Neil Young n’aura jamais cessé de nous surprendre. Au-delà du principal, c’est-à-dire son talent de compositeur, chanteur et guitariste qui l’a placé parmi les artistes les plus importants de sa génération, dépassant peut-être même le groupe qu’il rêvait de rejoindre dans sa jeunesse, les Rolling Stones, on est régulièrement éberlués par son obsession archiviste. Neil Young est aussi un homme d’affaires avisé au-delà de la musique, puisqu’on sait qu’il a été longtemps propriétaire d’une société très crédible de maquettes de trains électriques, et surtout qu’il vendit voilà quelques semaines (suivant en ça l’exemple de Dylan…) 50% des droits de sa musique à un fond d’investissement, s’assurant ainsi une vie confortable pour ses vieux jours et garantissant la sécurité financière de sa famille. Mais le plus étonnant, c’est bien que, depuis ses débuts, Neil a enregistré une large proportion de la musique qu’il composait ou jouait sur scène, et qu’il a conservé tout cela avec soin, au point d’être capable depuis la fin des années 2000, de produire un flux continu d’inédits, souvent passionnants, ainsi que deux volumineux coffrets qualifiés de "Neil Young Archives Vol. I" et "Vol. II", qui excitent à chaque fois le vaste monde des fans…


Plus de dix ans se sont quand même écoulés entre la parution du premier volume, qui était plutôt destiné aux fans « hardcore » puisqu’il couvrait largement les tous débuts d’un Neil Young qui n’avait pas encore trouvé sa voie, et ce nouvel objet de désir, qui semble, après une première écoute seulement, une affaire beaucoup, beaucoup plus sérieuse. Avec ces 10 albums qui couvrent la période généralement considérée comme la meilleure du point de vue créatif du Loner – de 1972, juste après son triomphe commercial avec "Harvest", jusqu’à 1976, avant la publication de l’hétéroclite "American Stars’n Bars", Neil Young nous permet de comprendre enfin presque complètement cette phase de sa vie difficile, qui le vit composer les chefs d’œuvre absolus de la « ditch trilogy », mais également réaliser puis abandonner plusieurs projets qui ne le satisfaisaient pas (ou que sa maison de disque n’aimait pas !) comme "Homegrown" – réapparu récemment – et "Chrome Dreams".


Comme dans le cas du premier volume, Neil tire un peu sur la corde en incluant ici des albums déjà parus comme les enregistrements live Tuscaloosa (une retranscription alternative au magnifique "Time Fades Away" – absent ici ! – de la tournée chaotique avec les Stray Gators ayant suivi "Harvest"…) et "Live at Roxy – Tonight’s the Night Live 73" (une merveille absolue, augmentée ici d’un titre !), et comme "Homegrown", justement. On peut tiquer sur ce procédé qui poussera les fans hardcore à investir deux fois pour la même musique, mais on admettra depuis que Neil a mis sa musique en accès payant à un prix très raisonnable sur un site Internet consacré à ces mêmes archives que les motivations derrière ces publications / republications tiennent probablement plus d’une maniaquerie de collectionneur jusqu’au-boutiste que d’une simple gloutonnerie financière !


On pourra passer rapidement sur le "Live Odeon / Budokan" de 1976 avec Crazy Horse, faisant la part trop belle à la partie acoustique du set, qui a déjà donné lieu d’ailleurs à l’assez moyen "Songs for Judy", et qui fait finalement assez pâle figure par rapport à de nombreux autres lives électriques avec le Crazy Horse. Le reste du coffret est en revanche une véritable mine d’or, et pas seulement pour les fans hardcore, puisqu’on y trouve des sessions de l’enregistrement des chefs d’œuvre "Tonight’s the Night", "On the Beach" et "Zuma" (qui devient ici Dume !… et qu’on écoutera comme une édition complète de "Zuma"…), mais également d’autres sessions pour l’album du Stills Young Band, avec CSN&Y et avec le Crazy Horse.


