Chaque nouvel album de Liam Gallagher est un évènement, sans véritablement en être un. L'éternel kid de Manchester avoisinant les cinquante piges, perché tout en haut de sa tour de Guiness, reste persuadé que le rock'n'roll will live forever. Il le démontre une nouvelle fois avec son troisième opus en forme de gimmick de langage. Ou l'art de maîtriser la communication comme personne, ce dernier ponctuant depuis quelques années ses tweets (dégainés encore plus vite que Trump) avec C'MON YOU KNOW en gros, en large, en travers. Dictionnaire argotique forcément tendance en Angleterre, surtout auprès des plus jeunes qui voient en lui la quintessence du cool, du rock'n'roll, Liam Gallagher façonne discrétos son image à coup de slogans Biblical, Celestial, Aproachable, Rasta, RNR Star qui aujourd'hui sont annoncés fièrement sur les immenses écrans de ses scènes rock, au demeurant basiques. C'est vrai, le combo classique guitare basse batterie synthé will live forever too. Choisissez votre camp, mais par-dessus tout, ne vous prenez pas trop au sérieux : en plein milieu d'une foule extatique ralliée à sa cause (la cover est fabuleuse), Liam Gallagher annonce la couleur d'un album brutal, doux, cash, personnel, rock'n'roll.

More Power, ce genre d'entrée sublime et naïve, conviant les Stones en introduction et les Beatles psyché en outro, est un emblème à cœur ouvert, tandis que Diamond In The Dark joue de sa production plus contemporaine. Don't Go Halfway a un refrain et des chœurs rock (encore) qui auraient très bien pu figurer sur un des tous derniers REM, sauf que Liam cause un peu plus nanas que Michael Stripe. C'Mon You Know pique la rythmique balourde de Mucky Fingers (Don't Believe the Truth, Oasis, 2005) et convie plus que jamais Liam à un espèce de mouvement néo hippie prônant le cool above all ("beautiful people come out to play, brothers and sisters it's time!" clame-t-il très fort) qui trouve une conclusion mieux fichue avec ses cuivres séduisants, entre jazz déconfis et électronique d'un Oasis du début des années 2000.

Un album de Liam Gallagher n'en serait véritablement pas un sans une ou deux balades dont les anglais(es) raffolent. Too Good For Giving Up, génial miel liquide plus anglais qu'anglais, plus One Of Us que Once (Why Me, Why Not?), permet à son auteur de mettre en avant, derrière les violons, de séduisantes capacités vocales malgré l'âge. It Was Not Meant To Be, brillant de légèreté, est sans doute le plus instinctif, ponctué là-aussi par une apparté instrumentale tout en psychédélisme sucré. Everything's Electric a ce je-ne-sais-quoi de classic rock FM avec ses motifs grisants à la guitare lui donnant son ticket d'entrée pour les stades du monde entier. Entouré de producteurs américains plutôt bankables, World's in Need confirme l'écho léché de la production en jetant au visage ce qu'il faut de poussière et de whisky : "back on top never stop", il nous embarque avec un refrain génial de spontanéité, aux paroles simples comme bonjour, forcément composées en solo.

Sur Moscow Rules, petit chef d'œuvre qui semble être interprété sur la pointe des pieds, comme un funambule sur sa corde perché au-dessus d'une foule de haters casual, fait se confronter le Walrus et le Day In The Life des Beatles, où un piano discret et menaçant répond aux fanfares psychédéliques des cuivres et percussions. C'est d'une maîtrise absolument inhabituelle. I'm Free casse un peu la magie du bordel et ira plutôt chercher du côté des Stooges ou d'un vieillissant Iggy (au choix) avec cette guitare fondue dans l'usine de sidérurgie du coin avant de virer carrément reggae-dub. Oubliable, car placée entre deux des meilleurs morceaux du disque.

Car oui, Better Days est un miracle, une gifle d'entrée, la meilleure introduction ever d'un morceau de Liam, avec cette batterie tambour battant chopée discrètement sur Tomorrow Never Knows, ses guitares tellement électriques que les Marshall ne tiendront sûrement pas jusqu'à la fin de ses tournées, ses paroles encore une fois simples comme bonjour mais formulées, mâchouillées comme des hymnes (mineurs à hauteur Rock, majeurs à hauteur de Liam, touchant donc), on entend déjà résonner de Reading à Knebworth, en passant par Madchester, les "believe me" et ses voyelles ivres étirées à l'infini. S'il n'y avait pas le doux comme un agneau Sweet Children, C'MON YOU KNOW aurait été encore plus que cette petite bombe d'énergie hyper satisfaisante. Il aurait été un grand album de rock d'aujourd'hui, totalement convaincu et convaincant, à l'ADN rock fm anglais imposant sans doute quelques passages obligés, notamment dans sa production lourde d'effets, balades comprises. Il aura fallu tout de même une bonne dizaine d’écoutes pour comprendre la cohérence du projet, la totale croyance de Liam en son rock'n'roll qu'il diffuse maintenant non plus à hauteur de salles modestes, mais d'arènes surpeuplées de fans d'hier et d'aujourd'hui. Pour les plus sceptiques, il n'est pas évident de déceler le vrai du faux entre sincérité et posture suprême. Pour les autres, les fans donc, c'est un pur bonheur éphémère avant de passer, comme d'habitude, à autre chose. A dans trois ans.

XavierChan
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le 6 juin 2022

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