Génies en herbe.

A dire vrai, ce premier opus d'Aerosmith, bien que non dénué de qualités, déçoit, et semblerait presque avoir été conçu longtemps après les chefs-d’œuvre que sont les « Toys In The Attic » et « Rocks », tant l'ensemble sonne comme un disque échafaudé par de vieux cons essoufflés, passionnés par le blues - rock mais plein d’arthrite dans les doigts, le gosier asséché d'une abstinence non souhaitée, et les veines et les narines nettoyées par un clean-sheet de plusieurs années. Mais ne nous y trompons pas, ne nous emmêlons pas les pinceaux dans les couloirs du temps, ces quelques derniers mots ne font que dire ce qui arrivera finalement au groupe et prédire aux combos qui suivront les mêmes schémas d'excès le mur qui finit (toujours?) par s'ériger en maître.

Dans l'ensemble, ce premier disque éponyme démontre un talent certain mais n'ayant pas complètement éclos et donc ne laissant pas encore entrevoir le génie à venir. Trop blues, trop simpliste, son qui dans l'ensemble sonne comme quelque chose qui n'est pas assez produit, pas assez léché. Encore trop crade... Manquant de souffle, de substance, de fond, et de forme.

Un son brut, sec, craché, rock'n roll, pas totalement dénué de charme et assez sexy mais aussi très naïf...

La simplicité un peu basique et brut de « One Way Street », peut faire sourire, « Mama Kin » est un boogie blues bien heavy qui renvoie plutôt aux compositions qu'allaient pondre à foison AC / DC, et qui semble aussi un peu fat et suffisant. Et bien que très efficace par ses riffs taillés sur mesure, le tout peut également faire penser à un Rolling Stones de seconde zone, une série B bon marché rubrique « Can't You Hear Me Knocking ? », un sous-produit que Sticky Fingers enfantera par légion. Les premiers morceaux, tout comme « Write Me A letter », ne convainquent pas. Par petits instants ça sonne même glam (franchement, le chant de Tyler sur le dernier titre « Walkin The Dog »...) et pour ce qui reste à l'époque des débutants, le cap à suivre pour se faire connaître dans ce carrefour de modes en 1973 ne devait clairement pas être facile. Débroussailles donc toi-même ton propre chemin, peut-être te suivrons-nous, et peut-être réussiras-tu à rejoindre un chemin déjà tracé, mais comme nous pouvons tous en convenir parfois, ce n'est pas forcément la bonne piste à suivre...

Heureusement, dans ce disque bon marché de heavy blues rock poussiéreux et réchauffé typique du début des années 1970, surgit des chardons une délicieuse ritournelle, petite beauté composée dans la douleur et qui à force d'un dur labeur et des sueurs issues des répétitions moites donnera lieu à un bijou non assumé, un peu timide, mais brillant : « Dream On ». La montée en puissance inoubliable d'un morceau commençant calmement pour finir en breaks successifs est délicieuse, et relève d'un point la note finale. Mais ce tube qui au départ ne connaît qu'un succès local n'est pas de la même race, pas du même acabit que les autres titres de l'album ; il est différent et sonne presque faux au point de casser l'unité de l'album. Il semble avoir été plus réfléchi, pensé. Il est doté d'une structure un peu plus complexe, et donne cette impression d'avoir atteint une forme de génie par le travail. Le résultat final n'est certainement pas le fruit d'une seule prise mais il prouvera au groupe qu'il est capable de faire des tubes, des chansons de qualités, ce qui lui permettra de continuer l'aventure...

...on connaît la suite.