En 2012, le retour de Godspeed You! Black Emperor après 10 ans d’absence avec le remarquable ‘Allelujah! Don’t Bend! Ascend! avait marqué les cœurs vaillants des fans puisque le disque contenait – enfin – les enregistrement studio de Gamelan et Albanian, deux morceaux que le groupe jouait régulièrement au moment de leur dernière tournée avant dissolution décennale. Il n’y eut, bien heureusement, pas aussi longtemps à attendre pour écouter sur disque Behemoth, imposant morceau joué depuis 2012 lors de leurs concerts. Évidé en quatre mouvements distincts sur ‘Asunder, Sweet And Other Distress’, Behemoth se développe à travers deux drones placés au centre de l’œuvre, laissant se développer à ses extrémités ses deux organes vitaux, Peasantry or ‘Light! Inside of Light!’ et Piss Crowns Are Trebled.


Un mot apparaît, écorché et tremblant, à l’instar des projections accompagnant les prestations scéniques du groupe : violence. Les morceaux élaborés par Godspeed You! Black Emperor deviennent véritablement, au fil du temps, de plus en plus violents. L’âge n’assagit pas, loin de là : l’âge moleste. Peasantry or ‘Light! Inside of Light!’ au rythme lourd et martial possède quelques envolées passionnantes, sans jamais tomber dans l’auto-parodie, et est digne des meilleurs albums du groupe ; on pense évidemment à Lift Your Skinny Fists Like Antennas to Heaven. Peasantry étreint en ses digues le perpétuel ressac, le balancement entre hargne et modération – et il y a même pendant un bref instant un semblant de solo de guitare, mais chez Godspeed les soli ne peuvent être que spasmodiques et beaucoup trop nerveux. Quant à lui, Piss Crowns Are Trebled suit ses circonvolutions, sous les hoquets d’une basse étouffée par le fuzz et le bouillonnement des violons, jusqu’à l’agitation musicale maximale.


Sur la version vinyle du disque, les deux drones Lambs’ Breath et Asunder, Sweet sont distincts (le premier en fin de face a s’éternise en un locked groove, tandis que le second débute la face b). Sur le CD, les deux drones sont contigus, le premier mord le second sans heurts, en un long moment de respiration, mais une respiration haletante : le calme après/avant les tempêtes.


Les mots n’existent plus. La loghorée est un leurre. Ne subsistent que dronologie et échaufourées sonores et retentissantes. C’est en tout point ce que les membres de Godspeed You! Black Emperor soutiennent depuis déjà deux décennies, au sein d’une discographie exemplaire, si ce n’est quasi parfaite (All Lights Fucked on the Hairy Amp Drooling, musicassette clandestine auto-produite à 33 exemplaires parue en 1994, restant à tout jamais insaisissable). ‘Asunder, Sweet And Other Distress’ est le fracassant prolongement de cette recherche de la majesté, le son comme seule arme.


Chronique parue sur Hartzine : http://www.hartzine.com/godspeed-you-black-emperor-asunder-sweet-and-other-distress/

julienldr
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le 15 avr. 2015

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