Brol
6.1
Brol

Album de Angèle (2018)

(f)Ange gommeuse cherche cages à miel par lesquelles refiler angine fongique avec ou sans belgicisme

Alerte brol-bas de combat !...


La première fois qu'on m'a parlé d'Angèle, c'était... nom d'une fiole d'ypérite! je ne m'en souviens plus. Non, à dire vrai.... personne, et je remercie cette personne, ne m'en a jamais parlé.
Si je me souviens bien, Angèle, la première fois que je l'ai vue, c'était enfermée qu'elle était, enfermée sous une couette, avec ses cheveux spaghetti et sa machine à laver (ou à sécher) les larmes, enfermée dans ma télé - à moins que ce ne fût celle du salon de coiffure de proximité, foutu écran plat qu'on est bien obligé de regarder si l'on refuse de feuilleter les magazines people gentiment proposés par quelque blondinette à talons et aux mains d'argent pour faire passer l'attente plus vite. C'était donc ça, la Loi de Murphy.


Angèle, donc. Un ange, elle? Ce nom m'a d'abord renvoyé au film éponyme (1934) de Marcel Pagnol, que je n'ai d'ailleurs jamais vu. Il y est question d'une fille douceâtre qui se prostitue et, attendue par un père acariâtre, revient au village avec l'enfant d'un bellâtre.


Ensuite, il m'a fait penser à un titre du deuxième album - Regards affligés... - de Pigalle, groupe de rock français formé début des années 80. Un court morceau électro-rock, parlant d'une Angèle érotique qui "cache [s]on corps de femme aux coyotes aux abois". Chouette morceau d'un superbe album du rock alternatif français.


Mais Angèle, Ange-hell, l'ange de l'enfer, celle dont il est question hic et nunc, ce n'est pas sur le trottoir de la place Pigalle qu'il faut la trouver, c'est, je l'ai dit, sur les écrans de télévision ! Puis sur YouTube bien sûr. Puis encore sur les scènes franco-belges, à sillonner les routes, allant, telle une abeille blondinette, butiner les oreilles d'un tel, puis d'un autre, pour les attendrir gracieusement de sa voix de pervenche et sa trogne pétillante.
Angèle, en gel, qui ne sonne point l'angélus, on l'a trouvée aussi dans les journaux, et nombre de ceux-ci se sont fendus d'un petit article, positif à n'en pas douter : ils avaient du miel, de la cire dans les oreilles.
C'est sûr, Angèle, on dira pas le contraire, elle a du charme - le charme d'une minette de vingt ans passés, victime sans doute de son succès, du vilain sexisme ambiant et d'un narcissisme fringant. Mais cet album, c'est vrai aussi qu'il a été écrit avec des pieds grecs, un soupçon de féminisme ourlé d'une horripilante juvénilité et un harassant accompagnement musical qui tuerait sur le coup le spartiate le plus aguerri.


Qu'en est-il donc, chers censeurs, de son album, Brol de son petit nom ? Et, d'abord, qu'est-ce qu'un brol au juste? C'est un désordre, un bazar, nous dit le Wiktionnary, une camelote, un objet sans valeur même. C'est ce qu'on va voir.