Beaucoup de versions nouvelles / inédites de chansons que l’on connaît mieux sous des formes différentes ("The Last Trip to Tulsa" ou "Pocahontas" en électrique, un régal !), et pas moins de 12 morceaux inédits sur les 131, même si, à sa manière habituelle, Neil a souvent recyclé les refrains ou les couplets de nombre de ces chansons non publiées dans d’autres compositions. Si l’on écoute les vrais spécialistes de l’œuvre désormais tentaculaire du Loner, on notera particulièrement l’apparition ici d’un très bel inédit complet, "Goodbye Christians on the Shore" (sur "Everybody’s Alone 72-73"), une ballade mélancolique particulièrement réussie, qui serait presque du « grand Neil Young », et la quasi-intégralité de "The Old Homestead", un enregistrement de 1974, largement acoustique, et presque totalement « inouï », qui témoigne, plus encore que le reste du coffre, de la créativité d’un artiste alors au faîte de son talent.


Sur le plan « technique », on remarquera que ce volume 2 n’existe qu’en format CD, à la différence du précédent qui avait été édité également en versions DVD et Bluray (avec une qualité sonore remarquable, et nombre de vidéos passionnantes qui brillent par leur absence cette fois). Une version Deluxe comprenant un livre de photos et de reproductions de documents de l’époque a été mise en vente en novembre dernier sur le site de Neil Young, et épuisée en quelques jours. Nous nous contenterons avec joie de la version « commerciale » désormais disponible en France, qui a le même contenu musical.


Il ne nous reste maintenant plus qu’à écouter attentivement, à savourer cette dizaine d’heures de musique exceptionnelle, de partager notre émerveillement avec tous ceux pour qui, comme nous, Neil Young compte énormément. Et à espérer la parution du troisième volume, en souhaitant que l’attente ne durera pas encore une fois dix ans !


[Ecrit en 2021]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2021/03/09/neil-young-archives-vol-ii-les-annees-les-plus-creatives-du-loner/


Ci-dessous, la critique détaillée de chaque album constituant le coffret


Disc 1 : Everybody's Alone (1972-1973)
Premier "gros morceau" du coffret, "Everybody's Alone" (attention, la chanson du même nom, découverte dans le coffret "Archives I" n'y figure pas !) compile des enregistrements studio en solo de Neil Young, d'autres en studio et en live avec les Stray Gators, et même un titre (Human Highway") en studio à avec ces brigands de Crosby, Stills et Nash. Les 13 enregistrements sont tous inédits, parmi lesquels on a le plaisir d'y trouver quatre chansons totalement inédites :"Letter from Nam", "Come Along and Say You Will", "Goodbye Christians on the Shore", "Sweet Joni"... toutes intéressantes, mais parmi lesquelles se distingue particulièrement "Goodbye Christians on the Shore", un excellent morceau à la fois original et atypique avec son piano jazzy (façon "Take Five" de Dave Brubeck).


Comme anticipé, presque tout ce qui est joué avec les Stray Gators est à la fois très cool, dans une ambiance country décontractée, mais frôle du coup l'anodin, par rapport en tous cas aux prestations de Neil avec le Crazy Horse, ou surtout - car c'est évidemment notre référence absolue pour l'année 1973, aux versions déglinguées et possédées qu'on entend sur "Time Fades Away" : il est particulièrement décevant par exemple d'entendre une version aussi "laid back" de "The Loner", qui semble perdre ici tout son angoisse existentielle ; de la même manière, l'exécution assez curieuse par les Stray Gators du célèbre "Last Trip to Tulsa" transforme cette grande épopée droguée en une vague plaisanterie.


Le plus beau moment de l'album reste à notre avis la superbe version solo de "The Bridge", chanson à forte teneur symbolique puisque Neil utilisera son titre comme nom de l'institution qu'il créera pour aider les familles d'enfants handicapés : "What a beautiful song !", commente l'ingénieur du son. Et bon dieu, comme il a raison !.


