Des illuminations comme des écrans de fumée le long d'Hollywood Boulevard. Des casinos resplendissants de décadence et d'amour superficiel. Tant d'attractions, de séductions à travers les lieux d'amours qui parcourent les villes légendaires de la côte Ouest américaine. On pourrait y livrer notre cœur, y vendre notre âme, retrouver même pour un instant le semblant d'amour que nous crûmes recevoir lors de notre relation sentimentale la plus intense, avant la douloureuse rupture. Ces faisceaux lumineux et néons brillants si attrayant pourraient nous offrir un idéal pour une nuit, ou même quelques unes après tout, la réalité peut attendre un peu. Surtout en ce moment. Mais The Weeknd ne le voit pas de cette façon, Abel de son vrai nom. Alors nous non plus, nous ne pouvons pas le voir ainsi.

Abel choisit de rester au volant de sa voiture, roulant dans la ville aux rêves et aux étincelles éternelles, sans aucun but ni aucune autre destination que celle de ses souvenirs, de ses fantasmes, de ses désirs, et de ses regrets. Nous, auditeurs avides de frissons de bonheur et de douleur, l'accompagnons dans son épopée nocturne aux accents de déambulations romantiques et sensuelles inassouvies. Les casinos, boîtes de nuits, ou tout autre lieu de débauche et d'idéal se reflètent contre les vitres de la voiture dans le seul intérêt d'animer davantage les désirs et regrets de son conducteur tout comme de ses passagers. Mais cela suffit assez... Les souvenirs, les envies et les regrets prennent le pas sur la réalité.

The Weeknd nous livre ici son album certainement le plus intime et très probablement son plus travaillé. Au-delà même d'un éventail de genres musicaux s'harmonisant à la perfection offrant à After Hours une homogénéité et une identité incroyablement forte et singulière, une authenticité artistique se dégage de chaque titre de l'album en forme de confessionnal tant les émotions exacerbées d'Abel se dégagent des moindres paroles qu'il prononce. Voix cadrée, précise, et exceptionnellement spatiale, il offre à la production ultra-léchée aux effets sonores éblouissants de l'album (il suffit d'écouter pleinement Alone Again, Faith, Blinding Lights ou After Hours par exemple pour réaliser l'immense spectre d'instruments utilisés) la petite saveur acidulée qui confirme toute sa puissance.

Vraisemblablement découpé en deux parties, l'une pour les déambulations urbaines et intimes (de Alone Again à Heartless) et l'autre pour la décadence apparente des casinos et boîtes de nuits (de Faith à Until I Bleed Out) l'album conserve pourtant tout particulièrement son homogénéité si troublante. Les titres forts et dansants tels que Heartless, Faith ou In Your Eyes semblent se révéler n'être que des fantasmes de bonheur où la débauche règne en maître tant les ultimes titres After Hours et Until I Bleed Out raccordent toute la sensualité désespérée des tous premiers, une intensité érotique en plus.

Apte à agrandir le deuil des amours brisés, à approfondir les fantasmes exacerbés et à comprendre toute la puissance de la solitude en même temps que de la perte, After Hours se révèle être un album complet dans sa douce décadence, imposant dans son intimité une consécration évidente et méritée pour son créateur...

Ainsi, voilà de quoi alimenter la flamme des ébats immensément langoureux que se livrent les amants et les amoureux lors de leurs nuits les plus fantasmées... Ou même animer les cendres de ceux qui ont perdu ou qui rêvent du grand amour, plongés au fin fond de leurs draps de solitude et de tristesse.

Lafonthug
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 21 mars 2020

Critique lue 1.2K fois

18 j'aime

Lafonthug

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

18

D'autres avis sur After Hours

After Hours
MidMinder
9

À la croisée des genres

The Weeknd sait qu'il n'a plus rien à prouver concernant sa carrière, déjà internationale et parcourue de récompenses. Dans cette optique, il a voulu utiliser cette notoriété pour donner au monde du...

le 20 mars 2020

20 j'aime

After Hours
Lafonthug
8

Alone in LA, Alone in your love

Des illuminations comme des écrans de fumée le long d'Hollywood Boulevard. Des casinos resplendissants de décadence et d'amour superficiel. Tant d'attractions, de séductions à travers les lieux...

le 21 mars 2020

18 j'aime

After Hours
YoniWorku
10

Un album révolutionnaire

The Weeknd a toujours eu le soucis du détail en ce qui concerne sa musique. Il a débarqué tel un ovni dans cette industrie avec sa fameuse Trilogie comportant House of Balloons, Thursday et Echoes of...

le 20 mars 2020

11 j'aime

2

Du même critique

Ma vie avec John F. Donovan
Lafonthug
9

Le beau mensonge

J'avoue être un peu désarçonné face à toutes les critiques négatives que rencontre Ma Vie avec John F. Donovan, nouveau né du petit prodige du cinéma canadien Xavier Dolan qui n'a plus rien à prouver...

le 16 mars 2019

35 j'aime

1

The New Abnormal
Lafonthug
10

Drums please Fab

Que dire, que dire, que dire... Les revoilà enfin. Les "sauveurs du rock" comme on les appelait il y a de ça une petite vingtaine d'années. Disparus depuis 4 ans pour certains, depuis 7 ans pour...

le 10 avr. 2020

21 j'aime

2

Une idée apparaît
Lafonthug
9

L'art de créer

J'en ai lu des romans du maître Murakami, bien plus encore que ce que je m'aurai cru capable de lire en à peine deux ans. En passant par son chef-d’œuvre d'onirisme et de poésie qu'est Kafka Sur Le...

le 31 oct. 2018

20 j'aime

3