(Se repulen)



Drôles d’oiseaux noyant leurs plumes dans leur bec, mordant une-à-une chacune des ramifications de ces ailes monstrueuses pour en retirer tout ce qui est contenu dans les aspérités.
C’est ainsi qu’opèrent les oiseaux : un travail méticuleux, demandant un temps, une patience certaine, savoir compenser les faibles lueurs pour malgré tout ne pas manquer les brindilles, pour récupérer toute incartade - épi de son de blé accroché ; pour bomber de nouveau un plumage noir-marbré, luisant et incertain.


Ces oiseaux-là se refont une beauté, pour mieux la défaire et s’y reposer ; s’y préparer à accueillir la tempête qui sourde aux horizons gigantesques du Liban. Ce sont des volatiles loin de leurs habitudes, hors de leurs contrées, s’adonnant à cette migration autour de la méditerranée, y puisant des ressources nouvelles et étranges, apprenant des nouveaux chants parsemés du simoun, d’agitation ; un chant improvisé comme un chant du monde invisible ; des chœurs et orchestres fantômes jaillissant des sables épars, des souffles des villes-poussières et des murailles susurrant leurs secrets.



Mes cieux tambourinent



Lors les milans sacrés lorgnent drôlement nos bêtes, ces corbeaux de mauvais augures, que font-ils, qu’apportent-ils ?


De leurs becs, ils tapotent chacun leur tour sur des toiles, selon une rythmique précise et insigne, sans être perturbé par les hères parlant et appelant la prière autour d’eux, demandant la paix dans une atmosphère de guerre percluse.


Ils s’escriment à griffer des tympans, à râper de leurs serres des cordes de bouzoukis, d’oud, de guitares désencordées et saturées ; à asséner coup sur coup sans rien reprendre.
A lâcher les esquilles de proies sacrifiées pour assourdir les sentiments alentours, graver une poésie certaine, peut-être demander à boire en invoquant Baalshamin ?


Mais qui guide-donc, quels dieux, quel instinct pousse cette fanfare des cieux à poursuivre son chemin, à cette envolée à rallonge, à siffloter pour accompagner des vents et cuivres anonymes ?



Drôles d’oiseleurs



Ce sont ces collectifs qui tirent les rapaces ; des fauconniers leurs tendent un bras nomade, pour leur repos quand ils s’entretiennent avec les peuplades locales ; ces chasseurs élèvent de tels oiseaux pour chercher d’autres sonorités, des reliefs voilés et repliés qui ne sont perçus que de cette altitude d’oiseaux.


Ils écoutent les rauques confessions des oiseaux pour percer le murmure des montagnes, les rites et malédictions des djinns électriques, pour apprécier et cultiver cette Musique de la différence et d’autres humanités, les chamades d’autres cœurs que les leurs, des poèmes-dialogues d’étoiles, incompris et ressentis. Ils boivent le discours étranger des faunes environnantes et en fondent leurs morceaux, leurs courbes ascensionnelles et utopiques s’effondrant pour un souffle, pilonnant et brûlant quand ils laissent parler la colère de ces peuples, apaisant et embrasant quand ce sont les protestations polies, pour ne mieux qu’entamer un début d’incendie.


Pour mieux fendre les terres arides, sous les ombres troubles des oiseaux-tempêtes, pour les remous des mers qui fulminent sous ces mêmes ombres, pour hurler d’être vivant en s’étant exposé à toutes les blessures des anges d’angoisses, les oracles bruités, les dialogs with several languages, en résonances avec les héritages passés et la politique du désespoir présente.
En ça, nos oiseaux reprennent en chœur avec nos fauconniers leurs croyances soufflées de Nazim Hikmet, dans leur précédente halte turque, et croassent sous couvert de ronflements et de notes :



You must grieve for this right now
—you have to feel this sorrow now—
for the world must be loved this much
if you’re going to say “I lived”. . .


Rainure
7
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le 30 avr. 2017

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