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7.2
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Album de Girls (2009)

Ce premier Album de Girls, groupe jusque là inconnu au bataillon, tout ceux qui s'intéressent un tant soit peu à l'actualité du rock indé en ont forcément entendu parler. Encensé par les Inrocks, Rock'n'Folk, Pitchfork et toute la presse rock en général, c'est avec une certaine appréhension qu'on aborde ce disque. En effet, n'a-t-on pas toujours peur d'être déçu par un groupe qui est à la pointe de la hype et dont tout le monde dit le plus grand bien ? Peur que cet énième "nouveau meilleur groupe du monde" ne soit encore et toujours pas à la hauteur des espérances placées en lui...


Bref le mieux pour aborder cet album est comme d'habitude d'oublier tout ce qu'on a pu lire et écouter autour du groupe et juste de fermer les yeux et d'écouter la fameuse galette. Et que découvre-t-on ? Une musique vraiment profondément... cool, mais cool dans le sens le plus noble de ce terme. Imaginez un rock Californien lumineux, traversé de fulgurances mélodiques hallucinantes, le tout exécuté avec une fraîcheur déroutante. Dès le premier morceau ça commence déjà très fort : "Lust For Life" (non non ce n'est pas une reprise de la chanson d'Iggy Pop) est une sorte d'hymne adolescent absolument enthousiasmant. D'ors et déjà un classique. Et puis ça enchaîne et ça enchaîne, que des vrais morceaux, chacun des petites pièces d'orfèvrerie, des mélodies formidables, sans arrêt.


Girls doit beaucoup au leader du groupe, Christopher Owens, compositeur San Franciscain chevelu de 30 ans et chanteur totalement admirable. Il joue avec sa voix, passe avec agilité de la ballade émouvante au punk ravageur. S'il lui arrive d'emprunter la voix de Joe Strummer pour chanter son "Lust For Life", cela ne l'empêche pas d’enchaîner avec conviction les slows les plus beaux du monde avec une voix de crooner un poil éméché (comme sur "Ghost Mouth" ou "Lauren Marie"), avant de se la jouer à la Elvis sur le garage-rockabilly "Big Bad Mean Mother Fucker". Cet Album est d'une très grande diversité, alterne merveilleusement bien les passages grattouillés autour du feu sur la plage ("God Damned" par exemple) et ceux très électriques et bien distordus ("Morning Light", qui sonne comme le meilleur du rock alternatif des années 80-90 (genre My Bloody Valentine première période, Dinosaur Jr, Pixies et Teenage Fanclub, s'il fallait préciser)).


Si on devait lister les influences qu'on remarque en écoutant ce disque on pourrait y passer des heures. Ce groupe sonne comme mille artistes, tout en se construisant une identité propre très forte. Si on entend l'influence des Beatles, des Beach Boys ou de My Bloody Valentine sur un morceau, cela n'empêche pas de reconnaître immédiatement qu'il est l'œuvre de Girls, peut-être par le type de mélodie que le groupe déroule, douce-amère, crépusculaire, souvent romantique, mais aussi bien sur grâce à la voix exceptionnelle de notre fameux chanteur.


La musique de Girls est celle de types qui n'ont pas réussi à choisir entre psychédélisme, pop 60's, punk, garage ou surf rock (en résumé, tout ce que le rock a de plus beau à offrir). En fait c'est tout simplement la musique que joue une bande de vieux ados Californiens qui passe le plus clair de son temps à fumer des joints, regarder des couchés de soleil sur la baie et squatter le plus de concerts possibles plutôt que de bosser. Le résultat est une musique profondément sensible, avec un groupe qui n'hésite pas à déballer ses émotions, ses rêves ou ses dérisoires histoires de cœur le plus sincèrement du monde... Vous savez cette sincérité innocente et absolument vitale qui vous transperce le cœur sans même vous demander la permission, et qu'on retrouvait à la belle époque chez nos amis des Libertines (par exemple).
Tout en arpèges ensoleillés et en mélodies miraculeuses, Girls produit en fin de compte la bande-son d'une génération, d'une jeunesse un peu perdue mais insolente de talent et pleine d'entrain.


Et quand se conclut le disque sur cette bien belle note qu'est "Darling", on se dit qu'on remettrait bien notre Album sur la piste 1, histoire de vérifier qu'on n'a pas rêvé.

Créée

le 6 avr. 2020

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Rafael_S

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