Barn
6.7
Barn

Album de Neil Young et Crazy Horse (2021)

Neil vient d’avoir 76 ans. Il y a un mois, il exprimait sa tristesse quant à la mort de son ami Dean Stockwell —acteur qui avait notamment joué le père, dans le superbe Paris, Texas de Wim Wenders. A l’orée de l’année 1970, Neil avait demandé à Dean s'il pouvait composer quelques chansons pour un film dont ce-dernier avait écrit le scénario. Ce film s’intitulait After the Goldrush.


Ben Keith est mort il y a une dizaine d’années. Neil écrivit dans son autobiographie « il y a plein de chansons que je ne pourrai plus jouer maintenant ». Words. Albuquerque. Elliot Roberts, le manager de Neil depuis cinquante ans, est décédé il y a deux ans. Les deux derniers des trois enfants de Neil ont perdu leur mère. Neil n’a plus son ranch, et je crois même qu’il n’a plus sa maison à Hawaï. Et puis, bien qu’il ne soit pas mort, Frank Sampedro ne veut plus depuis quelques années continuer de jouer de la musique, donc en particulier avec le Horse. Il y a plein de chansons que Neil ne peut donc plus jouer non plus. Like a hurricane par exemple. Peut-être cela changera-t-il. Nils le remplace alors. Il est très fort. C’est peut-être la personne au monde qui sait le plus s’approcher de l’âme musicale de Neil. Il n’y a qu’à écouter son album de reprise Nils sings Neil pour s’en apercevoir. Même Nils est vieux à présent. Il a 70 ans. Il y a aussi l’arthrite et la relative moindre rapidité des mouvements. Et puis la voix qui change un peu aussi. Légèrement moins forte. Mais Neil sait s’y adapter.


Et malgré tout cela, durant les confinements de la première année de la pandémie de SARS-COV-2, nous avons eu les sublimes Firesides sessions, et c’est peut-être un des sommets de la communion qui peut exister entre Neil et ceux qui l’écoutent ces dernières années, où on s’approche le plus du véritable objet de la musique. J’aime bien l’aspect amateur de la photographie, ce en quoi je suis en désaccord avec Xavier qui réprouve souvent et fortement cela dans ses textes autour des derniers albums de Neil. Pour moi, la simplicité des derniers films sur Neil (je n’ai pas encore vu le dernier sur la création de cet album justement, mais j’imagine que c’est le cas de même) approche une certaine vérité que ne saurait pas retransmettre un film conventionnel, avec une caméra bien droite, qui ne bouge pas, des conversations champ, contre-champ, champ, contre-champ, plan large bien propre et cetera.


J’ai remarqué qu’il y a souvent un fossé dans la vie entre 75 et 80 ans, c’est-à-dire qu’il y a chez beaucoup de gens un plus grand affaissement entre 75 et 80 ans qu’entre, disons, 40 et 60 ans. Et bien pour l’instant, concernant Neil, « So far, so good ». Et même plus que cela. Welcome Back est peut-être la meilleure chanson du Crazy Horse depuis Cortez. De toutes façons, « meilleure » et cetera, cela ne veut rien dire. La plupart des autre chansons de cet album sont bien voire très bien. Et à Neil de conclure : « we all felt lucky to have been given the chance to play together again and the reaction of people to our record is very gratifying ».


Quant à ce que tu écrivais, Eric, dans ta critique de l’album : « Barn se conclut, presque contre toute attente, par un Don’t Forget Love presque joyeux, mais cet optimisme semble artificiel. […] Neil ne se fait plus guère d’illusions quant au chaos du monde, ni à son avenir ». Je pense qu’il reste optimiste malgré tout dans cet album enregistré durant la pleine lune. Il est simplement conscient de l’ampleur des souffrances qui risquent d’advenir pour beaucoup, mais pour autant il continue de croire dans ce « Grand Esprit » qu’il cite dans certaines de ses chansons récentes, et puis dans son épouse, et il contribue à son échelle à permettre la prise de conscience vis-à-vis du changement climatique.


« Biden officials condemned for backing Trump-era Alaska drilling project » « US auctions off oil and gas drilling leases in Gulf of Mexico » « In a remote part of Australia, a steel vault about the size of a school bus will record the Earth’s warming weather patterns » peut-on lire en ligne sur le site de streaming NYA. On peut voir l’image en noir et blanc de la queue d’une baleine plongeant dans les profondeurs avec au loin quatre plateformes d’extraction pétrolières en plein océan, dans le brouillard.


Il y a trois ans, dans un concert en plein air avec Norah Jones au devant des collines californiennes, son optimiste pouvait se résumer dans cette belle interprétation de la chanson I Do.


PS : je ne mets pas de note à l'album. Il n'y a pas vraiment de sens à noter une œuvre, même si cela fournit un "indicateur d'appréciation". S'il y a un chiffre de marqué ci-dessous, c'est un bug.

Hob
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le 16 déc. 2021

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