Come to Daddy : De l'indispensable dans l'inclassable

Si l'on devait user de la métaphore des élèves d'une salle de classe, alors Aphex Twin serait sans difficulté la tête d'ampoule aux allures de bad boy, avec des résultats souvents exceptionnels de par des formulations farfelues et qui malgré cela insiste pour ne pas attirer l'attention sur lui. Autrement dit, un cas de figure à part, qui non content d'inventer un nouveau sous-genre musical (le drill'n'bass, rien que ça...) quasiment à lui tout seul (information prise avec des pincettes, étant donné que la paternité du drill'n'bass se partage entre Aphex Twin, Squarepusher et Luke Vibert... qui se connaissent tout les trois de toutes façons), se permet de maitriser sans le moindre inconvénient son matériel électronique, tout en s'octroyant le droit de s'auto-saboter dans les cas ou cela plait de façon un peu trop unanime à son goût.

Come to Daddy", à ce titre, en est la parfaite illustration.

Beaucoup d'excentricités rythmiques et d'innovations mélodiques pour un résultat proche de l'ovni musical... et pourtant, tout dans cet EP, qui marque un tournant dans la discographie d'Aphex Twin (au même titre que "Windowlicker"), transpire une originalité qui peine à générer de la lassitude. En réalité, traverser "Come to Daddy" est presque tout le contraire de cela : son identité singulière nous permet de frôler la transcendance, une certaine fascination pour ce qu'il apporte au fur et à mesure, sans pour autant se répéter (alors qu'il y a quand même trois fois le morceau titre dans des versions intégralement différentes, à l'instar de son "Girl/Boy" sorti peu de temps auparavant, coup de maitre).

Et quoi de mieux pour éviter la répétition que diverses énergies bien distinctes : que ce soit par un morceau-titre survitaminé à la limite de la parodie de techno hardcore ("Come to Daddy (Pappy Mix)"), par un tourbillon de technique et de déconstruction rythmique ("Bucephalus Bouncing Ball";"Come to Daddy (Mummy Mix)") ou encore par une alchimie maitrisée entre dynamisme et acalmie ("Flim"), l'on retrouve toujours de nouvelles choses à se mettre sous la dent auquel nous n'étions pas habitué jusque là. Bien entendu, dans cette profusion, certains morceaux nous rappelerons à d'anciens terrains conquis d'Aphex Twin par ses précédents albums ("To Cure a Weakling Child (Contour Regard)", remix d'un ancien titre paru sur le "Richard D. James Album") parmis quelques titres plus classiques, bien que restant atypiques ("Come to Daddy (Little Lord Faulteroy)";"IZ-US"). Une seule note discordante venant d'un morceau qui semble se perdre dans la masse sans proposer de réelle accroche, malgré un final des plus mémorables ("Funny Little Man"), mais qui finalement reste anecdotique de la part d'un EP de huit titres dont la moitié comprends des incontournables d'Aphex Twin. En définitive, rien de bien choquant.

Toutefois, Aphex Twin oblige, "Come to Daddy" reste parmis ces inclassables, parfois difficile à dompter si l'on ne se fie qu'aux canons de la techno avec ses codes qui ne s'éparpillent que rarement. Mais si l'on fait l'effort de l'oublier et d'apprécier ce que cet EP arrive à dynamiter en l'espace de quelques instant, impossible de targuer à tout va que "Come to Daddy" manque d'âme, à moins de faire preuve d'une certaine forme de mauvaise foi qui nous obligerait à ne pas reconnaitre les prouesses techniques d'un Aphex Twin particulièrement inventif ici.

C'est une proposition autre, une vision unique de la musique électronique, qui n'a pas pour vocation de s'imposer comme un classique, et ce malgré lui. Ce qui signifie par conséquent : promesse de dépaysement sonore total si l'on souhaite laisser vagabonder son écoute. Avec de telles conditions, aucune excuse pour se priver d'écouter "Come to Daddy".

Pylgrim
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le 31 mai 2022

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