Les Beatles noirs, c’est sous cette désignation, pour la moins étonnante, qu’un ami me parla, pour la première fois, des Magic System. Un sourire radieux peint sur son visage, des mains flageolantes et un regard qui exprimait l’exaltation la plus intense, c’est véritablement sous le coup de l’émotion qu’il me tendit, comme à un homme au bord d’un précipice, le deuxième album des sorciers d’Abidjan. Je venais alors de terminer l’écoute de mon album préféré de Yannick Noah, et je baignais, tel un saint, dans un immense océan de tolérance et d’ouverture d’esprit. C’est donc avec le cœur ouvert à l’humanité tout entière que j’accueillis avec joie le présent de mon cher ami, et je l’étreignis avec émotion en lui rappelant combien il pouvait être précieux, en ces temps humainement sinistres, de compter sur quelqu’un d’aussi bon.


La première chose qui me frappa fut le titre de l’album : Cessa Kié la Vérité. Quelle inventivité linguistique ! Quelle audace de langage ! Dans leurs valises, nos quatre frères ivoiriens avaient emporté une fougue créatrice, un élan de liberté artistique, une audace d’entreprendre qui faisaient défaut, depuis trop longtemps, à un pays à la vision étriquée par des décennies d’aigreur et de méfiance. Ainsi, le salut venait d’au-delà nos frontières et nous devions être éternellement reconnaissants de la chance qui nous avait été offerte. Les Magic System venaient nourrir une terre trop longtemps restée infertile à toute culture, surtout celle exotique.


Pourtant, le chemin vers la reconnaissance fut épineux. Le fardeau d’être quatre jeunes musiciens à la peau noire dans un pays de rustres vermoulu par le racisme le plus bestiale était lourd à porter. Un pays où, en ce début de XXIème siècle, des artistes de couleur talentueux tels que K. Maro, Tragédie ou Booba, malgré un succès en termes de vente, continuaient à être trainé dans la fange par la critique et une partie de l’opinion publique. Heureusement, de valeureuses organisations se battaient quotidiennement pour un changement des mentalités.


Dès les premiers sons des tam-tams, je fus pris d’une envie irrésistible de taper des pieds et des mains. Après quelques minutes, presque inconsciemment et avec une joie non dissimulée, je constatai que je me trémoussais allégrement au son du zouglou, j’étais pris par la maladie du bouger bouger. La fièvre augmenta, alors, encore et encore sans pouvoir l’arrêter. Je communiais avec la musique dans la ferveur la plus vive, et si j’avais été paraplégique, j’aurais retrouvé, j’en suis certain, miraculeusement, l’usage de mes membres. L’originalité de leurs chansons me plaisait, exaltait mes sens : je respirais la vie à pleins poumons. Ces authentiques marabouts m’avaient envouté par des mélodies diaboliquement capiteuses, véritables invitations aux danses les plus lascives. Oubliez vos différences, vos problèmes, affranchissez-vous des chaînes qui vous retiennent et venez-vous enjailler, chantaient-ils avec allégresse, je répondais de façon prégnante à leur appel, j’étais même en première ligne.


Au sommet de l’ivresse, mon ami m’étourdit davantage en me racontant l’heureuse aventure du leader du groupe désigné par la directrice générale de L'UNESCO, le jour même de la Journée mondiale de l’alphabétisation, ambassadeur de bonne volonté pour cette même organisation, Il rejoignait ainsi des membres tels que Nelson Mandela afin de sensibiliser l’opinion mondiale à des actions en rapport avec l’éducation, la culture ou l’information pour ne citer que cela. Immédiatement, je fondis en larme, cette belle histoire me faisait retrouver la foi en l’être humain. Je pensais à tous ces enfants qui recevraient par charité un album de Magic System, un tel geste touchait au divin.


Le disque terminé, je m’écroulai sur le canapé, les membres éreintés par une heure de danse effrénée, le corps et la tête vidés avec comme seule envie poignante dans mon esprit : m’endormir et me laisser flotter par le rêve.


Je précise que je n’ai rien inventé pour le coup de L’UNESCO, les invités à la cérémonie ont même eu le droit à un concert, bande de veinards ! : http://www.fasaintviateur.com/nouvelles-de-cote-divoire/nouvelles-ci/175-asalfo-magic-system-ambassadeur-de-bonne-volonte-de-lunesco.html

Morientes
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le 11 nov. 2014

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