Merveilleuse découverte que ce jeune prodige soul !



Une voix aux modulations intenses, accompagnée d’un piano clair, et toujours cette impression de retenue : l'artiste susurre doucement ses confidences avec sérénité malgré les dures épreuves, parfois cruelles, de la vie qu’il raconte.


Then I Heard A Bachelor’s Cry laisse se développer la déconstruction de gammes dissonantes et soutient une mélodie sombre et dévastatrice, qui dit les rugosités d’un avenir incertain, avant le murmure final tremblant de vérité. Par moments, sa musique s’embrase à l’électro : le rythme mène alors le piano tandis que le chant s’accélère sans jamais s’essouffler.
Sur Adios, la litanie tourne en boucle des sursauts vocaux, comme des avertissements, et le timbre grave et sûr maintient l’ensemble, enrobe la mélodie chaotique. Alors Benjamin Clementine parle, se raconte, jusqu’à percher haut les aigus limpides dans une posture d’opéra.



Séduisant, virtuose.



St-Clementine-On-Tea-And-Croissants : humilité, simplicité, spontanéité. Un court interlude d’une force rare. D’une puissance étonnante. On y revient avec curiosité, avec envie. Il y a quelque chose d’organique dans cette secousse musicale.
Vient Nemesis, et de nouveaux les murmures saccadés et énergiques disent les difficultés à surmonter. C’est tout un art de l’accord et de la précision qui s’entend là : le soleil se lève, un jour nouveau se fait dans l’urgence, tel le temps de la vie qui ne s’arrête jamais et ne laisse ni l’espoir du pardon ni celui du recommencement. Ce qui est fait est fait mais Benjamin Clementine tient debout, droit et fier face aux vents les plus dangereux de l’existence.
« I’ve done it all before and I won » confirme-t-il sur Condolence.
Là est sa force de caractère, portée toujours par un indestructible espoir et une foi inébranlable, imparable, en des jours meilleurs et en la bonté de l’homme. Il sait que le salut viendra.
Jusqu’à Cornerstone, il le dit et le répète, avec rage dans la voix sur une ronde lancinante au piano, une ronde pressée aux accords qui s’envolent, légers, vers le ciel. La chanson s’affirme mantra du désir et de la volonté humaine : l’homme plie le monde à son envie.


A force de persévérance, Benjamin Clementine est venu délivrer son message de partage et d’amour. Sa musique et ses mots sont exemplaires à bien des égards, son chant est son cœur qui bat. Après Quiver A Little, aux lugubres chuchotements, Gone clôt l’album sans colère.
Apaisé, le morceau chante un espoir palpable dans l’autre et dans l’humanité de chacun.



C’est beau. Plus encore : splendide, magnifique !



Avec humilité, Benjamin Clementine orchestre les doutes et les angoisses de l’âme humaine. Sans nous faire danser, la soul music de la révélation de ce début d’année nous fait vibrer au plus profond, intensément.



L’homme à sa place.



La musique parle au cœur avant tout et la voix grave chante la petitesse de l’homme dans l’immensité de l’ensemble, dans l’immensité de l’humanité.


Matthieu Marsan-Bacheré - 151226

Matthieu_Marsan-Bach
8

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Créée

le 26 févr. 2015

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