Faut-il encore présenter The Berg Sans Nipple, cet incroyable duo franco-américain responsable d'une foultitude de collaborations essentielles et, surtout, de deux chefs-d'oeuvre d'electronica organique et possédée, The Form Of... (2003) et Along The Quai ? Dans leur genre, Lori Sean Berg (Paris) et Shane Aspegren (Nebraska) représentent effectivement ce qui se fait de mieux, toutes frontières et nationalités confondues (Warp, Anticon, Constellation). Prenez, par exemple, Mystic Song, le deuxième titre de leur second Lp, qui se situe à mi-chemin entre Tortoise, Jaga Jazzist, Múm et Hood. L'ancien groupe de scène de Don Nino signe-là un pur condensé de pop supérieure, claviers analogiques et boucles rythmiques en avant, alors que l'on découvre les talents de chanteur d'un Shane qui n'a, pour le coup rien, à envier à Luke Sutherland. Maître étalon d'un album par ailleurs essentiellement instrumental, Mystic Song élève leur science du bricolage à des altitudes inouïes, entre musiques répétitives, afrobeat, jazz et fractures électroniques. Et si ce n'était son ampleur sonique légendaire, on serait également tenté de rapprocher The Berg Sans Nipple de deux grands minimalistes hexagonaux, Pascal Comelade et Davide Balula. Sur le très beau Horseshoes And Hand Grenades, on suit, hypnotisé, le thème accrocheur d'un glockenspiel estampillé The Berg Sans Nipple, tandis que la chanson éponyme, deuxième sommet du disque, confronte Afrique et Islande en un choc thermique saisissant. Mûrement pensée, la richesse de cette musique tient dans l'alternance de densité (cuivres, batteries, Wurlitzer) et de légèreté (melodica, instruments-jouets) qui la caractérise, Carnival Days et Ghost en tête. Et sans savoir si le superbe Nonante-Trois et ses choeurs tribaux saturés en réfèrent au département du même nom promis à de grands nettoyages, on assure qu'il fait bon s'y promener en toute sécurité, comme partout ailleurs Along The Quai. (Magic)