoupçonnable il y a trois ans. Il faut dire que, après les Anglais précieux des studios RealWorld, Joseph Arthur a depuis Vacancy (son terrifiant mini-album sorti l'an passé) confié sa voix au vénérable Texan T-Bone Burnett : un type en santiags dans le hamac qui, en chassant ici à la Winchester les mauvaises vibrations, en traitant les chansons aux alcools euphorisants de cactus, a appris à Joseph Arthur les vertus du relâchement. Pourtant, même domestiqué, Joseph Arthur reste sauvage, incapable de vraiment quitter le confort morbide de sa bulle, ce refuge de l'immaturité où il trouve encore les mots à ses maux. Mais alors que ses textes avaient parfois tendance à flirter avec l'autocomplaisance sur Big city secrets, son écriture se fait ici moins diffuse, plus sèche. Visiblement, sa bulle possède désormais des fenêtres sur l'extérieur. Certes, Joseph Arthur a toujours le blues, mais il se soigne avec violence au lieu d'en faire un élevage in vitro. Et s'il écoute toujours du blues, il a découvert qu'il pouvait suer sur des machines ? notamment grâce à Tricky. Une évolution qui l'entraîne un peu plus loin dans ce no-man's land entre coutumes américaines (folk, country, blues) et us laborantins (concassage des rythmes, sympathie pour les machines). Un vaste refuge pour les flous artistiques où, de loin, ce grand escogriffe évoque une sorte de Tom Waits sans la bouteille, un Bob Mould qui se soucierait d'élégance, un Vic Chesnutt travaillé à la gégène, une Suzanne Vega dégriffée, décoiffée.(Inrocks)