Bilan de ce premier album : tout ce qu'on y entend est de bonne qualité, non dénué de touches d'humour avec les plaisanteries lors des enregistrements acoustiques au studio A&M, et avec la très, très longue introduction à "L.A", définitivement passionnant pour les fans puisqu'il s'agit ici des derniers mois du jeune Neil (qui avait déjà été éprouvé par des problèmes de dos à l'époque de l'enregistrement de "Harvest") dans un état d'à peu près sérénité, avant de tomber dans ce fameux "fossé" où il allait trouver une inspiration saisissante.


Disc 2 : Tuscaloosa (1973) :
Il s'agit là de l'album live couvrant la (désastreuse) tournée avec les Stray Gators ayant suivi la publication, et le succès colossal de "*Harvest", paru séparément en 2019. Le genre de doublon un peu gênant qui gêne toujours un peu quand on achète un nouveau coffret des Archives. On regrette évidemment que Neil Young n'ait pas plutôt inclus ici le bien supérieur "Time Fades Away", toujours pas disponible à date en format CD.


Ma critique de "Tuscaloosa" :
https://www.senscritique.com/album/Tuscaloosa_Live/critique/222665065


Disc 3 : Tonight's The Night (1973) :
On est fin août 1973, et le rêve de Neil Young s'est transformé en cauchemar : torché à la tequila la plupart du temps, rendu furieux par le déroulement de la tournée qui n'a pas répondu à ses attentes, abattu par le décès de son roadie Bruce Berry (puis par la disparition de Danny Whitten dont il se sent personnellement coupable, l'ayant viré du groupe pour cause d'usage incontrôlé de stupéfiants...) Neil s'enferme avec ses plus proches amis dans un studio de L.A.. Il y a là la rythmique de Crazy Horse (Talbot et Molina, Ben Keith et David Briggs, et le (plus si) jeune prodige Nils Lofgren. Et tout ce joli monde, en état d'ébriété, va enregistrer sous le nom de The Santa Monica Flyers le premier chef d'œuvre de la "ditch trilogy" un "Tonight's The Night" infernal et maudit, dont la maison de disque retardera la sortie aussi longtemps que possible.


Malgré son titre, nous n'avons pas à faire ici à l'album original, mais à une sorte de version alternative, comprenant neuf de ses titres (sur douze : Neil a exclu ici, logiquement, le live de "Come On Baby Let's Go Downtown", rajouté sur "Tonight's the Night" en tant qu'hommage à Danny, mais aussi plus curieusement "Borrowed Tune" et "Lookout Joe" !), avec trois titres inédits additionnels, tous trois intéressants : la longue intro jazzy de "Speakin' Out" - interrompue juste quand débute ce que l'on connaît de la chanson depuis tout l'époque, une version nerveuse de "Everybody's Alone", et une chanson de - et chantée par - Joni Mitchell, "Raised on Robbery", qui fait un joli effet grâce à la combinaison de la voix sublime dela chanteuse avec la rudesse chaotique du groupe.


Le résultat de tout ça n'est évidemment pas un démarquage indispensable par rapport au chef d'œuvre qu'est "Tonight's the Night", mais représente une proposition tout-à-fait viable, peut-être plus cohérente encore par rapport à l'esprit dans lequel était Neil Young à ce moment-là, et à l'ambiance de l'enregistrement. Et puis, il est difficile de ne pas rire en entendant Neil remarquer qu'il y a de la Tequila dans l'eau qu'on propose pour se désaltérer...


Disc 4 : Roxy: Tonight's The Night Live (1973) :
Comme pour "Tuscaloosa", ce live - remarquable, sans aucun doute, puisqu'il retranscrit fidèlement une tournée "dantesque" et provocatrice de Neil Young et ses "Santa Monica Flyers" (la section rythmique de Crazy Horse + Nils Lofgren et Ben Keith...) jouant pour la première fois l'intégralité des compositions de "Tonight's The Night" a déjà été publié avant les"Archives", ce qui fait quand même grincer un peu des dents ! Un bonus, tout de même : l'album se conclut par une interprétation inédite - très country, et beaucoup plus "sale" que celle qu'on connait sur "Everybody Knows This Is Nowhere" - de "The Losing End", jouée visiblement en rappel, en fin de spectacle. Un ajout qui contredit néanmoins la légende selon laquelle Neil n'interprétait AUCUN morceau connu du public au cours de ces concerts...


