"Quelqu’un nous a un jour comparés à Jeff Buckley, j’ai trouvé ça ridicule”, raconte Ben Bridwell. Pas tant que ça. Il suffit de voir sur scène le déglingué dictateur de Band Of Horses pour comprendre que l’homme est habité d’une flamme, d’une intensité, d’une gravité rares. Crispé et tendu jusqu’à la déraison, possédé, il habille ses chansons de frissons fascinants, et semble frôler une rupture définitive qu’on lui promet comme destin inévitable. C’était vrai sur le très beau précédent Everything All the Time, ça le reste sur le plus musclé deuxième Cease to Begin : Bridwell semble disposer d’une petite (mal)fonction dans la tête qui lui fait toucher directement au noir des âmes. Ses mélodies, abreuvées des grands classiques yankees, de Neil Young aux Red House Painters, sont de parfaites bandes-son pour ruptures étouffantes et deuils. Produit par Phil Ek (Modest Mouse, The Shins) sur un fil acrobatique entre intimisme paisible et saillies électriques, Cease to Begin est, comme le Trials of Van Occupanther de Midlake l’an passé, d’une beauté instantanée et sans âge. L’ouverture Is There a Ghost? est effectivement pleine d’esprits, à la fois éplorés et frappeurs. No One’s Gonna Love You est l’une des chansons d’amour de l’année, ce n’est pas rien, Detlef Schrempf semble naviguer sur le Styx quand The General Specific s’alcoolise au saloon. A l’image de la très belle Ode to LRC, Cease to Begin est un magnifique crépuscule – mais le crépuscule est, toujours, inséparable de l’aube. (Inrocks)


Un peu plus d’un an après un beau premier album (Everything All The Time, 2006), le barbu Benjamin Bridwell et ses deux acolytes poussent un peu plus loin leur art de la complainte déchirante et potentiellement emphatique. Trop loin ? On sent parfois sous les guitares fiévreuses une course à l’efficacité où Band Of Horses joue un peu les bourrins (la chanson à boire Cigarettes, Wedding Bands ou le single Is There A Ghost, à deux doigts de l’héroïsme pompier du U2 des mauvais jours). Une pente savonneuse sur laquelle le trio devrait éviter de s’aventurer, eu égard à sa déjà fort discutable passion pour la réverbération (Bridwell.semble chanter dans une cathédrale). Pour autant, Cease To Begin a ses grands moments, à la fois délicats et puissants, souvent très touchants. Débutée par quelques arpèges d’une guitare presque new-wave, No One’s Gonna Love You décolle vite sous les effets d’un harmonium et d’une mélodie somptueuse, portée par un chant déchirant. Piano en sourdine, claquements de mains et chœurs donnent du cachet à The General Specific quand des guitares en roue libre font de Islands On The Coast un potentiel tube. Une belle ballade folk, avec guitare slide et orgue, clôt avec style les hostilités, mais ne dissipe pas l’impression mitigée laissée par l’album. Band Of Horse semble déjà tourner en rond alors qu’on lui devine suffisamment de ressources pour s’aventurer au-delà de son pré carré. On rêve pour le trio d’une révolution stylistique à la façon des cousins de My Morning Jacket, qui, avec autant de réverbération, ont puissamment fait exploser les frontières de leur musique. (Magic)
Passé totalement inaperçu en France, “Everything All The Time”, le premier album de Band Of Horses, aura pourtant mis tout le monde d’accord de l’autre côté de l’Atlantique, là ou nombreux ont été les journalistes, touchés en plein coeur par ce rock midtempo au chant chargé de réverbération, à lui accorder le statut de meilleur album indie de l’année 2006. Les choses auront pourtant été très vite pour ces Américains découverts en 2004 en première partie d’Iron & Wine. Conscient de la bonne étoile qui s’installait confortablement au dessus de sa tête, à peine marqué par le départ de Mat Brooke (musicien originel et influent du combo), il n’en fallait pas plus au trio pour se remettre au travail, se servir de cette belle réussite, pour offrir une suite très attendue à ses nombreux fans devenus totalement accrocs à cet univers mélo-mélancolique touché par la grâce de la voix de Ben Bridwell, certainement une des plus belles sur le circuit indie américain actuel. Gonflé à bloc, Band Of Horses accouche d’un “Cease To Begin” qui confirme tout le bien pensé du premier opus, mais l’installe aussi parmi les groupes les plus influents de la scène rock indépendante américaine. Une juste récompense pour ces trois musiciens pour qui jouer avec la beauté des notes semble aussi facile que de coucher de jolis mots sur papier et de les chanter de la manière la plus touchante qui soit. En effet, Band Of Horses est un groupe complet, sans faille, qui, plutôt que de se laisser freiner par les aléas d’une vie de musicien, puise dans une inspiration décuplée. C’est en tous les cas ce qu’il ressort quand on se plonge dans les quelques joyaux pop que cette nouvelle livraison, tous alignés avec beaucoup de cohérence et d’homogénéité quand “Everything All The Time” laissait surtout en surface de superbes titres comme “Funeral” ou “St Augustine”. “Cease To Begin”, plus direct et marqué par un fin travail d’arrangements, est un album qui ne s’essouffle jamais, qui gère parfaitement l’assiduité d’écoute en jonglant avec les intensités, en variant les plaisirs, en alternant quelques titres rock moyennement appuyés (”Ode To LRC”, “Islands On The Coast”) à d’autres beaucoup plus doux mais tout aussi contagieux (”Detlef Schrempf”, “Marry Song”, “Window Blues”). Mais une fois encore, c’est la voix claire et haut perchée de Bridwell, capable de chanter des banalités comme des onomatopées (”Cigarettes, Wedding Band”) avec beaucoup de génie, qui amène avec elle toute la personnalité de Band Of Horses. Plus naturelle car beaucoup moins baignée dans les effets du précédent album, elle semble ne subir aucune concurrence lorsque résonnent entre autres le progressif “Is There a Ghost”, le carillonnant “No One’s Gonna Love You”, ou la joyeuse ballade acoustique “The General Specific”. C’est donc totalement rassurés que nous retournerons sans compter sur ce nouvel album de Band Of Horses qui nous rappelle à quel point la pop peut être scintillante, dévouée et source d’émotion quand elle est offerte dans un tel écrin de velours. “Cease To Begin”, contrairement à ce que son titre laisse penser, met clairement le groupe sur les rails d’une renommée grandissante, lui qui a désormais toutes les raisons pour regarder devant, pour se laisser aller à composer une multitude de titres qui ne se contenteront peut-être plus seulement de vous hérisser les poils et vous tirer la larme de l’oeil. Un des albums pop de l’année, incontestablement..(mowno)
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le 19 mars 2022

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