Rick Rubin, malgré tout le mal que l'on peut penser de ses productions, aura réussi un miracle. Avec la série des American Recordings il aura permit à Johnny Cash de regagner une légitimité, un style et une envie de créer. Maintenant que l'ultime volet vient de sortir, le producteur va pouvoir repartir saccager deux ou trois bonnes formules, mais pourra garder à jamais le sentiment d'avoir réussi un exploit. Ce sixième disque avec Johnny Cash, s'il n'arrive pas au niveau du troisième et du quatrième, permet à tout amateur inassouvi de faire son deuil.
Il y a un peu moins d'une vingtaine d'années de ça, Johnny Cash n'était qu'un ringard dont on se souvenait surtout pour son concert mythique à Folsom, ses débuts à Sun Records et quelques perles country. Un type accro à la drogue devenu par nécessité grenouille de bénitier. Le genre d'artiste dont on devrait normalement plus entendre parler avant le jour de sa mort. Or voilà en 92, il est introduit au Hall of Fame pour services rendus et tout le monde attend sa mort pour publier une oraison funèbre méritée. Et surgit Rick Rubin, producteur en vogue qui était derrière les manettes de Slayer, Public Enemy ou les Red Hot Chili Peppers, qui s'intéressa à l'homme en noir. Seize ans après le premier enregistrement des deux nouveaux meilleurs amis du monde, il reste donc une poignée d'albums qui ont marqué les années 90 et 2000. Et le dernier volume ne déroge pas à la règle. Toujours sous la même formule, dans un style le plus épuré possible, avec quelques violons pour rehausser le tout, toute une série de ballades poignantes.
Il y a évidemment une ambiance un peu spéciale avec ce disque où un Johnny Cash, gravement malade, au seuil de la mort et en deuil de sa femme, enregistre son ultime album. Et c'est déjà son deuxième album posthume même si l'on sent derrière ce titre, commercialement très fort mais extrêmement glauque, qu'on est arrivé au bout. Il n'y a plus aucune chanson écrite par Cash mais toujours ce mélange de chanson traditionnelles, de vieux standards et de reprises d'artistes contemporains (ici Sheryl Crow ou Kris Kristofferson). L'album vaut surtout pour les deux premiers morceaux : Ain't no Grave avec ses chaines et ses cloches morriconiennes et la reprise de Redemption Day de Sheryl Crow (avant qu'elle tourne mal), superbe ballade acoustique. Idéal pour les fans de la série, du chanteur ou de folk music. Sûrement dispensable pour les autres qui devraient se jeter sans tarder sur le troisième et le quatrième.