Allez, on se lance un défi, on va parler des Cinelli Brothers sans utiliser les mots : Grateful Dead, BB King, Doobie Brothers, The Band, Rare Earth, Free, War, Allman Brothers, Sam Cooke, The Rascals, Johnny Cash, Chess, Stax, Atlantic ou Motown ! Mission : Impossible ? Pas loin, parce qu’il suffit juste d’écouter un titre de leur quatrième album, Almost Exactly, le premier par exemple, le parfait, le formidable Last Throw Of The Dice pour se dire : bon sang, un nouveau groupe de rock / blues / soul sudiste que Marty McFly a ramené de son dernier voyage dans les années 70 avec sa Dolorean !

Vous avez bien noté les références ? Très bien. Si vous êtes un expert de ce genre de musique, vous allez vous délecter à essayer de trouver d’où vient chaque morceau, ce qu’il évoque, ses influences, etc. et ensuite vous allez faire mourir d’ennui tout votre entourage à étaler votre science, et peut-être votre dédain pour ces musiciens qui recyclent du vieux en tablant sur l’ignorance des jeunes générations. Si vous n’y connaissez rien, par contre, vous avez une bonne chance de prendre beaucoup de plaisir à écouter les 43 minutes (et les 10 titres) de Almost Exactly, en vous émerveillant devant une musique qui groove, qui réchauffe le cœur et les jambes, qui a de l’âme, et qui, c’est sans doute moins courant, a même quelques mélodies facilement mémorisables. Laissez-nous quand même vous expliquer de quoi il retourne.

Les frères Cinelli, Marco (à la guitare et aux claviers) et Alesandro (à la baterie) sont deux Italiens qui vivent à Londres, et qui ont recruté deux locaux (à la guitare et à la basse) pour les accompagner dans ce groupe qui rêve qu’il est américain et vit dans les seventies. Même s’ils sont toujours sans label en dépit d’avoir été reconnus et même primés dans différents festivals de Blues de par le monde, The Cinelli Brothers ont enregistré leur dernier album à New York, et ont même embauché un producteur professionnel (Rich Pagano) pour structurer et peaufiner leur musique, qui a normalement plutôt tendance à déborder de toute part, avec une réjouissante exubérance (on n’est pas italien pour rien). Les titres ont été co-composés par tout le groupe, afin de parvenir à cet effet extrêmement satisfaisant d’un groupe cohérent qui joue vraiment ensemble, quel que soit le style musical de chaque chanson. Ils ont aussi mis l’emphase sur ces fameuses mélodies qui les distinguent du tout venant des revivalistes. Qui plus est, même si le nom de famille de Marco et Alesandro est la marque du groupe, tout le monde chante ici, ce qui accroît le sentiment de vitalité et de nouveauté que diffuse Almost Exactly

Bon, la pochette de Almost Exactly est au pire laide, et au mieux inintéressante. Et le look des quatre gandins sur les photos est assez carnavalesque, pour rester gentil avec eux. Mais, honnêtement, est-ce que ça a de l’importance ? Non, aucune, parce qu’après quarante-cinq minutes d’une musique aussi généreuse, aussi réjouissante, ce genre de détail ne nous intéresse même pas. Par contre, The Cinelli Brothers ont acquis une belle réputation sur scène, et ça, ça nous intéresse, et ça valide ce sentiment qu’on a eu, en écoutant des merveilles comme Dozen Roses (un morceau irrésistible qui devrait faire honte à tous ces gens d’aujourd’hui qui prétendent jouer du R’n’B), Ain’t Blue But I Sigh (ses guitares magiques, son harmonica réjouissant, et son chant parfaitement soulful), Prayer (quasiment une incantation vaudou reprise par les fidèles déchaînés dans une église décrépite de la Nouvelle Orléans), ou encore Makin’ It Through The Night (que les Rolling Stones auraient pu reprendre s’ils avaient trente ans de moins)…

… Ou les cinq autres titres de cet album qui ne sont pas mentionnés ici, mais qui sont tout aussi bons.

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/02/21/the-cinelli-brothers-almost-exactly-retour-vers-un-passe-glorieux/

EricDebarnot
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Créée

le 2 mars 2024

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Eric BBYoda

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