Ma critique de "Roxy: Tonight's The Night Live (1973)" :
https://www.senscritique.com/album/Roxy_Tonight_s_The_Night_Live_Live/critique/184850484


Disc 5 : Walk On (1973-1974) :
Sur le même principe que pour "Tonight's The Night", voici cette fois les enregistrements studio ayant donné naissance à cet autre sommet qu'est "On the Beach". Les titres sont enregistrés entre novembre 1973 et mai 1974, pour la plupart au Broken Arrow Ranch, avec des musiciens variés : en plus des habituels suspects comme Talbot, Molina et Keith, on notera les apparitions de Crosby et Nash, et même de Danko et Helm du Band pour l'un des sommets de cette époque troublée, "Revolution Blues", une explosion de haine inhabituelle dans la discographie de Neil Young : "Well, I'm a barrel of laughs, with my carbine on / I keep 'em hoppin', 't my ammunition's gone / But I'm still not happy, I feel like there's something wrong / I got the revolution blues, I see bloody fountains / And ten million dune buggies comin' down the mountains / Well, I hear that Laurel Canyon is full of famous stars / But I hate them worse than lepers and I'll kill them in their cars..." (Eh bien, je suis un vrai rigolo, avec ma carabine / je les oblige à sauter en l'air, mes munitions sont terminées / Mais je ne suis toujours pas content, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose qui ne va pas / j'ai le blues de la révolution, je vois des fontaines de sang / Et dix millions de buggies descendant des montagnes / J'entends dire que Laurel Canyon est plein de stars célèbres / Mais je les hais pire que des lépreux et je les tuerai dans leurs voitures ...). Les récits - probablement sujets à caution, vu l'état général de cette fine équipe en ces années d'abus en tous genres - des sessions d'enregistrement oscillent entre enthousiasme et horreur, Neil Young ne donnant aucune indication particulière à ses musiciens, et les laissant se débrouiller pour l'accompagner en improvisant la plupart du temps...


Du point de vue inédits, le disque est quand même assez limité puisque l'excellente version très électrique de "Winterlong" qui ouvre "Walk On" - et dont on comprend qu'elle ait inspiré les Pixies - figurait déjà sur la compilation "Decade" : une version assez moyenne de "Bad Fog of Loneliness", un court morceau acoustique avec assez peu de substance, "Traces", et en final une belle interprétation en solo du classique du folklore anglais, "Greensleeves", qui semble de toute évidence parfaitement appropriée au sein du répertoire du Loner. On réalise aussi que la réinterprétation dépressive du "Lady Jane" des Stones en "Borrowed Tunes" date de cette époque, même si elle avait été finalement ajoutée à "Tonight's The Night" quand il avait été finalement publié.


Malgré tout, avec ces additions et un ordre différent des chansons (leur ordre d'enregistrement), voici une version alternative de "On the Beach" qui est un véritable régal de beauté et d'émotion.


Et en plus la photo de pochette, tirée de la même session que celle de "On the Beach" est superbe.


Disc 6 : The Old Homestead (1974) :
Quelque part, "The Old Homestead", qui contient principalement des inédits - soit des chansons jamais encore publiées, soit des versions inédites de chansons entendues ailleurs - enregistrés souvent en solo par Neil Young au Broken Arrow Ranch entre juin et décembre 1974, sert à nous rappeler que, non, même au pic de sa créativité, tout ce que composait le Loner n'était pas extraordinaire. Sortant peu à peu de sa période "noire", Neil nous propose ici nombre de ballades mélancoliques un peu passe-partout, dont seulement quelques unes peuvent être considérées comme réellement inspirées (en général celles qui sont apparues sur les albums de l'époque : "Through My Sails", "Pardon My Heart", "The Old Homestead"...). Oh, bien entendu, "The Old Homestead" est très plaisant, avec son ambiance bucolique et apaisée, et la voix de Neil Young qui est absolument au top, et ravira probablement la majorité des fans. Mais il est vain de chercher ici une quelconque pépite encore inconnue, avec, à la rigueur, l'exception de deux petits coups de cœur pour le mélancolique "LA Girls and Ocean Boys" au piano, et pour "Frozen Man", assez prenante chanson sur la difficulté d'exprimer nos sentiments.


