"une approche fraîche et neuve de la musique"

"Black metal" n'est, évidemment, pas du black metal, seulement un album qui a donné son nom à un nouveau sous-genre dans le metal...(que personnellement je n'affectionne pas plus que ça), c'est également un album majeur qui a servi de rampe de lancement à tout le metal dit "extrême" et influencé les groupes de thrash metal (sous-genre créé par le groupe en revanche). Le premier album "Welcome to hell" avait déjà fait du bruit (dans tous les sens du terme) : sorte d'hybride entre punk, hard rock, et heavy metal que l'on jurerait enregistré au fond d'une cave! Le moins que l'on puisse dire c'est que ce deuxième album est un peu plus "soigné" à tous les niveaux : le son reste enveloppé par une fine couche de crasse et demeure bien obscur, mais la guitare sonne plus souvent "mélodique" et offre même parfois quelques solos de toute beauté, la batterie reste toujours bien primitive, mais le chant de Cronos semble plus appliqué moins "cru" et guttural...sa voix se rapprochant assez de la gouaille propre aux groupes "punks hardcore" source d'influence revendiquée par Venom.

Après un doux bruit de perceuse, "Black metal" débarque et nous assène une série de baffes vertigineuse à la minu...euh...seconde...bon allez, disons dixième de seconde! Ça joue rapidement, fort, mais ce qui marque c'est surtout ce son "faussement brouillon" qui demande de bien tendre l'oreille pour s'en imprégner en profondeur, les breaks sont bien venus et arrivent pile au bon moment pour relancer la dynamique du morceau, les refrains hurlés "lay down your soul to the gods rock and roll" font figure d'hymnes destinés à être hurlés par une foule en exergue! Bref, "Black metal" a tout du titre incontournable : chaotique, brut, et pourtant fédérateur et instantané. Le groupe prend réellement la peine de varier son offrande avec un "To hell and back" mi-tempo bien venu, et un "Buried alive" atmosphérique et doom à souhait entrecoupé d'un solo de guitare absolument magistral de Mantas : au milieu de la brume où le décors macabre d'un homme enterré vivant cherche à sortir de terre est planté transparaît une mélodie solennelle et désespérée. La guitare chante et hurle à la fois...le blues semble très lointain et pourtant on le jurerait passé par on ne sait quel mixeur puis régurgité par un guitariste insolent de simplicité et de feeling... Ce morceau de choix est immédiatement succédé par un "Raise the dead" absolument génial : complètement punk dans l'esprit et barré à souhait...le fun est plus que jamais présent, et le groupe nous invite purement et simplement à secouer frénétiquement la tête de manière insouciante...à lâcher prise donc. Les thématiques pseudo-sataniques (le groupe ayant toujours revendiqué une approche "second degré" et parodique du satanisme) ne sont, par ailleurs, pas la seule marque de fabrique de Venom si l'on en croit le fameux "Teacher's pet" obscène et stupide à souhait où l'on sent bien que les hormones des membres du groupe (très jeune) n'ont pas daigné prendre congé...ce morceau speed et brutal est entrecoupé d'un pont où le groupe se permet de revisiter le blues d'une façon totalement inattendue et bigarrée à souhait (prouvant par là qu'ils en ont au moins capté l'essence, puisque le cul fait parti intégrante de l'essence du blues, bah oui c'est bien connu!).

Globalement, hormis "Leave me in hell", et "Sacrifice" qui sont les titres les plus "classiques" de l'album dans leur construction et leur teneur "heavy/thrash", tous les morceaux du disque y vont de leur petit supplément d'originalité tant au niveau de la thématique que de la construction..."Countess bathory", par exemple, sur la comtesse sanglante et psychopathe du même nom, nous gratifie d'un rythme lourd et d'un riff absolument magistral (il demeure encore aujourd'hui un classique en concert), tandis que "Heaven's on fire" est une véritable ruée thrash construite autour d'un nombre d'accords très limité mais jouée avec une lourdeur, une violence, et une rapidité folles même encore aujourd'hui difficile de ne pas se sentir immédiatement transporté par une telle intensité! Un des (nombreux) gros points forts de l'album reste cependant ce "Don't burn the witch" fabuleux : sorte de cavalcade endiablée et nocturne où la guitare de Mantas se fraie un chemin escarpé et épineux à travers la nuit, tandis que la voix de Cronos parachève l’édifice sonore en lui conférant une aura particulière. L'album se conclut sur "At war with Satan preview" qui n'est, effectivement qu'un prélude du morceau à venir sur l'album suivant...une pièce maîtresse et épique de 20 minutes qui n'aurait pas trouvé sa place ici de toute façon mais donne furieusement envie d'acheter l'album suivant tant son riff de guitare principal est génial...qui a dit que Satan et le marketing n'étaient pas de bons amis? ;)

Dépourvu de faiblesses réelles, original (même encore aujourd'hui), punk, lourd, et sombre à la fois (parfois même mélodique), "Black Metal" est une authentique réussite encore plus réussie que ne l'était déjà le premier album...ici le groupe confirme qu'il n'est pas là (que) pour plaisanter ou pour faire peur...mais pour créer un son nouveau et une approche fraîche et neuve de la musique dite "metal". Ce n'est sans doute pas un hasard si cet album exercera une telle influence sur de nombreux groupes à venir et si "Cronos" fait encore aujourd'hui figure d'icône respectable pour toute la scène metal... Et même si le groupe fût assez vite rattrapé par sa maladresse, son inexpérience, la nouvelle génération de groupe à laquelle il avait donné naissance (Metallica, Slayer, Megadeth, et compagnie...), et fût assez hâtivement déconsidéré sur un plan musical par quelques malheureux "critiques" musicaux ingrats et changeants, rien n'a jamais pu dépasser ni même égaler cette pièce-maîtresse dans un registre "thrash" et spontané...pas même le groupe lui-même.

"Black Metal" est une oeuvre qui ne se donne pas d'emblée à tout le monde, mais un album avec une saveur particulière qui mérite d'être découvert et redécouvert... "Venom" possédant une âme et une fraîcheur le rendant immédiatement à part et attachant (ça se prend quand même beaucoup moins au sérieux que Metallica ou Megadeth...). Réunir dans une seule et même musique : Satan, le sexe, la rigolade entre potes, et un caractère sombre et viscéral...il fallait oser, et le groupe l'a réussi et très bien même! Derrière ses oripeaux "satanistes de pacotille", Venom est donc un véritable concentré d'énergie et de bêtise bien venue, un hymne à la vie en somme.