Alligator
7.4
Alligator

Album de The National (2005)

Convaincant depuis ses débuts en 2001, The National ne nous avait jamais convaincus outre mesure. Dès l'entrée en matière d'Alligator, la surprise est donc de taille. Secret Meeting est en effet une chanson aussi limpide qu'un vin peut être rond en bouche. La voix de Matt Berninger, à la fois sépulcrale et singulière, finit d'emporter la mise, doublée par l'autre grand morceau de l'album, Daughters Of The Soho Riots, qui devance de peu The Geese Of Beverly Road. Plus largement, c'est le songwriting de The National qui a gagné en maturité et en assurance. Et ce n'est pas à son transfert chez Beggars Banquet, label prestigieux s'il en est, que le quintette de Cincinnati, Ohio, le doit. Car The National, contrairement aux groupes qui publient d'entrée leur meilleur album et feraient donc bien de tirer leur révérence ensuite, s'est bonifié au fil des années, écumant autant les salles de concerts que les bars. Bien sûr, il y a une ou deux longueurs (Val Jester, All The Wine) parmi ces treize titres. Et les passages innervés ne constituent pas les souvenirs les plus marquants (Lit Up, Friend Of Mine), au sortir de la mi-temps passée avec la bande à Matt Berninger. Cela dit, le premier single choisi, l'électrique Abel, est un contre-exemple parfait, puisant dans le meilleur des Pixies mâtinés de Joy Division. Et s'il était déjà question de montagnes russes sur l'album précédent, Sad Songs For Dirty Lovers, il a fallu attendre cette troisième livraison discographique pour voir The National franchir l'Everest. Une ascension immanquable.(Magic)


D'après ma copine, le problème de The National c'est qu'ils n'ont pas les chaussures qu'il faudrait. Il se trimbalent en chaussures confortables et pépères quand leur musique exprime tout le contraire. Cette remarque est pertinente et évocatrice. Quand on ne trouve rien d'autre à redire au sujet d'un groupe que de plates remarques au sujet de sa garde-robe, ca doit vouloir dire que pour le reste, ce qui compte vraiment, c'est-à-dire la musique, on n'est pas loin de la perfection. Et avec leur troisième album, The National en est diablement près. Non pas que l'album soit évident. Les premiers rapports sont même rugueux. Difficile de tenir la longueur tant on a l'impression de se glisser sans invitation dans un endroit où l'on n'a pas sa place. Le groupe a décidé de rompre avec la beauté discrète de "Sad Songs for Dirty Lovers" tout en en conservant malgré tout les éléments de base, sans céder à la facilité. Au premier abord, la batterie cogne, les guitares scient, Matt grogne, le disque est lourd, sombre étouffant. Puis au fil des écoutes, les détails apparaissent, les arpèges delicats s'écoulent lentement entre les coups sourds du batteur, le violon et le piano s'immiscent et allègent les compositions, Matt grogne toujours, hurle même parfois, mais sa douleur se fait tendre. La grosse découverte pour moi sur "Alligator" fut celle de l'importance de la batterie qui est la véritable âme du disque. C'est la folie déconstructrice de Bryan Devendorf qui forme et déforme les chansons. De l'enflammé "Abel" au déchirant "Baby, we'll be Fine" c'est la batterie qui fixe le cap mouvant, et quand la mélodie meurt de sa belle mort, c'est la batterie encore qui la ressuscite, lui insuffle le souffle de vie nécessaire. Malgré cela, les National n'ont pas oublié que l'intensité du chant et les mélodies équilibristes sont essentielles à leur art. L'ambiance du disque est donc épaisse, sombre comme un confessionnal, mélancolique et touchante sans jamais tomber dans le pathos. La sobriété des sentiments, une sorte de pudeur planent sur ce disque. Là où "Sad Songs for Dirty Lovers" s'ouvrait au monde, "Alligator" suggère plus qu'il ne dit. Matt est un chanteur autiste perdu dans un univers de regrets que les musiciens essayent de délivrer en douze chansons poignantes et simples. Puis arrive la folie expiatrice de "Mister November" et enfin Matt est libre, l'auditeur est comblé et j'ai trouvé mon disque de l'année. Tout va bien, The National est un groupe presque parfait, à part pour les chaussures.(Popnews)
Depuis quelques années, nous sommes habitués à voir germer les nouvelles pousses de la scène new yorkaise, rapidement balancées sur le marché, à grands renforts de promo et de tournées tapageuses. The National arrive beaucoup plus discrètement et sereinement avec ‘Alligator’, album épais aux ambiances obscures, combinant de fines harmonies pop et un chant âcre. Il faut dire que le quintette sort de deux ans de labeur, de remise en question, proche de la rupture. Ce troisième opus (le 1er chez Beggars Banquet) est en quelque sorte un retour à la vie, une improbable bouée de sauvetage. C’est en 1999 que ces 5 copains de l’Ohio, immigrés à Brooklin, commencent à jouer ensemble et forment le groupe : les frères Dessner (Aaron aux guitares et basse, Bryce à la guitare), les frères Devendorf (Scott aux guitares et basse, Bryan à la batterie) et Matt Berninger au chant. Aidés de Nick Lloyd, ils enregistrent un premier album en 2001 (The National) puis créent leur label. C’est leur second album ‘Sad Songs for Dirty Lovers’ (Brassland/Talitres) qui fait connaître le groupe, deux ans plus tard. Même si les tournées en Europe et aux Etats-Unis sont concluantes, le groupe a du mal à joindre les deux bouts et envisage de faire une pause, le temps de renflouer les caisses. En signant The National, Beggars Banquet aura donc évité une disparition comme il y en a tant dans le cosmos rock. Ecrit à l’encre noire, trempé des désillusions de la vie (les relations entre amis, la mort, la paranoïa post 11 septembre aux USA), ‘Alligator’ est empreint d’une sobriété et d’une mélancolie touchantes, transcendée par la voix de Matt Berninger, rappelant celle de Stuart Stapple, tant dans sa tonalité que dans sa gravité. Rien que pour cela, la comparaison expéditive avec Interpol est interdite (bien que les deux formations aient le même producteur, Peter Katis). Des ballades aux morceaux pop, le chant, aussi obscure que puissant, est la pièce maîtresse des compositions, laissant les instrumentations combler les espaces dans une rigueur et une harmonie déconcertantes. Construit sur de rustiques fondations rock (guitares, basse, batterie), les ambiances sont subtilement enrichies par des violons, claviers, clarinettes et quelques chœurs disséminés dans les mélodies, leur conférant cette douceur amère. The National semble expier toutes les fautes du monde (comme sur Baby, I’ll be fine et ses répétitifs « I’m sorry for everything » ou All the wine et les insistants « Mistakes » du refrain) mais sait aussi être rassurant et créer des ambiances chaudes et confortables. (indiepoprock)
bisca
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le 11 avr. 2022

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