Le plus intéressant ici est sans doute l'apparition de deux morceaux live électriques avec CSN&Y : d'abord un "Pushed It Over The End" assez relâché et reprenant plaisamment le style de morceaux électriques de l'époque Stray Gators, et ensuite, et surtout, une version absolument magnifique de "On the Beach". De quoi regretter le Neil Young qui sombrait dans la déprime !


Heureusement, ce léger passage à vide représenté par cet album n'allait pas durer !


Disc 7 : Homegrown (1974-1975) :
On peut bien entendu râler sur le fait de retrouver dans ces "Archives" "l'album perdu" "Homegrown" publié un an plus tôt, que tout le monde avait logiquement déjà acheté !


Ma critique :
https://www.senscritique.com/album/Homegrown/critique/223973540


Disc 8 : Dume (1975) :
Reprenant la fameuse pochette dessinée de "Zuma" et intitulé non sans humour "Dume" – de Point Dume, localisation du studio où ont été enregistrés les onze premiers morceaux qui le composent -, le huitième disque du "Volume II" des "Archives" de Neil Young est peut-être celui qui procurera le plus de plaisir à l’écoute. D’abord parce qu’on y retrouve le Loner, à la sortie de sa période de dépression profonde, comme soulagé, retrouvant goût à la vie, positif pourrait-on même affirmer. Ensuite parce que Frank Sampedro vient d’intégrer le Crazy Horse à la place de Danny Whitten, décédé, et que même s’il ne possède pas la sensibilité de son prédécesseur, il contribue clairement à un regain d’énergie du groupe.


Bref, comme on le sait depuis que "Zuma" a intégré notre discothèque en novembre 1975, voilà Neil Young & Crazy Horse réussissant à conjuguer sommets d’inspiration et enthousiasme juvénile. Si l’on avait le goût de la provocation, on irait même jusqu’à dire que les onze premières chansons de "Dume", dans leur ordre d’enregistrement auraient constitué un album supérieur à "Zuma" : à la place de "Lookin for a Love" et "Through My Sails", deux bonnes chansons qui déparent quand même au milieu de l’avalanche d’électricité de "Zuma", on a droit ici à cinq excellents morceaux électriques inédits. Et totalement dans l’esprit du reste : d’abord une version fun et excitante de "Ride My Llama", bien supérieure à celle, acoustique, de "Rust Never Sleeps" ; ensuite "Born to Run" (non, pas celle de Springsteen…), une chanson accrocheuse, teigneuse et finalement assez commerciale, dont il difficile de comprendre l’exclusion du répertoire de Neil ; et pour conclure, un trio impérial, "Kansas" – "Powderfinger" (oui, l’original jamais encore entendu) et un terrible "Hawaii". Oui, sous ce format-là, voilà une succession de morceaux impeccablement excitants qui aurait pu constituer (ou alors constitue aujourd’hui) l’un des sommets absolus de la discographie du Loner. Wouaouh !


On peut donc regretter la décision de Neil Young d’enchaîner sur le même album avec cinq chansons – certes avec le même Crazy Horse – enregistrées deux mois plus tard au Broken Arrow Studio dans une atmosphère bien différente. Pas de baisse réelle de qualité dans les compos, mais la magie n’est pas exactement la même. On retiendra tout de même une superbe version électrique de "Pocahontas", qui semble encore plus magnifique ainsi vêtue – avec des chœurs délicieux – qu’en solo acoustique.