La thune
On est là pour te pomper, t'imposer sans répit et sans repos. Pour te sucer ton flouze, ton oseille, ton pognon, ton pèze, ton fric, ton blé, tes économies, tes sous, ton salaire, tes bénéfs, tes bas de laine, tout ce qui traîne.
- Marcel, tu t'es gouré. J'sais que les grillons, les perruques et le maquillage, ça te fait pas bander, mais faut pas changer de canal, enlève les-uns-cons-nus !... j'crois qu'y s'passe un truc important : y'a une blondasse sapée comme une spice girl et armée de flingues qui parle de thune. Ouais, de la mienne, plus de la tienne, plus celle que tout le monde veut.
- Putain, écouter cette merde, ça va pas payer mes impôts. Angèle, moi, j'l'aime pas ; c'est une nana qu'on a très bien vu qu'elle allait avoir du succès avec sa voix de libellule irritante. C'est pas en pointant du doigt les pauvres nouilles qui affichent, avec une sérénité outrancièrement narcissique, leur trombines à coulisses, leur maquillage vegan et leurs robes Tati ou Roberto Cavalli, qu'elle va pas ne pas être anecdotique dans le paysage musical de la poop-music. Ca m'sort par les yeux. Tu vois, moi, en comparaison, j'préfère Jain. Mis à part le fait qu'elle chante en anglais - et que j'pige rien - ça pétille plus. Et quand ça pétille, c'est qu'y a du vin pétillant, et la meilleure façon de boire du vin pétillant, c'est comment? C'est le matin, à jeun, réveillé par Macha, ma chatte.
- C'est bien, Marcel, j'aurais pas dit mieux! Mais, Jain, c'est du même tonneau pour moi. Pis, ça se prononcerait pas à l'anglaise dés fois?
- J'te l'ai dit. Moi, l'anglais... Si mon gosse rentre à la maison et me sors un mot d'anglais, c'est simple, j'lui mets un kick, et j'le prive de sa money pour la semaine. Sers-moi un rouge, tu veux !


Balance ton quoi.
- Balance tout, Marcel. T'es foutu. Toutes les meufs que t'as baisées et qui ont aimé ça, elles vont porter plainte. On est en 2018, mon vieux. Weinstein est passé par là : on balance tout, cette année: poupée gonflable, capote ré-utilisable, viagra et poster d'Adèle Ekxarcho... Expoulos... Exarchopoulos. Elle vient de dire qu'une fille qui l'ouvre, ça serait normal. Tu t'rends compte. Maintenant, faut changer de trottoir quand y a une dame qui vient en face de nous !
- Ouais, c'est ça, l'époque moderne. Vian l'avait déjà anticipé, c'te foutu époque, quand il disait que : La vaseline et les préservatifs devraient être Interdits par voie d'affiche car ces deux institutions faussent de con-t-en fomble les rapports sentimentaux des êtres sentimentaux. En attendant, balance ton couteau suisse, j'ai l'sauciflard à trancher !


Jalousie.
- Alors, Marcel, laisse-moi t'prévenir tout d'suite, y a de la couleur dans ce clip. J'comprends rien aux paroles par contre. Pour moi, la jalousie, c'est comme le pain d'épice : ça se mange.
- Aaah, c'est donc toi qui a mangé mon pain d'épice, mon salaud, j'le savais! Qu'est-ce que cette-que cette chorégraphie pour adolescentes interchangeables ?! Ce clip est-il une allégorie de la vie des jeunes ?... Allez, tous en boîte et on s'enc-- s'enjaille...! Allons, parlons plus des clips, ça m'désole...


Tout oublier
- Eh Marcel, t'as déjà douté d'avoir rêver de ton bonheur?
- Quoi !?
- Est-ce que le spleen a jamais été à la mode?
- Hein !?!
- Enfin, essaie d'oublier que tu es seul...
- Mais qu'est-ce tu m'chantes, là !? Et c'est qui déjà Roméo Pelvis, euh... Elvis ? File-moi un Doliprane, cette mélodie me tape furieusement sur le système!
- Le spleen, c'est hasbeen, faut tout oublier. C'est ça que la chanson veut dire, Marcel...
- Quoi? Ah non ! Déjà que j'ai balancé mon viagra et mon kit soumission, j'oublierai jamais en avoir fait usage, tu m'entends !?
- Oublies qu'elle t'a blessé, Marcel...
- Tu vas la fermer, oui ? 24 millions de vue pour une raclette et deux baltringues en combi' de ski sur une plage, c'est trop!
- Etre au lit avec une pute, à cette instant précis, et sans parler de quel clip que ce soit... Si tu voulais, tu le serais, Marcel.
- Alors direction les maisons closes d'Allemagne quand c'te truc c'est fini ! En attendant, j'vais pisser!


[A la place de la loi de Schtroumpfi, je propose la première loi de Kepler (la plus facile), loi selon laquelle les planètes du système solaire décrivent des trajectoires elliptiques, dont le soleil occupe l'un des foyers.]