Disc 9 : Look Out For My Love (1975-1976) :
Le neuvième disque du coffret "Archives Vol. II" commence très fort avec "Like a Hurricane", "Lotta Love*" et "Look Out for My Love", trois classiques interprétés avec le Crazy Horse, malheureusement dans leurs versions déjà bien connues parues sur album. A partir de là, malheureusement, on n'atteindra plus les mêmes sommets, même si le disque en riche en inédits : 2 morceaux totalement inédits ("Separate Ways" avec le Still/Young Band et "Maditerrean" en solo live) et 8 versions jamais publiées de morceaux jamais connus, ce n'est pas mal du tout. Malheureusement, la vaste majorité des titres de cette période tombent dans une certaine routine (banalité ?) country, qui fait qu'ils n'éveillent jamais franchement notre attention. On aurait tendance à sortir du lot l'interprétation live solo - formule banjo + harmonica - assez rugueuse de "Mellon My Mind", et à l'autre bout du spectre une superbe version signée CSN&Y de "Human Highway".


Globalement, l'écoute de ce "Look Out for My Love" est très agréable, mais on ne peut s'empêcher d'y voir, a posteriori, la menace qui pesait alors sur le Loner d'embrasser une carrière tranquille - paresseuse, même - d'artiste reconnu dans un style consensuel. Heureusement, Neil Young n'était clairement pas disposé à "rouiller" tranquillement sur la route du succès de cette manière, et préférera rapidement des embardées et des sorties de route retentissantes, qui feront tout l'intérêt, finalement, de sa carrière génialement erratique.


[Critique écrite en 2022]


Disc 10 : Odeon Budokan :
D'abord, ce titre : "Odéon Budokan". Qui est aussi absurde qu'il est approprié accolant dans une sorte de set imaginaire l'Angleterre et le Japon : Neil Young nous propose ici 5 titres en solo, enregistrés à l'Hammersmith Odeon de Londres, suivis par 5 titres avec le Crazy Horse au Nippon Budokan Hall. On est en mars 1976, au cours de la tournée internationale qui a occupé Neil pendant une année sans "publication officielle", mais pas sans travail studio, et ces "Archives Vol.II" le confirment.


Il faut bien admettre que "Odeon Budokan" n'est pas très original, d'autant que la setlist retient trop de classiques dont on a déjà de multiples versions : "After the Goldrush", "Old Man", "Cortez the Killer" sont là, tous trois dans des versions certes impeccables, puisque Neil Young était clairement alors en pleine maîtrise de son Art, mais sans surprises. On prêtera donc plutôt attention aux titres moins habituels (moins usés ?) : "The Old Laughing Lady" en acoustique, agrémenté d'un final curieux, "Too Far Gone" et son apologie de la fumette qui soulève l'enthousiasme du public londonien (il est amusant de penser qu'on était à la veille de la naissance du punk rock !), "Stringman", un titre un peu oublié qui n'a jamais réussi à devenir un classique, même s'il contient des passages vraiment gracieux (recyclés par Neil dans d'autres chansons).


Côté électrique, on est plus à la fête, il faut bien le reconnaitre : "Don't Cry no Tears", simple et efficace, est vraiment un bonne chanson qui mérite mieux que le semi-anonymat de l'ouverture de "Zuma". "Lotta love" s'avère par contre plutôt insignifiant ici, avec un côté upbeat qui en accentue la légèreté. Le sommet de l'album est sans conteste l'énergique "Drive Back", avec son riff impeccable, un formidable morceau sur lequel le Crazy Horse semble plus agressif que d'ordinaire. On admirera bien entendu l'inépuisable beauté de "Cowgirl in the Sand" avec Crazy Horse très inspiré, mais on aura du mal à avaler que la chanson se boucle brutalement à mi-parcours, en moins de 5 minutes (en fait, c'est peut-être cette sensation de "coitus interruptus" qui fait l'originalité de la version !).


Bref, "Odeon Budokan" n'est qu'un nième live de plus, qui nous fait surtout regretter que Neil ne publie pas l'intégralité de la partie électrique des sets de cette tournée, car on y remarque un Crazy Horse franchement excellent.


[Critiques écrites en 2021]

EricDebarnot
8
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le 11 mars 2021

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Eric BBYoda

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