Nombreux
- Ecoute ce piano virtuose, Marcel.
- C'est... c'est tout bonnement scandaleux.
- Nombreux sont ceux qui nous ridiculisent. Qui ridiculisent la musique
- Ouais, le ridicule ne tue plus; il endort le bon goût, la décence. Nombreux sont ceux qui payent des impôts. Alors si par-dessus le marché on doit payer pour avoir des albums pareils, où va-t-on ?
- Embrasse-moi, Marcel, j'ai qu'une envie, c'est d'être à toi.
- [rires avinés]


Victime des réseaux
- Marcel... Celle-ci, c'est la meilleure. Y a même de l'anglais !
- SHUT THE FUCK UP, DONNY !
- Vas, Jaina !
- [rires complices saucissonnés]


Les matins
- Y a des matins, Marcel. Y a des matins au goût amer.
- J'ai même pas envie de savoir qui t'as sucé. Et tes seins-cauchemars, t'en as eu?
- Non, pas dernièrement. Dans quelques verres, ce sera le matin, donc pas de rêve aujourd'hui non plus. Mais il est où mon verre de Gin ? J'l'avais posé là, j'l'ai pas perdu tout de même ?
- Ch'ais pas. T'en retrouveras pas dix, en tout cas.
- Et je crierai, crierai: "ô, Gin !", pour qu'il revienne
Et je pleur'rai, pleur'rai, oh ! j'aurai trop de peine...


Je veux tes yeux
- J'attends ton cygne, Marcel.
- Tu peux toujours l'attendre, mon cygne. Un chasseur l'a descendu, lui a raboté les yeux, arraché les dents, coupé la langue, scié les coudes, ôté les plumes et mangé le cœur. L'histoire est cygne y fiente.
- Je voulais ses yeux, en photos au moins...
- T'en fais un bon des fans de The Residents, toi.


Ta reine
- Remets au début, j'ai rien compris.
- Aaah... je commence à voir maintenant: Angèle, c'est le pendant féminin de Lomepal - tu sais, le mec qui fait des Flip dans le cul de ta daronne - et en tant que militant de l'égalité homme-femme, j'te présente Femepal. Enfin... ça casse franchement pas trois pattes à un cygne: les paroles se réduisent à trois phrases.
- C'est un signe de nullité, d'une nullité insigne !


Flemme
- Elle est dans un mauvais mood, Marcel. Même si elle a la fame.
- M'en fous, c'est une ado comme une autre. Qui cause anglais en plus, et ça, ça m’écœure. Et comme elle a eu le droit à son album, elle a pu débiter des banalités, faire l'apologie de la Belgique, et ça, ça m’écœure.
- Bois ta Cuvée-des-trolls, mon vieux, et fais comme moi : laisse ta jalousie de côté. Si elle plaît tant, cette fille, c'est qu'elle a quelque chose... T'as pas la flemme de la boire quand même?
- Encore une soirée plus vieuse à boire de la bière et à écouter Radio-gogo, et ça, ça m’écœure.
- Plus vieille, Marcel, plus vieille...


Flou
- Marcel, Marcel, c'est normal que j'vois flou?... Tout semble être devenu flou... Pourquoi tu portes un col Claudine, maintenant !?!
- C'est ton dixième verre de gin, mon con ! C'est pas une impression. Mais lâches ma chemise, tu veux!
- La musique pop, c'est pu - c'est pu c'que c'était... Quel désordre, maintenant...
- Make pop music great again.
- [rires de deux mecs qui tombent de leur chaise et remercient Dieu que l'album s'arrête]


Or donc, Angèle, c'est un peu le liquide vaisselle sonore qui coule et s'étale sur l'argenterie viciée du commerce musicale: elle lave, en les faisant vaguement bouger au rythme de trois accords majeurs, les cerveaux endormis, laissant, sur l'assiette cérébrale de tous, auditeurs allant la voir en concert et producteurs avares fumant des barreaux de chaises, quelques-uns de ses cheveux-spaghettis, impressions visqueuses, agréables ou non selon les profils.

ElectricBooz
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le 16 déc. 2018

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